Le Nouvel An chinois (ou lunaire) est fêté lors de la deuxième nouvelle lune depuis le solstice d’hiver. La date change donc d’une année à l’autre, mais se situe toujours entre le 21 janvier et le 19 février. Les réjouissances s’étalent sur 15 jours.
À notre arrivée au restaurant Kim Fung, dans le petit centre commercial du 1111, rue Saint-Urbain, il y avait déjà un étalage de « gâteaux de riz » traditionnels sur une table nappée de rouge. Il y en avait des salés et des sucrés, au taro, aux fèves rouges, aux châtaignes d’eau, à la noix de coco, etc.
Le plus connu, que l’on trouve toute l’année au dim sum, est sans conteste le gâteau au radis. Étrangement, les anglophones l’appellent « turnip cake », même s’il n’y a pas l’ombre d’un bout de navet dans la recette. Erreur de traduction qui est restée, dit la légende. Ce sont plutôt du daikon, un peu de saucisse chinoise et parfois des crevettes, des champignons et/ou des pétoncles séchés qui entrent dans la composition de cette populaire préparation à base de farine de riz.
Superstition
Il faut savoir qu’à peu près tout ce qui se mange pendant les célébrations du Nouvel An chinois se trouve sur la table non pas pour des raisons saisonnières, mais pour des raisons de phonétique et de symbolique. La pratique veut qu’on se débarrasse des mauvaises influences de l’an précédent — et dieu sait qu’il y en a eu ! – pour repartir du bon pied. Les objets et les aliments présentant une homophonie avec un mot de sens auspicieux sont donc privilégiés.
« Les Chinois sont très superstitieux », indique notre guide, Winston Chan. C’est lui, un chiropraticien engagé dans la diffusion de la culture et du patrimoine sino-montréalais, qui nous a invités à en savoir plus sur le passage au prochain calendrier luni-solaire.
« Il y a beaucoup de symbolique pendant le repas, qui ressemble davantage à une veille de Noël qu’à un Nouvel An, avec parfois des spectacles, des concerts, des réunions de famille. Tout est tourné vers la chance, le bonheur, la santé, la prospérité », poursuit celui qui a grandi dans le Plateau puis dans Côte-des-Neiges.
Un mot en chinois peut avoir plusieurs phonétiques. Le mot « radis », par exemple — « choi tau » ou « cai tou », selon la région –, peut ressembler aux mots utilisés pour souhaiter « bonne chance ».
C’est donc un ingrédient particulièrement propice à ces célébrations pendant lesquelles les convives devraient s’en tenir à des sujets de discussion joyeux et positifs. Chicanes de famille interdites !
Benny Shek, propriétaire du Kim Fung, nous montre avec amusement les petits choux de pâte frite qui se trouvent sur la table avec les gâteaux. Il y en a plusieurs qui s’entassent dans un contenant, ce qui symboliserait la réunion, un concept bien mis à mal ces derniers temps. Le restaurateur fait aussi remarquer que les belles boules dorées saupoudrées de sésame esquissent des sourires, là où la pâte a craqué en cuisant. C’est de bon augure ! Dans le nord de la Chine, les dumplings sont particulièrement populaires au Nouvel An lunaire, pour leur ressemblance avec des lingots d’or.
Le bol de résistance
Puis, contre toute attente, M. Shek nous invite en cuisine. Le restaurant est peut-être vide depuis des semaines, mais il y a facilement une demi-douzaine d’employés qui s’activent à préparer le fameux poon choi, repas festif cantonais par excellence. Ces premiers bols seront à emporter. Mais le lendemain de notre passage, la salle pouvait rouvrir grâce à l’assouplissement des restrictions. M. Shek se réjouit de pouvoir de nouveau recevoir ses clients, le soir même du Nouvel An chinois qui plus est. Voilà une coïncidence qui fait plaisir !
Rien ne crie plus l’abondance que le poon choi, ce grand cul-de-poule rempli à ras bord de crevettes, de porc, d’ormeau (escargot de mer), de poulet, de canard, de bambou, de lotus, de concombre de mer, d’huîtres séchées, etc. C’est un plat communal hautement symbolique, que le Kim Fung vend pour 198 $ et qui, bien que prévu pour huit personnes, nourrirait facilement (et royalement) une grosse famille pendant toute une semaine.
Winston Chan a bien l’intention de repartir avec son immense bol de délices terre et mer. Depuis que sa grand-maman est partie, il y a une quinzaine d’années, sa famille et lui ont développé l’habitude de prendre le repas du Nouvel An au restaurant. Il y en a d’ailleurs un bon nombre qui l’offre, comme en témoigne la liste à la fin de cet article.
Dans la famille d’Anita Feng, qui vient également de l’ex-province de Canton (aujourd’hui Guandong), on mange parfois le poon choi. Mais ce sera plus souvent un poisson et/ou un poulet entier, avec beaucoup de légumes, repas cuisiné par les parents de la chef.
« Ils ne me laissent pas toucher à leur cuisine ! », dit en rigolant celle qui a fait de la relevée cuisine sichuanaise une de ses spécialités. La propriétaire du comptoir-épicerie J’ai Feng a elle-même proposé un superbe menu pour deux le week-end dernier, comprenant « salade du tigre en santé », « gâteau de la chance au daikon », « chou porte-bonheur farci au porc », « poulet de la prospérité l’eau-à-la-bouche » et « pain du tigre d’or à la courge farci de crème anglaise à l’œuf salé ».
« La nouvelle génération ne fête plus comme ses parents et ses grands-parents. Moi, j’ai voulu préparer des plats qui témoignaient de mon expérience plus vaste des différentes cuisines chinoises. On peut trouver de la symbolique dans toutes sortes de plats. Une aubergine longue farcie peut très bien s’appeler “aubergine longévité”. La friture, avec son côté doré, rappelle l’argent, la richesse. Il y a donc plusieurs moyens de constituer un repas du Nouvel An chinois, en 2022 », dit la chef.
Où prendre un repas du Nouvel An chinois ?
Winston Chan nous a fourni une liste de restaurants qui préparent des repas du Nouvel An chinois. Les festivités durent souvent deux semaines. Il est donc possible qu’on puisse goûter à certaines spécialités jusqu’au 15 février. Mais mieux vaut se renseigner avant de s’y rendre.
Kim Fung
1111, rue Saint-Urbain, Montréal
Consultez le site du restaurantKeung Kee
70, rue De La Gauchetière Ouest, Montréal
Consultez la page du restaurantRestaurant Mon Nan
43, rue De La Gauchetière Est, Montréal
Consultez le site du restaurantDobe and Andy
1071, rue Saint-Urbain, Montréal
Consultez la page du restaurantRestaurant Ruby Rouge
1008, rue Clark, Montréal
Consultez le site du restaurantDeer Garden Signatures
7350, boulevard Taschereau, local 35, Brossard
Consultez le site du restaurantRestaurant Impérial
8245, boulevard Taschereau, Brossard)
Consultez le site du restaurantMaison Sai Yan
2230, boulevard Lapinière, Brossard
Consultez la page du restaurantShanghai Fu Chun (dans le deuxième quartier chinois, près de Concordia)
1978, boulevard De Maisonneuve Ouest, Montréal
Consultez le site du restaurantWok Café
118, rue du Barry, Kirkland
Consultez le site du restaurant