Elle peut être le charme incarné. Ou un véritable pitbull enragé. Sarah Palin fait les manchettes des journaux américains depuis que John McCain l'a choisie comme colistière. Qui est vraiment cette femme qui multiplie les déclarations controversées, parfois avec brio, parfois sans savoir quoi répondre aux questions de fond? La Presse s'est rendue en Alaska pour parler à ceux qui la côtoient depuis des années pour le meilleur ou pour le pire.

Judy Patrick n'oubliera jamais la première fois qu'elle a vu Sarah Palin. C'était en 1984, dans un concours de beauté. «Sarah n'était pas la plus belle. Son spectacle de flûte n'était pas le meilleur. Mais pour une raison inexplicable, je voulais qu'elle gagne. Il y avait quelque chose de magnétique en elle.»

À l'époque, Judy Patrick et Sarah Palin ne se connaissaient pas. Judy Richards était photographe pour un journal local, le Frontiersman. Sarah Heath (son nom de jeune fille) était une jeune femme de 20 ans au visage de chérubin, élevée à Wasilla, banlieue éloignée d'Anchorage, au sein d'une famille modeste, pieuse et tricotée serré de quatre enfants. Cette année-là, elle a remporté le titre de Miss Wasilla, puis celui de Miss amabilité lors du concours de Miss Alaska.

«Sarah n'aime pas parler de cet épisode de sa vie. Ce n'était pas trop son genre de défiler dans un maillot de bain devant une rangée de juges qui lui regardaient le derrière. Elle l'a fait parce qu'elle voulait décrocher la bourse pour terminer ses études en journalisme», raconte, dans son bureau du centre-ville d'Anchorage, la photographe.

Près de 24 ans après le concours, les deux femmes sont des amies très proches. Sarah Heath est devenue Sarah Palin en épousant Todd Palin, son amoureux de l'école secondaire, et a eu cinq enfants. Judy Patrick en a eu trois.

Toutes deux passionnées de chasse, elles s'exercent côte à côte dans des stands de tirs. Elles ont aussi fait ensemble leurs premières armes en politique. Elles ont siégé en tandem au conseil municipal de Wasilla de 1992 à 1996 avant de prendre le contrôle de la mairie de 1996 à 2002: Palin était aux commandes, Judy Patrick assumait le rôle de la colistière.

»Comme par magie»

Mme Patrick a ensuite été la directrice de campagne de Sarah Palin quand cette dernière s'est présentée au poste de lieutenante-gouverneure de l'Alaska en 2002, course qu'elle n'a pas remportée, mais qui l'a fait sortir de l'obscurité. La photographe a été aussi au coeur de la course électorale qui a permis à Sarah Palin, en 2006, de devenir la première femme gouverneure d'Alaska et la plus jeune à occuper ce poste.

«Malgré nos moyens très limités au début, c'était incroyablement facile de faire campagne avec Sarah. Les gens viennent à elle, comme par magie», raconte-t-elle en regardant une pile de photos de son amie, tantôt arborant un fusil de chasse, tantôt tirée à quatre épingles dans une réception officielle.

À Wasilla, les détracteurs et les amis de Sarah Palin s'entendent tous sur la même chose: la dame de 44 ans a des aptitudes sociales exceptionnelles. «Je l'ai rencontrée lors d'un match de basketball de son ancienne école secondaire. Quand je l'ai revue six mois plus tard, elle connaissait mon nom, m'a fait une accolade et m'a posé des questions sur mes trois enfants», relate Victor Mikulin, rencontré à l'église pentecôtiste que Sarah Palin a fréquentée pendant une grande partie de sa vie.

Pendant son règne comme mairesse, Sarah Palin faisait des pieds et des mains pour rester près de ses électeurs. Les mercredis matin, elle se levait à l'aube pour aller déjeuner avec les personnes âgées au Country Kitchen de Wasilla. Quand elle avait un moment de libre au bureau, elle pigeait le nom d'un citoyen dans un bocal et l'appelait pour prendre de ses nouvelles.

Sa loyauté aux gens de Wasilla n'a pas fléchi quand elle devenue gouverneure. Jusqu'à tout récemment, elle passait de longues journées au salon de coiffure le Beehive, un petit ranch tout rose accroché à flanc de colline, à parler bébés, chasse, pêche et actualités avec les autres femmes de son patelin.

Un vrai pitbull

Mais l'amabilité de Sarah Palin a ses limites. Et ses détracteurs en payent le prix fort. Quand elle est devenue mairesse de Wasilla, elle a fait des vagues en mettant à la porte le chef de police et la bibliothécaire, qui, selon elle, ne voulaient pas contribuer aux réformes qu'elle voulait mettre en place.

«Elle est sans pitié quand elle n'aime pas quelqu'un, explique Anne Kilkenny, assidue des réunions du conseil municipal de Wasilla. C'est l'ancien maire, Nick Carney, qui m'a présenté Sarah. Dès qu'elle a gagné les élections, elle a tout fait pour le mettre de côté.»

La vieille garde républicaine en a aussi pris pour son grade quand Sarah Palin a pris possession de la résidence du gouverneur à Juneau. Beaucoup de têtes ont roulé, dont celle du commissaire à la sécurité publique de l'État. Son licenciement fait présentement l'objet d'une enquête. Le principal intéressé allègue qu'il a été viré parce qu'il refusait de démettre l'ex-mari de la soeur de Sarah Palin de ses fonctions. «C'est vraiment là que beaucoup de gens ont vu que malgré son côté charmant, Sarah Palin peut être un vrai pitbull», dit Mme Kilkenny. Elle fait du coup un clin d'oeil à une blague que Sarah Palin a lancée lors de son discours devant la convention républicaine, notant que la seule différence entre le chien agressif et une «hockey mom» (mère de joueur de hockey) est le rouge à lèvres.

Ses opposants politiques lui reprochent aussi son entêtement. «Quand elle s'est fait une idée sur un sujet, c'est impossible de la convaincre du contraire», soutient Rick Steiner, un professeur de l'Université de l'Alaska, qui a tenté à maintes reprises de faire entendre raison à Mme Palin sur la question du réchauffement planétaire. «Malgré les rapports scientifiques qui lui sont présentés, elle ne bronche pas.» Elle soutient que l'être humain n'en est pas responsable. Mais, dit l'expert, c'est toujours avec un sourire qu'elle balaie les points de vue contraires aux siens.