(Paris) Le chef Alexandre Mazzia, à la cuisine audacieuse, a été distingué lundi de trois étoiles Michelin pour son restaurant AM à Marseille, dans une nouvelle sélection France, maintenue en dépit de la fermeture des restaurants et des critiques sur la pertinence du palmarès en plein COVID-19.

Ancien basketteur de 44 ans, Alexandre Mazzia est le seul chef à être promu dans le guide 2021 à cette plus haute distinction gastronomique, portant à 30 le nombre des chefs triplement étoilés en France.

« Je suis très honoré, très fier de cette distinction », a-t-il déclaré à l’AFP, se disant ravi de « pouvoir faire découvrir son territoire au travers d’une lecture un peu différente, mais toujours sincère ». « En cette période, cela donne du baume au cœur, cela veut dire qu’on a été visité » par le Michelin.

Le guide explique que les inspecteurs ont effectué autant de visites que d’habitude pour évaluer les tables pendant la brève réouverture des restaurants entre les deux confinements.

Anguille fumée-chocolat, framboise-harissa : Alexandre Mazzia, qui est né et a vécu 15 ans au Congo, est le maître des mélanges détonants de produits « d’ici et du bout du monde », dans des assiettes qui font exploser les couleurs.

Il utilise plus de 200 épices, « colonne vertébrale » de sa cuisine.

Les prix des menus du AM allant de 115 à 345 euros (177 $ à 532 $) ne vont pas augmenter avec ses trois macarons, après la réouverture du restaurant, mais il accueillera les clients de mercredi à samedi, un jour de moins qu’avant, pour « travailler dans un confort intellectuel et physique » et « accorder du temps à nos familles », souligne le chef.

Année « indigeste »

Pour le critique gastronomique Gilles Pudlowski, la distinction d’Alexandre Mazzia est une preuve que Michelin « est bien dans son temps avec un brin d’esprit Fooding », ce guide qui promeut une cuisine jeune, décomplexée et branchée et qui a été racheté en 2020 à 100 % par Michelin.

Le maintien de la sélection, comme si de rien n’était, a pourtant suscité de nombreuses critiques et interrogations sur la manière dont les tables fermées ont pu être évaluées.

Le plus célèbre guide gastronomique est le seul à faire sa sélection de l’ère COVID-19 « selon les mêmes critères depuis toujours » alors que ses concurrents ont choisi d’annuler leur palmarès (comme le classement britannique 50 Best), ou de se réadapter face à la pandémie en récompensant les actions résistantes, innovantes ou solidaires des chefs (comme Gault et Millau ou La Liste).

« Rarement année n’aura été aussi indigeste. Six mois à voir les restaurants fermés pour cause de virus, six autres à les vivre dans la fébrilité des contingences sanitaires », a écrit dans une tribune le critique gastronomique du Figaro Emmanuel Rubin, en estimant que « ce drôle de cru » risquait d’interroger sur la nécessité même du guide rouge, critiqué pour l’« opacité de la méthode et les conditions d’inspections ».

Les inspecteurs ont mis « des bouchées doubles » et revu leur emploi du temps en annulant leurs vacances d’été quand les restaurants ont brièvement rouvert en France entre les deux confinements. Des renforts des pays européens limitrophes et d’Asie ont par ailleurs été dépêchés en France, a assuré Gwendal Poullennec.

Si la sélection est moins étoffée que les années précédentes, chaque restaurant promu le mérite pleinement, souligne-t-il.

Marsan, de la cheffe Hélène Darroze à Paris, qui sublime les produits du Sud-Ouest dans des assiettes gourmandes et modernes, et La Merise de Cédric Deckert en Alsace, à la cuisine traditionnelle avec des sauces raffinées, sont promus à deux étoiles.

Cinquante-quatre nouvelles adresses se voient attribuer leur première étoile et 33 établissements sont distingués avec une étoile « verte », introduite l’année dernière, pour leur démarche écoresponsable.

Quelques rétrogradations concernent les restaurants qui ont fermé ou changé de concept.

« Cette année, les chefs n’ont vraiment pas démérité […]. C’est le moment de remettre en lumière tous ces talents, d’encourager les professionnels et de garder mobilisée la clientèle des restaurants » dans l’attente d’une réouverture, conclut M. Poullennec.