Démolies ou transformées en condos : les églises aujourd'hui désertées semblent vouées soit à la mort, soit à une deuxième vie. L'église de Saint-Paul-Apôtre a échappé à cette destinée. Le bâtiment du patrimoine religieux de Limoilou accueille aujourd'hui des personnes âgées et des ménages à revenu modeste, après avoir été repensé, soulevé, et même agrandi.

Le Saint-Paul-Apôtre est le fruit d'une fusion entre le patrimoine religieux et l'architecture contemporaine. «Les églises transformées en habitations n'ont pas toujours été des succès», soutient l'architecte Mario Lafond, de la firme conceptrice Lafond Côté Architectes, soulignant le défi que la bâtisse représentait. Mais alors que plusieurs églises du Québec ne peuvent qu'être détruites, participer à un sauvetage était très stimulant, ajoute l'architecte.

Le projet du Saint-Paul-Apôtre a été développé par Action-Habitation pour la Coopérative d'habitation Un toit en réserve de Québec. Le promoteur qui offre des ressources pour réaliser des projets de logements communautaires dans le cadre du programme d'aide financière Accès-Logis Québec continue toujours d'appuyer l'organisme dans la gestion du bâtiment.

Des lucarnes de type chien-assis amènent aujourd'hui la lumière vers l'intérieur de l'église. Ces fenêtres ont été pratiquées dans la toiture en redressant la pente du toit, pour éclairer les combles où se trouvent dorénavant des logements. Des fenêtres ouvrantes ont été ajoutées au rez-de-chaussée après le soulèvement de la dalle du sous-sol et l'abaissement du terrain.

La partie église comme telle contient en tout 23 logements dont six aménagés pour les personnes à mobilité réduite. Ils sont occupés majoritairement par des personnes seules ayant de la difficulté à se loger, affirme Réjean Boilard, d'Action-Habitation.

Souci d'harmonisation

Une structure neuve en brique jaune a été ajoutée à l'ancienne église et reliée à celle-ci par une passerelle couverte. Le bâtiment qui contient 35 unités de logement a été construit avec un grand souci d'harmonisation, tant à l'église qu'au quartier Limoilou.

La firme Lafond Côté a misé sur une idée contemporaine qui respecte la géométrie de l'église. «On voulait ajouter un volume qui représente son époque», note M. Lafond. La maçonnerie et le vitrage ne détonnent pas. «On reproduit la verticalité des clochers avec les fenêtres», explique l'architecte.

De ce côté, on trouve majoritairement des logements d'une chambre à coucher, pour une clientèle à revenu faible ou modeste et des personnes âgées. «On mise sur la mixité de la clientèle, on veut créer une synergie», explique Réjean Boilard, qui indique que le tout fonctionne très bien.

Au rez-de-chaussée de l'église, le terrazzo a été conservé. Les éléments architecturaux ajoutés ont été intégrés avec un grand souci de les marier au style de l'église.

Le parvis de l'ancienne institution religieuse a été démonté pour aménager un balcon communautaire. Pour préserver la façade comme telle, les deux portes de côté, qu'on ne peut plus emprunter, ont été conservées.

L'ART DE PRÉSERVER L'ESSENCE RELIGIEUSE

L'église Saint-Paul-Apôtre, située sur la 8e Avenue à Limoilou, a été construite en 1959. Aujourd'hui, les bancs ont fait place à des logements, le choeur accueille une salle communautaire et la lumière a trouvé son chemin jusqu'à l'intérieur. Mais toute son essence n'a pas été évincée; il reste toujours un lieu de culte dans l'ex-église pour se recueillir.

Les locataires du Saint-Paul-Apôtre ont commencé à emménager à l'été 2007. L'aire communautaire se trouve dans le choeur de l'ancien bâtiment religieux. On y célèbre certaines fêtes, y tient des rencontres sociales et on y joue même à la pétanque. Une cloison qui tenait le corpus au mur dans le choeur a été abattue pour permettre à la lumière, autrefois confinée au déambulatoire, d'entrer, explique l'architecte Mario Lafond, de la firme conceptrice, Lafond Côté.

À côté de la salle communautaire, dans une partie de l'ancien transept, se trouve une petite chapelle qui tient des célébrations deux fois par semaine. Des vitraux et des séparateurs en bois récupérés d'une autre église démolie délimitent les deux entités. Les paroissiens qui n'habitent pas l'immeuble peuvent toujours venir assister aux célébrations; une porte leur permet d'accéder au lieu de culte de l'extérieur.

Des panneaux d'insonorisation ont été ajoutés dans l'aire commune car «on n'avait pas réalisé qu'il y avait autant d'écho», note Réjean Boilard, d'Action-Habitation, le gestionnaire de l'immeuble.

LOGEMENTS ADAPTÉS

Véronique Denis habite un logement adapté pour les personnes à mobilité réduite depuis 2007. Son appartement, qui lui permet de circuler aisément dans son fauteuil roulant est inondé de lumière grâce aux larges fenêtres. En fait, tout, de la salle de bain à l'embrasure des portes, est confortablement ouvert.

«Ça me fait plaisir d'habiter dans une église car plusieurs sont plutôt transformées en condos», affirme tout sourire Mme Denis, qui est très impliquée au Saint-Paul-Apôtre ainsi qu'au sein de la coopérative d'habitation Un toit en réserve. «C'est très accessible, j'ai de la facilité à circuler.» Ses amis aussi ont été impressionnés. «Des appartements subventionnés comme ça, il n'y en a pas beaucoup!»