Érigée sur une ancienne sablière à Sutton, cette maison semble patinée par le temps. Pourtant, elle n'a même pas 10 ans. À travers l'histoire de ce projet, l'architecte Renée d'Amours évoque son travail, singulier et aux antipodes des tendances... au point de devenir avant-gardiste.

Cette terre de 20 acres, Renée d'Amours l'a achetée en 2003. «Un ami m'a dit que le terrain était à vendre; il n'était pas beau, mais j'ai tout de suite remarqué la vue spectaculaire et envisagé les possibilités d'aménagement. Ici, on est proche du village, mais on a l'impression d'être seul au monde.»

L'architecte a d'abord planté des arbres, 400 chênes rouges et noyers noirs. La construction n'a commencé que cinq ans plus tard. «Je venais les fins de semaine dans une tente-roulotte et j'ai pris le temps d'apprivoiser les lieux. Souvent, on est trop pressé, alors que l'architecture, c'est quelque chose qui dure.»

Et Renée d'Amours compte bien rester là longtemps. Elle a donc créé une maison répondant à différentes conditions de vie: seule, en couple, en famille, jusqu'à envisager que l'endroit devienne un jour une résidence de retraite pour ses quatre soeurs et elle! Une maison élastique sans être grande. Tout est réfléchi en ce sens, dans les parties communes comme dans les espaces privés.

Des points de vue bien pensés

La propriété comporte de nombreuses ouvertures pour être en perpétuel contact avec l'extérieur. Celles-ci sont placées de façon stratégique, portant sur l'activité du moment. Par exemple, on voit le potager de la cuisine. «Il suffit de regarder dehors pour voir les légumes prêts à être cueillis et faire son menu», explique la propriétaire.

Chaque espace bénéficie ainsi d'une perspective unique du panorama. Par ailleurs, la fenestration procure un effet de grandeur en inondant la maison de lumière, et la circulation d'air est continuelle pendant les beaux jours.

Côté rue, la maison dispose de peu de fenêtres, alors que la façade opposée est abondamment vitrée. On attribue souvent ce type de concept à des maisons contemporaines à toit plat, mais l'architecte a choisi une enveloppe structurelle typique de la région. «J'estime qu'il y avait des raisons à construire de cette façon. Pour moi, l'architecture, c'est large; il faut faire les choix en fonction de qui on est plutôt qu'en fonction des tendances», explique-t-elle.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

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L'humain, couleur du lieu

Dans son métier, Renée d'Amours se veut attentive à la personnalité et aux habitudes de vie des gens. L'emplacement de chaque pièce ou de chaque élément est déterminé en fonction du geste, qui doit être naturel. Et quand on lui demande quelle est sa signature, elle répond sans hésitation. «C'est l'humain. C'est aussi ce qui occupe la propriété, et ce qui fera rêver la personne. De plus, c'est la façon dont elle habite et se sent dans ce lieu.»

L'architecte favorise les matériaux bruts, aime ce qui a servi, ce qui a pris une belle patine. Ainsi, dans le cadre d'une rénovation, la conceptrice essaie toujours de tirer parti de ce qui existe. «Le vécu a du charme, il donne de la valeur à la maison», souligne-t-elle.

Du neuf à l'empreinte du temps

Si récente soit-elle, la maison semble chargée d'histoire. La raison: l'architecte a jumelé matériaux anciens et nouveaux. Ainsi, la façade en clin de bois côtoie la pruche locale, marquée de l'empreinte du passé. «Ce n'est pas triste, car le clin blanc tranche avec ce bois grisonnant», dit-elle.

À l'intérieur aussi les styles se mélangent pour donner de la vie, mais rien n'est superflu. Car pour Renée d'Amours, ce qui est utile est beau. Hormis quelques souvenirs d'Afrique, chaque élément habitant l'espace sert à quelque chose.

Pourtant, l'ambiance n'est ni froide ni monacale grâce au choix de matières douces comme le canapé en tissu réchauffé d'une peau de chèvre angora.

L'espace est également enveloppé par le plafond de bois, qui occupe une place prépondérante dans tout le foyer. «Je privilégie toujours les produits régionaux. J'ai donc utilisé de la pruche et du merisier à l'intérieur, y compris pour les marches et le sol de l'étage.»

Ombres et lumières

L'architecte aime jouer avec les transparences; l'escalier est donc réalisé sans contremarches, mais la surprise vient surtout du dortoir auquel on accède par une échelle de meunier. «Il est conçu comme une cabane dans les arbres et les lames du plancher sont espacées pour laisser passer le jour. Les enfants adorent ça. On peut accueillir cinq personnes ici. C'est pratique, car la maison est loin et nos invités peuvent rester dormir.»

Entre ce lieu niché sous les toits et le rez-de-chaussée au plafond de 10 pi s'organisent les espaces privés, clairs, confortables. Et par-dessus tout authentiques, à l'image du reste de la propriété et de sa fondatrice.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

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