(Kyiv) Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a jugé vendredi, dans un entretien exclusif à l’AFP, que l’assaut lancé par la Russie contre la région de Kharkiv, pourrait n’être que la première vague d’une offensive plus large, et que Moscou voulait « attaquer » la capitale régionale éponyme.

« Ils ont lancé leur opération, elle peut être constituée de plusieurs vagues. Et ça c’est leur première vague », a assuré le président ukrainien, alors que la Russie vient d’engranger ses plus grands gains territoriaux depuis fin 2022.  

Il a néanmoins assuré que, malgré les avancées russes des derniers jours dans cette région du nord-est, la situation était meilleure pour ses forces qu’il y a une semaine, lorsque les troupes du Kremlin ont franchi par surprise la frontière le 10 mai.

Ils sont à 5-10 km maximum de la frontière, on les a stoppés […] je ne dirai pas que c’est un grand succès (russe), mais on doit être sobre et admettre que ce sont eux, pas nous, qui s’enfoncent dans notre territoire. C’est leur avantage.

Volodymyr Zelensky, président de l’Ukraine

Selon lui, la situation n’est pas encore « stabilisée ». « Néanmoins, la situation est sous contrôle, et meilleure que le premier jour » de l’offensive grâce aux renforts déployés, a-t-il dit.  

PHOTO VALENTYN OGIRENKO, REUTERS

De la fumée s’échappe d’un édifice frappé par l’armée russe dans la région de Kharkiv.

Pour lui, la Russie veut attaquer la ville de Kharkiv, deuxième ville du pays, à seulement quelques dizaines de kilomètres du front. Moscou avait déjà échoué à la prendre en 2022 et Vladimir Poutine a affirmé vendredi ne pas avoir l’intention de l’attaquer « pour l’instant ».

Le président ukrainien a assuré que la bataille pour la cité, s’il y avait, serait rude pour l’armée russe.

« Ils le veulent, ils veulent attaquer », a-t-il dit, mais « ils comprennent que c’est une bataille difficile. C’est une grande ville et ils comprennent qu’on a des forces et qu’elles combattront longtemps ».

Il s’agit désormais pour l’Ukraine et ses alliés occidentaux de ne pas montrer de faiblesse, réclamant donc deux systèmes antiaériens Patriot pour défendre le ciel de la région et les soldats qui la défendent, a estimé le président.

« Ils sont comme une bête (…) S’ils sentent une faiblesse dans cette direction, ils pousseront », a mis en garde M. Zelensky, mais si les troupes ukrainiennes arrivent à arrêter celles de la Russie, elle renoncera. « Ils ne vont pas mourir par millions, selon moi, pour avoir Kharkiv ».

L’offensive russe vise officiellement, selon M. Poutine, à créer une zone tampon censée empêcher les frappes ukrainiennes en territoire russe.

Les forces de Moscou essayent de profiter du manque d’hommes et d’armes auquel est confronté l’Ukraine après deux ans de guerre.

Qu’un quart des moyens antiaériens nécessaires

PHOTO PIROSCHKA VAN DE WOUW, ARCHIVES REUTERS

Un chasseur F-16 exposé à Eindhoven, aux Pays-Bas, lors de la visite du président ukrainien en août 2023.

L’Ukraine n’a qu’un quart des systèmes de défense antiaérienne dont elle a besoin et nécessite également 120 à 130 avions de combat F-16 pour pouvoir prétendre mettre fin à la domination de la Russie dans les airs, a estimé le président Volodymyr Zelensky.

« Aujourd’hui, nous avons 25 % de ce dont on a besoin pour défendre l’Ukraine, je parle de systèmes de défense aérienne » en particulier les puissants systèmes américains Patriots, a estimé M. Zelensky, ajoutant que son pays avait besoin de « 120 à 130 » avions de combat F-16 ou autres appareils modernes, « pour que la Russie n’ait pas la supériorité dans les airs ».

La Russie pilonne depuis les airs l’Ukraine depuis deux ans, mettant en difficulté ses troupes sur la ligne de front, frappant des villes et des infrastructures.

Faute d’un nombre suffisant de systèmes de défense, les infrastructures énergétiques ukrainiennes ont été considérablement endommagées cette année par les centaines de missiles, de drones et de bombes lancés par l’armée russe.

L’Ukraine a en outre été affaiblie, face à un ennemi mieux armé, par l’arrêt quasi-total pendant plusieurs mois de l’aide militaire américaine et les lenteurs de l’européenne. Mais maintenant que les États-Unis ont voté 60 milliards de dollars d’assistance M. Zelensky veut voir des livraisons.

PHOTO SEBASTIAN APEL, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Un système de défense antiaérienne Patriot

« Peut-on avoir trois milliards pour acquérir deux (Patriots) pour la région de Kharkiv (cible d’assauts continus), comme ça les bombes ne tomberont plus sur nos soldats ? », a-t-il dit.

S’agissant des avions de combats F-16, dont quelques-uns doivent arriver cet été en Ukraine une fois les pilotes formés, M. Zelensky en réclame beaucoup plus, d’autant que son pays s’est fixé pour objectif de reprendre le contrôle de ses cieux cette année.

Les 120-130 appareils réclamés sont « pour défendre le ciel contre 300 appareils, c’est le nombre d’avions que la Russie utilise en Ukraine », dit-il.

« On a besoin de cette flotte composée d’un tel nombre de F16 pour avoir la parité », a-t-il ajouté.