Elles peuplent les magazines et se multiplient dans les quartiers cotés. Les maisons contemporaines habilement rénovées (avec des pros), personnalisées (selon les besoins des occupants) et bien pensées (grâce à un concepteur compétent) nous font rêver. Mais peut-on espérer métamorphoser ainsi sa propriété? À quoi ressemble le coût d'importants travaux réalisés dans les règles de l'art? Quelles sont les erreurs d'aménagement à éviter? Trois experts nous ramènent à la réalité. Voici les réponses aux 12 questions que nous leur avons posées.

1) À combien estimez-vous le coût des travaux pour la remise à neuf d'une habitation de taille moyenne?

À partir de 175$-200$ le pied carré de superficie habitable. Cette évaluation inclut le tarif de la main-d'oeuvre, le prix des matériaux, des appareils sanitaires et du mobilier intégré conçu sur mesure, mais exclut les taxes, les honoraires du concepteur, de l'ingénieur en structure et le prix des appareils électroménagers.

«Dès qu'on touche au revêtement extérieur et qu'on choisit des fenêtres aux dimensions inhabituelles et ouvrantes avec des cadres haut de gamme [aluminium, bois...], la facture gonfle rapidement», préviennent les architectes Anik Péloquin et Laurent McComber. Dès le départ, il importe donc de rendre ses envies compatibles avec ses moyens.

«La première chose que je regarde lorsque j'entreprends un chantier en ville est l'emplacement des poteaux et des fils électriques, ajoute Robert Deschamps, entrepreneur général. Si un camion comportant un mât ou «girafe» ne peut atteindre le chantier, il faut alors compter environ 10 000$ en frais de manutention des matériaux. Les clients oublient également les coûts des permis [de construction, d'occupation du trottoir et de la rue], ainsi que les frais de location et de mise en place de l'échafaudage dans le cas d'un immeuble à plus d'un étage.»

En somme, les trois spécialistes rappellent l'importance (capitale!) d'inclure au budget un pourcentage du coût des travaux réservé aux imprévus: 15%, par exemple.

2) Combien pour la métamorphose d'une cuisine?

Attention au portefeuille! C'est dans cette pièce - le coeur de l'habitation - que les sommes investies sont souvent les plus élevées dans le cadre d'une transformation majeure. Quelque 30 000$, 40 000$, 50 000$? «Difficile à dire, mais une chose est sûre, il n'y a pas de limites... Il faut donc prévoir plusieurs dizaines de milliers de dollars, s'entendent les spécialistes. Le nombre de détails à fignoler dans une cuisine est énorme comparativement à une autre pièce, comme une chambre. Sans oublier le prix des matériaux. D'où la facture salée d'un tel remodelage.»

«Et réaménager une cuisine en ignorant les pièces adjacentes n'est pas l'idéal, enchaîne Laurent McComber. Cela va à l'encontre d'une conception architecturalecohérente», nuance-t-il.

«Règle générale, je préfère avoir une vue d'ensemble des volumes intérieurs, de la fenestration et des axes de circulation afin de créer des liens entre les espaces grâce, entre autres, à des matériaux», renchérit Anik Péloquin.

Truc économique: «On peut réduire les coûts d'un aménagement sur mesure en se procurant certains articles usinés, à prix raisonnable, comme du mobilier de cuisine ou de salle de bains et de la quincaillerie dans certains magasins dont IKEA, fait remarquer Laurent McComber. Une telle cuisine, qui peut être modifiée par un menuisier talentueux, s'avère, malgré tout, moins chère qu'une autre entièrement réalisée par un ébéniste.»

3) Combien pour la modernisation d'une salle de bains?

À partir de 15 000$ environ, selon la taille de la pièce. Cette estimation englobe le coût du mobilier intégré fait sur mesure, la plomberie, l'électricité, la finition des murs et du plancher et le tarif de la main-d'oeuvre, mais exclut les taxes et les honoraires du concepteur.

4) Quelle est l'intervention dont le prix fait souvent sursauter les clients?

«Contrairement à ce qu'on voit dans certaines émissions de télévision vouées à la rénovation, on ne dégarnit pas l'intérieur d'une habitation à coups de masse seulement, note Robert Deschamps. D'abord, il faut posséder un bon équipement de sécurité, comme un masque respiratoire avec filtre performant, préserver les éléments porteurs de la charpente et, surtout, éviter de l'affaiblir pendant la déconstruction grâce à un système temporaire d'étaiement. Un tri sélectif des matériaux résiduels est fait sur le chantier. On loue alors des conteneurs [un pour le bois, un autre pour le plâtre...]. Tout compte fait, le dégarnissage d'une demeure de près de 2000 pi2 s'élève à plus de 10 000$. Quant à une démolition complète, il faut prévoir aisément le double.»

Pour sa part, Anik Péloquin considère que la création d'un sous-sol n'est pas nécessairement la meilleure solution pour obtenir davantage de surface habitable. «Creuser un sous-sol est coûteux et n'offre malheureusement pas un environnement supplémentaire de qualité, estime-t-elle. Investir une somme comparable dans un ajout sur le toit constitue, à mon sens, un gain d'espace plus intéressant, car il est plus lumineux et agréable. On doit toutefois s'assurer qu'il est possible d'en réaliser un auprès de sa municipalité.»

5) Combien pour un ajout sur le toit?

«Àpartir de 70 000$ pour une pièce ajoutée sur le toit d'un duplex montréalais typique possédant une structure convenable ne nécessitant pas de renforcement», juge Robert Deschamps.

6) Une rénovation verte est-elle plus coûteuse? Si oui, de combien et à quoi peut-on attribuer cette différence?

«Le coût d'une rénovation écologique est plus élevé et la différence de prix est de l'ordre de15 à 20%, évalue Robert Deschamps, qui se spécialise dans les projets verts. D'abord, quand on parle de développement durable, on parle d'une maison faite pour durer très longtemps, qui est saine et confortable pour ses occupants. Et pour atteindre ces objectifs, il est important que l'étanchéité de l'enveloppe soit irréprochable. Il faut que tous les ponts thermiques aient été adroitement coupés. Ce qui augmente l'efficacité de l'isolation et minimise les risques de condensation. L'installation du pare-vapeur est cruciale. Ajoutez les frais supplémentaires pour la fenestration triple vitrage (avec gaz argon et pellicule Low-E) qu'on installe systématiquement sur la façade nord d'une construction. Il y a aussi l'achat d'un échangeur d'air, le plus efficace possible. Quant à la différence de prix entre les matériaux verts et les matières ordinaires, elle diminue de plus en plus.»

7) La rénovation coûte-t-elle moins cher que la construction?

«Pas nécessairement. Exécuter des travaux sur une structure existante demande plus de temps, car il faut souvent corriger et rectifier les murs et les planchers. Sans compter... les surprises! En dégarnissant un bâtiment, on découvre parfois de la pourriture, des moisissures ou des difficultés insoupçonnées. À l'inverse, il est beaucoup plus facile de contrôler les coûts, les travaux et l'échéancier d'une construction neuve», affirme Laurent McComber.

8) Comment limiter les dépenses (superflues)?

L'un des moyens pour réduire les coûts d'une rénovation et, ainsi, éviter les dérives est de miser sur des matériaux abordables et durables que l'on installe, si possible, à proximité d'un revêtement plus précieux. Le même principe s'applique en mode, où l'on associe un sac à main chic à une simple robe noire.

- Choisir un comptoir en stratifié. Optez alors pour une couleur vive et franche et fuyez les teintes banales ou les imitations (marbre, granit...). Un comptoir de ce genre donnera de l'éclat à une cuisine ou à une salle de bains sans coûter une fortune.

- Autre tactique: investir dans la création d'un mobilier aux lignes nettes avec un matériau modeste (mélamine, stratifié, contreplaqué...). Son aspect ultracontemporain compensera.

- Sélectionner du mobilier de cuisine dont le revêtement sera d'une couleur similaire - blanc par exemple - à celle des électroménagers. Les surfaces seront ainsi unifiées et la présence des appareils atténuée.

- Privilégier un parquet en bois local plutôt qu'une essence exotique.

- Adopter des matériaux standards et classiques, car plus abordables, comme des carreaux de céramique blanche de 4 po sur 4 po. Pour un effet harmonieux, on les installera alors sur une grande surface bien définie plutôt que de s'arrêter au milieu du mur ou d'en mettre trop peu dans l'entrée, par exemple.

De son côté, Robert Deschamps pense qu'il vaut mieux faire des coupes dans le tape-à-l'oeil que dans le bâti. «De la robinetterie ou même des armoires de cuisine, c'est facile à changer, alors que si la qualité d'une construction est médiocre, vous risquez de voir apparaître plusieurs problèmes majeurs», dit-il.

Dans le même esprit, Laurent McComber suggère de réduire ses besoins (et désirs) à l'essentiel et d'investir davantage dans la conception que dans les produits de luxe. Exemple? «Pourquoi acheter des rangements pour le vestibule alors que de simples crochets et une banquette peuvent suffire? Dans ce cas, la composition de l'ensemble doit avoir été bien réfléchie, souligne-t-il. Il m'arrive aussi de détourner des comptoirs en bois usinés de leur usage d'origine et de les aménager sous forme d'étagères, de banquettes ou d'îlots.»

Photo Hugo-Sébastien Aubert, La Presse

L'architecte Anik Péloquin.

9) Où ne devrait-on pas faire de compromis?

«Dans la disposition de la fenestration, car le rendement de l'investissement est appréciable, croit Anik Péloquin. En clair, une seule grande fenêtre améliore les qualités d'un d'une pièce. Elle augmente l'entrée de lumière naturelle, établit une meilleure relation avec l'extérieur et amplifie l'impression d'espace. Si, toutefois, l'aménagement d'une grande ouverture est impossible, une longue fenêtre située en hauteur procure également un bel éclairage naturel tout en préservant l'intimité des résidants. On peut aussi cadrer une vue précise, comme un arbre majestueux, une portion de ciel ou même un petit jardin.»

10) Quelles sont les erreurs d'aménagement à éviter?

«Attention au manque d'organisation des espaces de circulation, signale Anik Péloquin. Nous marchons énormément dans une maison. D'où l'importance de créer une circulation fluide entre les pièces et les étages. Qui a envie de passer entre le canapé et la télé pour aller se coucher? Ou d'emprunter un couloir sombre? Sans oublier les vestibules exigus et mal aménagés. Quoi de plus désagréable que d'entrer dans une demeure et de se sentir coincé, incapable d'enlever ses bottes ou ses souliers? Une autre erreur, plus subtile cette fois, est l'absence d'alignement. Ainsi, pourquoi ne pas disposer sur une même ligne la partie supérieure du cadre d'une fenêtre avec celle des portes. La plupart des gens n'en voient pas la nécessité et pourtant ils en ressentent les bienfaits, car l'espace semble ainsi plus serein et plus grand.»

Photo Hugo-Sébastien Aubert, La Presse

L'architecte Laurent McComber.

Laurent McComber constate que, parmi les oublis fréquents, il y a la mauvaise planification du sens d'ouverture des portes intérieures. Par exemple, une porte de salle de bains peut entrer en conflit avec celle de la chambre, située tout à côté.

11) Comment prévenir les conflits sur un chantier?

Il est possible de rénover sans trop stresser... «Et l'une des façons d'y arriver est de trouver un petit logement ou d'occuper temporairement un chalet pendant les travaux, propose Laurent McComber. Vivre dans un édifice en rénovation peut être difficile autant pour les clients que pour les travailleurs.»

12) Quels sont les secrets d'une rénovation réussie?

«Prenez le temps de planifier tous les travaux prévus, même s'ils sont réalisés sur plusieurs années, indique Anik Péloquin. Il y a aussi la surveillance du chantier qui importe. À moins d'être qualifié et de jouir d'une grande disponibilité, il est préférable de laisser cette tâche à un professionnel qui coordonnera les travaux et s'assurera de la qualité de tous les détails de construction et de confection», ajoute-t-elle.

«Le secret est dans l'enveloppe du bâtiment, souligne Robert Deschamps. C'est le moyen le plus sûr d'obtenir une maison durable et confortable.»

«Des plans de construction très détaillés vous permettront de bien évaluer votre budget et de le respecter, insiste Laurent McComber. Il faut aussi cesser d'y apporter des retouches et de vouloir faire mieux. Surtout, ne changez pas d'idée sur le chantier. À un moment donné, vous devez passer à l'action, assumer vos décisions et suivre scrupuleusement les plans.»

«Je compare un chantier à une locomotive, poursuit Robert Deschamps. Lorsque les ouvriers interrompent leur travail en raison d'un imprévu ou d'un changement de dernière minute, il faut du temps avant que le chantier redémarre, ce qui est très coûteux.»

Enfin, dernier avis judicieux: «Abstenez-vous de succomber aux tentations du type «tant qu'à y être». Autrement, vous risquez de faire «exploser» votre budget», met en garde Laurent McComber.

Photo Hugo-Sébastien Aubert, La Presse

Robert Deschamps, entrepreneur général et président de Constructions Sodero.

Photo fournie par Steve Montpetit

Cet aménagement a été conçu par Laurent McComber.