(New York) Pour ce qui pourrait être sa dernière arrestation à vie dans une affaire criminelle, Donald Trump a orchestré un spectacle à heure de grande écoute, arrivant en début de soirée jeudi à Atlanta, où il savait qu’il subirait le traitement réservé à n’importe quel détenu.

Accompagné d’un cortège de voitures digne d’un président en fonction et suivi en direct par les chaînes d’information continue américaines, le prévenu le plus célèbre de la planète s’est présenté à 19 h 35 à la prison du comté de Fulton, dont les conditions dangereuses et insalubres font l’objet d’une enquête du département de la Justice.

Pendant les quelque 20 minutes qu’il a passées entre les murs de cet établissement malfamé, il n’a pas seulement dû se soumettre à la prise d’empreintes digitales. Il a également dû prendre la pose pour une infamante photo d’identité judiciaire, comme l’avaient déjà fait d’autres coaccusés, dont son ex-avocat personnel Rudolph Giuliani et l’ancien chef de cabinet de la Maison-Blanche Mark Meadows, dans la quatrième affaire criminelle le visant.

Il est ainsi devenu le premier ancien président à voir son statut de prisonnier immortalisé par une mugshot, sort qui lui avait été épargné lors de ses trois premières arrestations, à New York, Miami et Washington.

La mugshot du prisonnier #P01135809, qui portait une cravate rouge et affichait un air grave, a été distribuée aux médias au moment où l’avion ramenant Donald Trump au New Jersey s’apprêtait à quitter Atlanta. Son équipe de campagne entend s’en servir pour solliciter des fonds auprès des partisans de celui qui mène largement dans les sondages parmi les candidats républicains à la présidence. Mais cette photo symbolisera aux yeux de nombreux Américains la vraie nature du 45e président des États-Unis.

« Ce qui s’est passé ici est un travestissement de la justice », a déclaré Donald Trump aux journalistes sur le tarmac de l’aéroport d’Atlanta après sa mise en état d’arrestation. « Nous n’avons rien fait de mal. Je n’ai rien fait de mal. Et tout le monde sait que je n’ai jamais bénéficié d’un tel soutien. Ce qu’ils font, c’est de l’ingérence électorale. »

PHOTO NICOLE CRAINE, THE NEW YORK TIMES

Devant la prison du comté de Fulton, les anti-Trump et les partisans de l’ancien président se côtoyaient.

Les conditions de l’accusé

Donald Trump et 18 autres personnes ont été accusés la semaine dernière d’avoir participé à une « entreprise criminelle » dont l’objectif était de faire invalider les résultats de l’élection présidentielle de 2020 en Géorgie et de subvertir la volonté des électeurs de cet État clé.

L’ancien président devra répondre de 13 chefs d’accusation, dont la violation de la loi RICO de Géorgie sur la délinquance en bande organisée et la sollicitation de violation de serment par un agent public.

Ce dernier chef d’accusation fait référence à l’appel téléphonique du 2 janvier 2021 au cours duquel Donald Trump a demandé au secrétaire d’État de Géorgie Brad Raffensperger de lui « trouver 11 780 voix, soit une de plus que nous avons ».

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L’ancien président a accepté de verser une caution de 200 000 $ pour retrouver sa liberté après son passage à la prison de Rice Street, où un document a établi son poids à 97,5 kg (215 livres), soit 11 kg de moins que son poids officiel en 2018, à partir d’informations fournies à l’avance par ses avocats.

Cette caution est assortie de conditions : Donald Trump ne peut pas violer les lois fédérales ou de l’État de Géorgie ni communiquer avec les coaccusés dans l’affaire, sauf par l’intermédiaire de ses avocats. Il lui a également été demandé de ne pas intimider les témoins ou les coaccusés ni de « faire obstruction à l’administration de la justice » en les menaçant ou en menaçant les 30 autres conspirateurs non inculpés dans l’affaire.

Il reste à voir si l’ancien président respectera ces conditions et quelles seront les conséquences dans le cas contraire. Jeudi après-midi, sur Truth Social, il a écrit qu’il devait prendre la route pour Atlanta afin de se faire arrêter « par une procureure de gauche radicale, Fani Willis ».

Dans une prochaine étape, fixée au 5 septembre prochain, Donald Trump, ou un de ses avocats, devra indiquer s’il entend plaider coupable ou non coupable aux chefs d’accusation retenus contre lui.

Un procès en octobre ?

L’arrivée de Donald Trump à Atlanta a été précédée par plusieurs manœuvres juridiques et politiques. L’ancien président a d’abord changé le chef de son équipe d’avocats. Il a remplacé Drew Findling par Steven Sadow, un vétéran du barreau d’Atlanta qui possède une expertise reconnue dans les affaires où la loi RICO de Géorgie est invoquée.

Comme Findling, Sadow n’est pas proche des cercles républicains. Mais il n’a jamais qualifié le 45président d’« architecte raciste de la frauduleuse Université Trump », comme l’avait fait en 2018 Findling. Ce dernier, qui a représenté plusieurs rappeurs célèbres par le passé, s’était néanmoins dit capable de mettre de côté ses opinions personnelles pour assurer à son client la meilleure des défenses. Il n’aura pas à le prouver.

La procureure Fani Willis a par la suite déposé un document judiciaire réclamant une nouvelle date pour le début du procès. Elle a proposé le 23 octobre prochain plutôt que le 4 mars 2024. Sa manœuvre fait suite à la demande de l’un des coaccusés, Kenneth Chesebro, d’obtenir un procès rapide débutant en novembre prochain.

Donald Trump s’est opposé à l’ouverture du procès en octobre. Il a aussi indiqué qu’il chercherait à dissocier sa cause de celle de Chesebro, qui a joué un rôle clé dans la création d’une liste de faux grands électeurs en Géorgie.

Pendant ce temps, à Washington, les républicains de la Chambre des représentants ont lancé une enquête visant Fani Willis. Dans une lettre à la procureure, le président de la commission judiciaire de la Chambre, Jim Jordan, a indiqué qu’il voulait déterminer si elle avait communiqué ou coopéré avec le département de la Justice, ou si elle avait utilisé des fonds fédéraux pour mener à bien son enquête lancée en février 2021.

« Vous n’avez porté plainte que deux ans et demi plus tard, alors que la campagne pour l’investiture républicaine en vue de l’élection présidentielle bat son plein », a écrit le représentant de l’Ohio. « De plus, vous avez demandé que le procès dans cette affaire commence le 4 mars 2024, la veille du Super Mardi et huit jours avant les primaires présidentielles de Géorgie. »

De toute évidence, cette lettre a été envoyée avant le changement de date proposé par Fani Willis. Cette dernière, qui n’a pas réagi à l’ouverture de l’enquête la visant, a déjà déclaré qu’elle n’avait eu aucun contact avec le département de la Justice à ce sujet.

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