Trois stagiaires en architecture fraîchement diplômés évoquent leur vision du tissu résidentiel urbain et régional. Inspirés et inspirants, ils proposent, chacun à leur manière, des solutions basées sur des valeurs communes respectueuses de l’existant, de l’environnement et de la nature pour façonner le paysage de demain. Portraits.

Maude Tousignant-Bilodeau

Créer une dynamique collective

Titulaire d’une maîtrise en architecture de l’Université de Montréal, Maude Tousignant-Bilodeau est surtout animée par des projets qui vont redéfinir les normes de typologie qu’on connaît.

« On va le voir surtout dans les habitats collectifs en ville, mais également dans les projets de maisons individuelles en poussant encore plus la relation intérieur-extérieur. C’est une nouvelle façon de vivre avec notre voisinage dans une grande proximité puisqu’on parle de densifier les villes et de partager des espaces. Ça nous sort de nos zones de confort et ça nous pousse à penser de quelle façon on est prêt à vivre selon un autre mode de vie plus communautaire », explique la jeune femme. Pour elle, restreindre les espaces privés réservés à la cellule familiale ne nuirait pas au confort dans la mesure où on ajoute des espaces partagés.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Maude Tousignant-Bilodeau

Ça permettrait d’avoir des cours beaucoup plus vastes pour tout le monde et d’avoir une vie plus dynamique en socialisant avec les voisins, en créant de l’entraide entre les générations tout en ayant un moindre impact sur le sol. Je crois aussi que tous les types de ménages tireraient avantage de ces espaces communs de qualité.

Maude Tousignant-Bilodeau

Une bonne cohabitation entre les gens passe aussi par une harmonisation cohérente des bâtiments dans le paysage, que ce soit en ville ou en région. « Je pense que quand on choisit un site pour bâtir une résidence familiale, la construction doit refléter ce qu’on y retrouve parce qu’elle va avoir un impact dans le milieu de vie existant. » Aussi, elle souligne l’importance de privilégier les matériaux durables. « Le bois est le matériau dont l’empreinte écologique est la plus minime, parce qu’il est réutilisable et n’a pas besoin d’être transformé. C’est également un bon isolant et on en a beaucoup au Québec. »

Enfin, la conservation du couvert végétal prend une place prépondérante pour Maude Tousignant-Bilodeau. « On s’est rendu compte que le manque de végétalisation impliquait des problèmes notamment pour réguler l’évacuation des eaux de pluie en ville. Je pense donc que l’équation verte est essentielle, qu’il faut l’intégrer aux projets architecturaux en choisissant par exemple des pavés perméables plutôt que de l’asphalte et la travailler comme un élément de design qui va faire partie du quotidien des usagers. »

Laurie Bédard

Restaurer le paysage rural

PHOTO YAN DOUBLET, LE SOLEIL

Laurie Bédard termine actuellement sa double maîtrise en architecture et en design urbain à l’Université Laval.

La pandémie a incité beaucoup de gens à s’installer à la campagne et le besoin de logements se fait sentir en région. « Je suis très intéressée par les milieux ruraux et la façon dont ils pourraient croître dans leur centre villageois », souligne Laurie Bédard, qui termine actuellement sa double maîtrise en architecture et en design urbain à l’Université Laval. Laurie croit beaucoup en la restauration de bâtiments anciens et mise sur la contribution et l’aide apportées aux propriétaires de fermes et autres trésors de l’architecture ancienne.

PHOTO YAN DOUBLET, LE SOLEIL

Laurie Bédard

Je trouve très pertinent et intéressant pour la préservation de nos paysages bâtis de valoriser l’existant, de garder l’esprit petit village et de le développer harmonieusement plutôt que de répliquer un peu des modèles de banlieue qui ne sont pas du tout adaptés au paysage rural.

Laurie Bédard

Beaucoup de citadins ont tiré avantage du télétravail pour trouver la quiétude loin de la ville, et pour Laurie, il faut justement veiller à ne pas dénaturer ces milieux-là. « La restauration de bâtiments s’inscrit vraiment dans une vision écologique parce que c’est toujours moins polluant de rénover que de construire. Je crois qu’il faut considérer les gabarits sans nécessairement copier le style existant, mais proposer des projets qui sont harmonieux », soutient-elle. On peut en profiter pour améliorer les performances énergétiques, mais je pense qu’on doit aussi se questionner sur nos réels besoins en matière de superficies habitables, sachant qu’ils ont augmenté de 60 % depuis les années 1970 », soutient-elle.

La notion de pérennité tient à cœur à la jeune femme qui privilégie les matériaux naturels. « Même si le bois doit être repeint chaque année, il est chaleureux et durable, contrairement aux revêtements contemporains comme le vinyle qui ne nécessite pas d’entretien, mais qui ira à la poubelle quand il sera trop usé », remarque celle qui s’est fait décerner le prix « Intervention méritoire et contributive au paysage (construit) » en 2021 portant sur la création d’un pôle civique pour le village de Saint-Michel-de-Bellechasse.

Kaloyan Kalev

Penser à très long terme

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Kaloyan Kalev

Celui qui a obtenu sa maîtrise en architecture à l’Université McGill croit fermement que c’est en observant et en analysant l’existant qu’on parvient à établir des projets pérennes, pertinents dans l’environnement et qui répondent aux besoins des gens. « Plus tu observes certains projets et plus tu tombes en amour avec eux parce qu’ils démontrent par eux-mêmes le temps et l’énergie investis », remarque-t-il.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Portrait de Kaloyan Kalev, jeune diplômé en architecture

De la conception à la construction, ça prend énormément de temps, il faut donc s’assurer de la durabilité, des possibilités d’entretenir et de rénover un bâtiment, en plus de combler pour longtemps les besoins des personnes qui y habiteront.

Kaloyan Kalev

La connaissance du site, le contexte environnemental, l’intégration du projet dans sa globalité sont des concepts fondamentaux pour lui. « On ne peut pas avoir une idée préconçue d’un projet ; il va se modeler en fonction de l’endroit. »

D’autre part, l’emplacement géographique et la localisation sont des facteurs déterminants quant au choix des matériaux. « Je pense que chaque matériau a ses avantages et ses inconvénients, aucun n’est parfait ; le choix dépend surtout du climat, de l’usage possible de la matière au maximum de sa capacité, des disponibilités locales et des besoins en eau et en énergie qui sont nécessaires pour les utiliser. On peut aussi se questionner sur la distance parcourue pour importer notre précieux parquet d’acajou rouge », dit le jeune homme, qui croit que ce type de réflexion est susceptible d’influencer nos choix.

Outre la longévité des bâtiments, Kaloyan Kalev réfléchit à la façon de résoudre le problème du manque de logements dans certains secteurs et pense que la solution n’est ni dans la densification ni dans la construction dans un endroit déjà surpeuplé. « Je crois que ça pourrait même empirer. Je me demande plutôt si on pourrait revisiter notre perception du milieu urbain, en créant plusieurs centres-villes attrayants au lieu d’un seul, par exemple. » Il considère aussi que la végétation doit occuper une place de choix dans le paysage architectural. « Chaque plante, chaque arbre donne un peu de vie aux objets inanimés et outre l’aspect visuel, le végétal a un impact positif sur le bien-être des gens et sur l’environnement immédiat, surtout quand on privilégie les plantes indigènes. »