(Franklin) Dans le sud-ouest de la Montérégie, entre vergers et champs de bleuets, a poussé un véritable essaim de petites églises. L’une d’elles, située à Franklin, retient particulièrement l’attention, et pas seulement parce qu’un panneau « À vendre » a été planté sur son parvis.
Si elle pouvait se confesser, elle vous raconterait comment elle s’est reconvertie, étant tour à tour lieu de culte, entrepôt agricole, puis résidence et studio d’art. Et aujourd’hui encore, malgré son grand âge, elle ne rechignerait pas à embrasser une nouvelle vocation.
L’occupante actuelle des lieux, qui a acquis le bâtiment en 2005 avec son conjoint, a massivement investi pour en faire un petit coin de paradis, en quête de grands espaces pour installer son atelier de peinture. Et quand on parle d’investissement, cela ne se cantonne pas aux modifications concrètes, car Lyne a consacré un temps considérable à creuser l’histoire de cet édifice originellement congrégationaliste, écumant archives municipales, cadastres et bibliothèques.
« Son année de construction exacte reste un mystère, mais on sait que cela fait bien longtemps qu’il ne s’agit plus d’une église », indique-t-elle d’emblée. D’après ses recherches, le premier révérend local est arrivé vers 1832, et l’on pourrait supposer que son édification daterait approximativement de cette époque — la date de 1843 gravée sur la façade serait une fausse piste.
Par la suite, elle fut désertée au profit d’une autre église construite de l’autre côté de la rue par les méthodistes en 1876, qui captera la totalité des fidèles locaux une fois l’union des Églises proclamée en 1925. En 1937, le bâtiment est racheté par l’association agricole Franklin Fruit Grower, qui en fera un entrepôt réfrigéré de pommes, lui adjoignant un hangar à l’arrière.
Fait amusant : Émilien Faille, le grand-père du courtier immobilier qui pilote aujourd’hui la vente de la propriété, faisait alors partie des acheteurs. En 1953, le bâtiment change de mains, avant d’être racheté en 2005 par Lyne et son conjoint.
Cachet original, atours modernes
Les résultats de cette conversion sont spectaculaires avec, à l’avant, la conservation du cachet historique de l’église avec pierres apparentes, portes et fenêtres en ogive.
Quand on a refait les murs au plâtre, on aurait pu tout recouvrir pour mettre ça propre, mais j’ai préféré garder les parties originales, préserver le passé. On retrouve de petits dessins d’époque un peu partout.
Lyne, la propriétaire
Le bâtiment n’est toutefois pas soumis aux restrictions étouffantes d’une réglementation patrimoniale, précise le courtier Benoit Faille.
La partie arrière, orientée plein sud et correspondant à l’ancien agrandissement de l’entrepôt, a été mutée en espace de vie plus contemporain, avec fenestration panoramique sur la cour arrière et les jardins. Le tout a été garni d’un superbe mobilier récolté localement, chez des artisans ou dans le cadre d’enchères.
Afin de maximiser les grands volumes disponibles de ces deux aires principales, des mezzanines y ont été ajoutées, accueillant respectivement atelier et bureau (des garde-corps, actuellement manquants, devront être installés). Connectées par des espaces de vie aménagés, les deux chambres avec salle de bains attenante ont été prévues à l’étage, dans la partie sud.
La résurrection de l’habitat a été pilotée par un architecte, mais, véritable artiste dans l’âme, Lyne n’a pu s’empêcher d’apporter sa touche personnelle aux plans définitifs. « Quand il a vu les résultats, l’architecte m’a dit : “C’est comme si j’achetais une de tes toiles et que j’y ajoutais mes propres dessins !” », dit en riant la propriétaire.
En marge des pièces principales, très étendues, on trouve quelques nids haut perchés permettant de fantasmer toutes sortes de vocations, comme la salle nichée sous les combles, toute de bois et de poutres vêtue, ou encore cette étonnante mini-véranda/observatoire venue déloger le clocher original. Des travaux de finalisation sont à prévoir, mais le potentiel pour y installer un recoin magique est bien là : de là-haut, la vue plongeante sur les environs a de quoi abreuver l’inspiration.
D’ailleurs, où est-il passé, ce clocher ? La réponse est dans le jardin, où il trône avec une nouvelle fonction de gloriette. Autour de lui, c’est un véritable éden de verdure, édifié sur le lit de pierres original, dans lequel on a puisé pour modeler un paysage étoffé avec des influences asiatiques. En complément, plus de 100 000 tonnes de pierre de rivière y ont été versées pour sculpter cet extérieur hyper reposant.
Nouvelle vocation
Le bâtiment, qui a changé de fonction à maintes reprises au fil des décennies, pourrait bien changer son fusil d’épaule de nouveau. C’est en tout cas le vœu de la vendeuse, mais aussi celui de la municipalité, qui serait prête à donner sa bénédiction à un espace commercial ou communautaire, pour dynamiser les environs.
« Tout le secteur est zoné à la fois commercial et résidentiel », souligne le courtier Benoit Faille.
Dès lors, de nouveaux rôles et projets sont envisageables pour les lieux, dont certains siéraient à merveille au cadre, comme celui d’un restaurant, d’un spa ou d’un espace culturel. Il reste à trouver qui serait prêt à écrire une autre page d’histoire de cet édifice à la destinée tumultueuse.
Consultez la fiche de la propriétéLa propriété en bref
- Prix demandé : 1 700 000 $
- Année de construction : inconnue
- Pièces : 14, dont 2 chambres
- Superficie du terrain : 2832 m2
- Évaluation municipale : 269 400 $
- Impôt foncier : 2044 $
- Taxe scolaire : 267 $
- Courtiers : Benoit Faille et Francis Lavoie, Groupe Lavoie