Exposées dans le monde entier et maintes fois récompensées, les réalisations de Daniel Germani se démarquent par leur caractère innovant. L’architecte et designer argentin adopte pourtant une philosophie des plus simples : un bon design est avant tout honnête et inspirant. La Presse a profité de son passage à Montréal dans le cadre du lancement de sa collection de pierres composites , Pietra Kode, pour l’entendre parler design, sophistication, durabilité et… imperfections.

Comment abordez-vous le design ?

Mon approche est campée dans l’intemporalité. Si ce que je crée est encore beau dans 10 ans, j’ai réussi ; si c’est daté, j’ai échoué. Je conçois du mobilier, de la verrerie, des céramiques, des tapis, des cuisines extérieures… Mon terrain de jeu est vaste, mais le même critère s’applique en tout temps : la durabilité.

Le dilemme est toujours le même quand on parle de design durable : ce qui dure n’est souvent pas abordable. Mais que faisons-nous de tous ces meubles qui rendent l’âme au bout de deux ans ? Nous devons mettre fin à ce cycle qui est de concevoir pour concevoir. De combien d’autres canapés avons-nous besoin ?

PHOTO FLORIAN LEROY, COLLABORATION SPÉCIALE

Le designer Daniel Germani dans le cadre du lancement de la collection Dekton Pietra Kode

Acheter moins, mais mieux ?

Je pense que la pandémie nous a aidés à épurer nos environnements. On a réalisé que les gens qu’on pensait importants dans nos vies ne le sont peut-être pas tant, à l’instar de toutes ces choses qu’on croyait indispensables. Mon mari et moi avons porté la même paire de chaussures pendant 10 mois. Ça met les choses en perspective.

J’ai une formation d’architecte et un MBA. J’ai beaucoup réfléchi aux cycles du design en évaluant combien ça coûte de concevoir un objet et à quel point on l’utilise une fois conçu. Je suis plus sélectif. J’ai 60 ans. Je suis à un moment de ma vie où je peux décider de ne pas faire de compromis. Si un projet n’est pas lumineux dans tous ses aspects, incluant les relations de travail, quel est l’intérêt ? Je prends d’ailleurs de plus en plus de plaisir à enseigner. Si je peux influencer un seul étudiant, c’est un impact constructif pour l’avenir.

Parlons avenir, justement. Comment imaginez-vous le design de l’avenir ?

La technologie nous permet de concevoir des matériaux plus performants et polyvalents. On retrouve maintenant du velours et du cuir qui résistent aux conditions extérieures. Je pense que la technologie floutera de plus en plus les limites qui se traçaient entre l’intérieur et l’extérieur. Une pièce de mobilier pourra être utilisée aussi bien dehors que dans la maison.

L’avenir s’apparente aussi au passé, dans le sens où nos parents avaient accès à du mobilier qui durait. Je crois qu’il faut retourner à cette considération pour le durable, envisager le design dans une économie circulaire et s’investir dans des créations d’objets qui ne vont pas se détériorer ou passer de mode rapidement.

Daniel Germani

Où puisez-vous l’inspiration pour créer ?

J’aime travailler différents matériaux — le bois, le verre, l’aluminium… — et explorer en profondeur ce qu’ils ont à offrir. Je ne peux pas pointer une source unique d’inspiration. C’est plutôt la somme de toutes les images et sensations que j’ai pu enregistrer inconsciemment ou non, que ce soit en voyage ou dans mon quotidien. L’inspiration est parfois dans les détails : le reflet d’un édifice, la façon dont une personne s’habille et bouge… Nous collectionnons un arsenal d’images qui se croisent dans un contexte pour générer une idée. Je dis toujours à mes étudiants de lâcher un peu leur écran et d’ouvrir l’œil.

PHOTO FLORIAN LEROY, COLLABORATION SPÉCIALE

Ceppo CK07

De cette collection, quelle pierre vous ressemble le plus ?

Celle-ci [Ceppo CK07] parce que c’est la plus irrégulière. Je trouve que les défauts sont souvent ce qui donne du caractère à un objet et le rend intéressant. C’est d’ailleurs vrai dans tous les aspects de la vie. Je trouve la perfection plutôt ennuyante ! J’ai beaucoup de défauts, mais je vis une vie magnifiquement imparfaite. Toutes les expériences que j’ai vécues — bonnes ou mauvaises, et plutôt les mauvaises que les bonnes — m’ont enseigné ce que je sais aujourd’hui et m’ont façonné. Dans cette pierre, il y a de plus ou moins gros fragments de pierre. C’est aussi une belle métaphore pour la société. Chacun contribue à la beauté de l’ensemble, peu importe qu’il soit riche, connu, puissant ou non. Quand on fait du bien, c’est l’ensemble qui en bénéficie. Nous sommes des parcelles singulières d’imperfections et nous avons chacun un rôle à jouer.

Qui est-il ?

– Daniel Germani est un designer multidisciplinaire spécialisé dans la conception de produits et de designs d’intérieur et architecte sur divers projets de rénovation.
– Ses créations sont exposées partout dans le monde et ont obtenu une estime internationale. Sa signature unique est influencée par le Bauhaus, Oscar Niemeyer, Le Corbusier, Mies et Frank Lloyd Wright, à la croisée des cultures américaine et européenne du design.
– Il est directeur de création pour différentes marques internationales de produits et de meubles, et est aussi à la tête de son propre studio de création. Depuis l’automne 2022, il enseigne en tant que professeur invité à l’Institut européen du design (IED), à Milan.

  • K05 Sabbia et VK04 Grafite

    PHOTO TIRÉE DU SITE DE COSENTINO

    K05 Sabbia et VK04 Grafite

  • K06 Marmorio

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    K06 Marmorio

  • VK03 Grigio

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    VK03 Grigio

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La collection Pietra Kode

La collection Pietra Kode est le fruit d’une troisième collaboration entre Daniel Germani et le leader espagnol en pierres composites Cosentino. Elle réinterprète la beauté de trois pierres italiennes intemporelles : Vicenza, Travertin et Ceppo di Gré. Conçues en Dekton®, un compressé ultra-compact de minéraux résistant aux rayures, aux taches, aux rayons UV et aux chocs thermiques, elles peuvent être utilisées tant à l’intérieur qu’à l’extérieur et sur plusieurs types de surface, contrairement à la pierre naturelle.

« C’est un processus long et coûteux, et beaucoup plus complexe qu’on pourrait le penser. Entre 30 et 40 versions de chaque pierre ont été nécessaires avant de parvenir au résultat final », souligne Daniel Germani, qui s’est consacré à décoder l’histoire des pierres originales dans l’architecture italienne pour mieux les réimaginer dans un design contemporain. « Le problème avec ce matériau est souvent la répétition de motifs. Nous travaillons afin d’obtenir des nuances. » Une texture est d’ailleurs présente dans le corps même du produit, et pas uniquement en surface.

Les collections précédentes de Germani avaient un caractère industriel. Pietra Kode est plus classique. « Je suis resté loin du veinage qu’on a beaucoup vu ces dernières années et qui est, selon moi, une vision criarde du luxe. Cette collection est sereine, plus brutaliste. Elle se fond dans l’environnement sans vous sauter au visage et passera le test du temps. Elle reproduit la pierre dans sa parfaite imperfection. »