Elle était l’âme de la salle Bourgie. Isolde Lagacé fait le point sur son expérience à la tête de ce qu’il est désormais permis de qualifier de véritable institution du paysage artistique montréalais.

Nous rejoignons l’ancienne administratrice dans un café du quartier Montcalm de Québec, où elle a récemment élu résidence pour se rapprocher de ses deux enfants, actifs aux Violons du Roy.

Quelques jours auparavant, la salle Bourgie, à Montréal, lui consacrait un dernier concert hommage. « Mon projet, c’est de vivre », répond Isolde Lagacé lorsqu’on la questionne sur d’éventuels plans de retraite. « À 65 ans, quand tu as couru toute ta vie, tu mérites de te reposer un peu ! »

Pourquoi partir maintenant, après près de 15 ans à diriger la Fondation Arte Musica, chargée d’animer l’ancienne église unie Erskine and American devenue depuis la salle Bourgie ? « Il y a quand même des défis dans notre milieu, et ces défis-là, j’aimais mieux que ce soit quelqu’un d’une autre génération qui y réponde, affirme-t-elle. La pandémie était comme une scission naturelle. Tous les éléments étaient là pour que je passe le flambeau. Ce n’est pas parce que je suis malade, que ça ne va pas bien ou que je n’ai plus d’idées. »

Isolde Lagacé se souvient de l’incrédulité des administrateurs de la Fondation après qu’elle eut rédigé sa propre description de tâches, essentielle dans le processus de recrutement. S’acharner à vouloir confier le tout à une seule personne revenait à tenter de réaliser la quadrature du cercle. « Les gens de ma génération ont été habitués à être polyvalents, estime la sexagénaire. Pendant des années, j’invitais les musiciens à souper chez nous après les concerts. Et je n’avais pas de compte de dépenses de 10 000 $. Je les traitais comme ma famille. »

Le président du conseil d’administration, Pierre Bourgie, a fini par céder. « Je lui ai dit que si on voulait continuer à se développer, c’était le moment de séparer le poste », se souvient la nouvelle retraitée, dont le poste a été confié l’an passé à Caroline Louis (direction générale) et à Olivier Godin (direction artistique).

Se développer, mais de quelle façon ? Isolde Lagacé continue de prêcher pour la diversification de la programmation.

Je trouve ça fatigant qu’on joue toujours la même chose. On se fait dire que si on ne joue pas les pièces moins connues, c’est parce qu’elles ne sont pas intéressantes. Mais ce n’est pas vrai !

Isolde Lagacé

Même chose avec les artistes invités. « Ce n’est pas parce que tu ne connais pas un nom qu’il n’est pas bon et que tu ne vas pas avoir une très grande émotion, soutient-elle. De la même façon, plus tu paies cher et plus tu te dis que ça va être bon ! J’aimerais que les gens apprennent à juger par eux-mêmes, qu’ils soient sûrs de leurs goûts au lieu de se fier à ce qui a été dit. »

Autre credo pour l’ancienne administratrice : « Personne n’a besoin de connaissances théoriques pour aimer la musique, assure-t-elle. Les gens disent qu’ils n’ont pas d’oreille, mais qu’ils aiment la musique. Je leur dis qu’ils ont donc de l’oreille. »

Elle donne l’exemple d’un homme ayant enseigné à ses enfants au primaire. L’ayant revu au hasard dans un autobus, elle s’est empressée de l’inviter à la salle Bourgie pour entendre jouer sa fille Mélisande. Un coup de cœur qui l’a amené à devenir un habitué de la salle. « Ça, c’est la quintessence de mon travail ! se réjouit Isolde Lagacé. Si on change la vie d’une personne un soir donné, notre œuvre est réalisée. »

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