Face à l’adversité, la plupart des restaurateurs à qui La Presse a parlé ont décidé une fois de plus de se relever les manches afin d’offrir de bons repas à emporter à leur clientèle. Les prochains mois seront encore parsemés d’obstacles pour cette industrie qui est plus que jamais à bout de souffle. État des lieux.

Cette semaine, un souvenir Facebook – une photo de volaille braisée et chou au carvi – a rappelé à Simon Mathys qu’il y a un an, jour pour jour, non seulement il ouvrait son restaurant, mais il le faisait en formule à emporter. Le chef a fait le pari d’ouvrir Mastard alors que les salles à manger étaient fermées.

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Un plat de volaille braisée, chou au carvi et crème sure fumée, le premier imaginé par Simon Mathys pour son menu à emporter au Mastard

Douze mois plus tard, c’est un homme plein d’entrain que nous avons au bout du fil. Il a bien pris quelques semaines de pause pour les Fêtes, mais il n’a jamais envisagé de prolonger la fermeture de son restaurant. Ainsi, Mastard reviendra dès le 12 janvier avec sa formule de menu trois services à réchauffer à la maison.

Optimiste malgré tout ? « Il le faut ! Si on se met à se décourager là, ce n’est pas fini, et on ne sait pas combien de temps ça va durer en plus. On veut faire travailler notre équipe », explique le chef.

Ne pas espérer naïvement un retour « comme avant » et regarder vers l’avenir est la recette qui a permis à Marc-André Royal, aux commandes des trois succursales de La Bête à pain et du restaurant Le St-Urbain, d’assurer non seulement la survie, mais aussi la croissance de son entreprise au cours des deux dernières années.

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La Bête à pain de Laval a ouvert à l’été 2019.

« Notre plan de match ne change pas ; on s’est organisés, il y a deux ans, pour faire face à la pandémie jusqu’à ce que ça finisse. Notre modèle marche extrêmement bien et nous a amenés ailleurs, avec une augmentation des ventes depuis deux ans », indique le restaurateur, qui affirme que les programmes gouvernementaux ont vraiment aidé ses entreprises à faire face à la nouvelle réalité.

Les succursales de La Bête à pain de Laval, d’Ahuntsic et de Griffintown rouvriront comme prévu lundi. Les clients pourront s’y ravitailler en pains, en sandwichs, en mets préparés, en plats chauds du jour, en produits d’épicerie et en vins d’importation privée. « Les gens se sont vraiment habitués à acheter une bouteille avec leur pain », remarque M. Royal.

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Le chef Marc-André Royal à La Bête à pain de Griffintown

La diversification, c’est la clé. L’industrie change, beaucoup de choses ne reviendront pas et c’est correct. La plus grande peur en ce moment, c’est de perdre nos employés.

Marc-André Royal, copropriétaire de La Bête à pain et du restaurant Le St-Urbain

Extrêmement motivé et proactif depuis le début de la pandémie, l’entrepreneur refuse de déprimer, ne serait-ce que pour la centaine de personnes qui travaillent pour lui. « Des fois, je m’inquiète tellement pour mes employés », confie-t-il, évoquant la situation très précaire que vivent les travailleurs de la restauration.

Être un « boss qui chiale », très peu pour lui. Il se voit plutôt comme un capitaine qui doit mener son équipe à bon port. « Ma job, c’est de crinquer le monde, d’écouter les idées de mes employés. On est tous dans le même bateau. »

« Crève-cœur »

Martin Juneau et son partenaire, Louis-Philippe Breton, ont été parmi les premiers restaurateurs à se lancer dans l’aventure du « à emporter », en mars 2020. « Le plus difficile, c’est de jouer à cette espèce de yo-yo. Ce n’est pas la même business, avoir un resto ou un comptoir take-out », assure le restaurateur qui a célébré dernièrement les 10 ans du Pastaga.

Avec la fermeture « crève-cœur » des restaurants, annoncée la veille du 31 décembre, l’équipe a réduit les pertes en proposant à sa clientèle des boîtes festives pour le jour de l’An qui se sont très bien vendues. « Pour les évènements, comme la Saint-Valentin, ce n’est jamais un problème. La difficulté, c’est d’avoir ce type de soutien au quotidien. »

PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DU PASTAGA

Chou-fleur au yaourt vadouvan, menthe fraîche et arachides cajuns, un classique du Pastaga, à emporter

Le Pastaga propose de nouveau un menu réconfortant à emporter – sans oublier le côté caviste, qui permet de garder un tant soit peu la tête hors de l’eau –, mais la motivation s’étiole. « On est toujours sur le bord de ne pas avoir l’énergie nécessaire pour repartir tout ça, mais on a un loyer à payer ! On se remet donc au take-out, mais pour combien de temps ? », lance le chef, qui se pose beaucoup de questions sur son avenir et celui de son restaurant. « On va voir ce que 2022 nous réserve, mais peu importe ce qui se passe, avoir duré une décennie, c’est un méchant bel accomplissement. »

Ouvrir ou rester fermé ?

Copropriétaire de Stella Pizzeria, de la Brasserie Bernard et du restaurant indien Le 409, Nathalie Côté s’est retrouvée, un beau mardi de décembre, sans aucun employé pour travailler à l’établissement de la rue Bernard, gracieuseté du nouveau variant. « C’était une vraie catastrophe, j’avais une boule dans le ventre. J’ai été hyper optimiste depuis le début, j’ai gardé le moral des troupes élevé, mais là, humainement, ce n’était plus possible. On a tout fermé le 22 décembre. »

  • Nathalie Côté, copropriétaire de Stella Pizzeria

    PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

    Nathalie Côté, copropriétaire de Stella Pizzeria

  • Le Stella propose de nouveau ses pizzas à emporter.

    PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

    Le Stella propose de nouveau ses pizzas à emporter.

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Au cours de notre entretien, elle préparait avec une partie de son équipe « super motivée » la réouverture des deux succursales de Stella, qui offre désormais, sept jours sur sept, ses délicieuses pizzas, ses pâtes fraîches et quelques autres plats qui s’emportent bien. Les deux autres restaurants, eux, resteront fermés jusqu’à nouvel ordre.

« On l’a fait dans le passé avec la brasserie, surtout pour le moral de nos employés, mais c’est tellement d’organisation et complexe d’offrir ce type de produit en take-out. Quant au 409, ça vaudrait la peine si on était dans un autre quartier que le Vieux-Montréal. On a essayé l’an dernier, mais on perdait de l’argent chaque jour. »

À peu près personne dans le milieu de la restauration ne croit à la réouverture rapide des salles à manger. Malgré cette impression d’être dans le film Le jour de la marmotte, nombreux sont ceux qui recommenceront à proposer des menus à emporter au cours des prochaines semaines, et feront encore une fois preuve de résilience et de créativité. Bar Bara, dans Saint-Henri, est l’un d’entre eux avec ses produits, comme un café ou des pâtes fraîches (selon le nombre de kilomètres parcourus), offerts gratuitement aux gens qui feront une marche pour venir commander sur place. De quoi se motiver à sortir de la maison !

Consultez le site du Mastard Consultez le site de La Bête à pain Consultez le site du Pastaga Consultez le site de Stella Pizzeria

Appel à tous

Comptez-vous encourager vos restaurants préférés durant la fermeture des salles à manger ? Si oui, quels sont vos endroits favoris pour un bon repas à emporter ?

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