(Chisinau) La Moldavie n’est pas confrontée à un « danger militaire imminent » mais à « une guerre hybride » menée par Moscou pour « renverser le pouvoir » pro-européen, a estimé lundi le ministre de la Défense dans un entretien à l’AFP.

Les craintes ont été ravivées ces dernières semaines dans l’ancienne république soviétique voisine de l’Ukraine, dont les ambitions européennes sont vues d’un mauvais œil par le Kremlin.

« Il n’existe pas à l’heure actuelle de danger militaire imminent contre la Moldavie, mais il y a d’autres types de risques qui affectent la sécurité », a déclaré Anatolie Nosatii, interviewé dans ses bureaux de Chisinau.

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Le ministre de la Défense, Anatolie Nosatii

Il a évoqué « la désinformation, les tensions dans la société générées par la Russie », « un ensemble de provocations » destinées à semer le chaos et à « changer l’ordre politique ».

La veille, la police avait annoncé l’arrestation des membres d’un réseau qu’elle soupçonne d’être orchestré par Moscou.  

Il est reproché aux fauteurs de troubles présumés d’avoir voulu déstabiliser le pays en intervenant lors des manifestations antigouvernementales qui secouent régulièrement la capitale moldave.  

1500 soldats russes

La Maison-Blanche avait accusé vendredi Moscou de « chercher à affaiblir le gouvernement de Moldavie », avec pour objectif d’y installer un gouvernement acquis à sa cause.

La Russie a démenti le mois dernier tout projet de coup d’État, dénonçant des affirmations « absolument infondées et sans ».

Au cœur des inquiétudes, la région séparatiste prorusse de Transdniestrie, où la Russie compte quelque 1500 soldats et un important stock russe de munitions.

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Les armoiries de la Transdniestrie sont représentées sur une bannière dans le centre de Tiraspol, dans la région séparatiste moldave

Le ministre a renouvelé les appels à démilitariser la zone. « Nous n’avons eu de cesse de demander l’évacuation inconditionnelle des forces russes qui sont illégalement stationnées sur le territoire moldave », a-t-il dit.

Le Kremlin a récemment fustigé « l’hystérie antirusse » après des déclarations similaires du premier ministre Dorin Recean.

La Transdniestrie, peuplée de russophones et abritant des industries clés (énergie, aciérie, cimenterie), s’est détachée de facto de la Moldavie en 1992 après une courte guerre.

« La situation y est stable et sous contrôle » malgré les récents propos de Moscou et des autorités locales, a assuré Anatolie Nosatii.  

Le chef des séparatistes, Vadim Krasnosselskiï, avait affirmé la semaine dernière qu’un projet d’attentat avait été ourdi par l’Ukraine contre plusieurs hauts responsables du territoire séparatiste. Kyiv avait dénoncé une « provocation » inspirée par le Kremlin.

Chantage énergétique

Dans cette « guerre hybride », l’aspect économique joue un rôle important, a ajouté le responsable moldave de 50 ans.  Chisinau dénonce depuis plusieurs mois « le chantage énergétique de la Russie », qui a diminué de moitié ses livraisons en gaz.

M. Nosatii a également déploré « la violation de l’espace aérien » à plusieurs reprises par des missiles visant l’Ukraine, alors que la Moldavie ne dispose pas de moyens sophistiqués de détection.  

Doté d’une armée de 6500 soldats, avec des équipements vétustes datant de l’ère soviétique, le pays doit « revoir l’ensemble du système de défense », ce qui requiert « du temps et des financements », a souligné Anatolie Nosatii.

La tâche n’est pas facile dans cette nation de 2,6 millions d’habitants, l’une des plus pauvres d’Europe.

Devant ces défis, Anatolie Nosatii a salué le soutien de l’Union européenne (UE), qui a accordé au pays le statut de candidat en juin 2022 et lui a versé une importante aide financière depuis le début de la guerre.

« La Moldavie n’est pas seule et ne sera pas seule face aux dangers et menaces, y compris militaires », a-t-il insisté, appelant l’Europe à « rester unie et déterminée dans son aide à l’Ukraine » et sa défense de « la paix et sécurité ».