(Genève) Le transfert par la Russie d’enfants ukrainiens dans les zones sous son contrôle en Ukraine ainsi que sur son propre territoire constitue un « crime de guerre », a affirmé jeudi un groupe d’enquêteurs de l’ONU, qui pointe aussi de possibles crimes contre l’humanité.

Concernant les accusations de « génocide », le groupe d’enquêteurs ne l’a « pas constaté », a déclaré aux journalistes Erik Mose, un des trois commissaires chargés des investigations, soulignant toutefois « que certains aspects peuvent soulever des questions concernant ce crime ».

« Nous poursuivrons ces enquêtes si notre mandat est prolongé » début avril par le Conseil des droits de l’homme, a-t-il promis, à l’occasion de la publication du premier rapport du groupe qu’il préside.  

Dans ce document, la Commission d’enquête conclut que « les situations qu’elle a examinées concernant le transfert et la déportation d’enfants, à l’intérieur de l’Ukraine et vers la Fédération de Russie respectivement, violent le droit international humanitaire et constituent un crime de guerre ».

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Erik Mose, un des trois commissaires chargés des investigations

Selon Kyiv, 16 221 enfants ont été déportés en Russie jusqu’à fin février, des chiffres que la Commission n’a pas pu vérifier. Mais elle pointe du doigt les mesures juridiques et politiques prises par des responsables russes concernant le transfert d’enfants ukrainiens, et le décret présidentiel en mai 2022 facilitant l’octroi de la citoyenneté russe à certains enfants.

« La Commission a également constaté que les vagues d’attaques menées par les forces armées russes à partir du 10 octobre 2022 contre les infrastructures énergétiques de l’Ukraine et le recours à la torture par les autorités russes pourraient constituer des crimes contre l’humanité », a indiqué M. Mose.

Les enquêteurs ont pu identifier « un schéma de détention illégale généralisée » dans les zones contrôlées par les forces armées russes, visant de nombreuses personnes, y compris des femmes et des enfants. Dans certains centres, certaines personnes sont systématiquement torturées.

La Commission a jusqu’à présent visité 56 localités et interrogé 348 femmes et 247 hommes. Ses enquêteurs ont notamment inspecté des sites détruits et des lieux de sépultures et de torture.

En septembre dernier les enquêteurs avaient expliqué à la presse qu’il était alors trop tôt pour parler de crimes contre l’humanité, contrairement à ce qu’affirmaient déjà des ONG et l’Ukraine.

Ils avaient en revanche accusé les forces russes d’avoir commis un « nombre considérable » de crimes de guerre dans quatre régions ukrainiennes dans les premières semaines de l’invasion.

L’ensemble des preuves qu’ils ont recueillies depuis montre, selon eux, que les forces russes « ont commis un vaste éventail » de violations des droits de la personne et du droit international humanitaire, également appelé droit de la guerre.  

« Nombre d’entre elles constituent des crimes de guerre et comprennent des homicides délibérés, des attaques contre des civils, des confinements illicites, la torture, des viols, des transferts forcés et des déportations d’enfants ».

En outre, a souligné la Commissaire Jasminka Dzumhur, l’annexion par la Russie des régions de Donetsk, Kherson, Louhansk et Zaporijjia « est illégale » au regard du droit international.

La Commission indique par ailleurs avoir recensé « un petit nombre de violations commises par les forces armées ukrainiennes », notamment deux incidents qualifiés de crimes de guerre, au cours desquels des prisonniers de guerre russes ont été abattus, blessés et torturés.

La Chine exhorte l’Ukraine et la Russie à relancer « au plus vite » leurs pourparlers de paix

Le ministre chinois des Affaires étrangères Qin Gang, lors d’un entretien téléphonique avec son homologue ukrainien Dmytro Kouleba, a exhorté jeudi Kyiv et Moscou à reprendre « au plus vite » des pourparlers de paix, selon Pékin.

« La Chine craint que la crise ne s’aggrave et ne devienne incontrôlable », a indiqué M. Qin, selon un communiqué publié par son ministère.

« Elle espère que toutes les parties garderont leur calme, feront preuve de retenue, reprendront les pourparlers de paix au plus vite et reviendront sur la voie d’un règlement politique. »

« Nous avons discuté de l’importance du principe de l’intégrité territoriale », a de son côté indiqué Dmytro Kouleba sur Twitter.

Il s’agit du premier entretien officiel entre les deux hommes depuis que Qin Gang est devenu ministre chinois des Affaires étrangères fin décembre.

Fin février, la Chine avait publié un document en 12 points exhortant déjà Moscou et Kyiv à tenir des pourparlers de paix.

Le texte s’oppose également à tout recours à l’arme nucléaire et appelle à respecter l’intégrité territoriale de tous les pays – sous-entendu également celle de l’Ukraine, dont une partie du territoire est sous contrôle russe.

Ce document chinois avait été accueilli avec prudence par les Occidentaux, car la Chine, officiellement neutre, n’a jamais condamné publiquement la Russie.

Une conversation entre le président ukrainien Volodymyr Zelensky et le président chinois Xi Jinping « serait une très bonne chose », a dit jeudi le porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison-Blanche, John Kirby.

Assurant que les États-Unis « encourageaient » depuis longtemps un tel contact, il a déclaré : « Nous pensons qu’il est très important que les Chinois entendent le point de vue des Ukrainiens et pas seulement celui de [Vladimir] Poutine. »

Le président ukrainien avait dit fin février prévoir une rencontre avec le dirigeant chinois.

Le Wall Street Journal a affirmé en début de semaine que Xi Jinping prévoyait de parler bientôt à son homologue ukrainien, ce qui serait leur première conversation depuis que la Russie a envahi l’Ukraine il y a un peu plus d’un an.

Selon le quotidien, la conversation pourrait avoir lieu après une visite prévue la semaine prochaine du président chinois à Moscou.

La diplomatie chinoise cherche à s’imposer comme médiatrice dans ce conflit. Sa position de proche partenaire de Moscou la disqualifie toutefois aux yeux de plusieurs pays occidentaux.