(Paris) La mythique soupe d’artichaut à la truffe de Guy Savoy arrive chez vous décomposée avec une instruction de réchauffage, mais le chef étoilé rêve d’accueillir au plus vite les convives dans son restaurant sur les quais de Seine à Paris.

Au Guy Savoy, à la Monnaie de Paris, trois étoiles du guide Michelin et indétrônable meilleur restaurant du monde, selon l’agrégateur La Liste, les frigos sont ouverts dans les cuisines silencieuses et les élégants salons avec vue sur le Louvre sont désespérément vides depuis plus de deux mois en raison de l’épidémie du coronavirus.

Seule la section pâtisserie a repris quelques jours par semaine pour confectionner les brioches feuilletées aux champignons et truffes qu’on trempe dans la soupe d’artichaut.

Comme partout en France, les restaurants sont fermés. Mais depuis depuis une semaine, les trois autres établissements parisiens de Guy Savoy proposent des ventes à emporter et l’un d’eux, le Chiberta, a inclus dans son offre deux entrées du chef : la fameuse soupe à 110 euros (168 $) et la ballotine de volaille de Bresse aux artichauts et foie gras à 90 euros (138 $).

Gantés et masqués, des cuisiniers du Chiberta remplissent les boîtes à emporter tandis que le pâtissier mélange les préparations pour la mousse au chocolat et le riz au lait, « des recettes d’antan qui apportent le réconfort dont on a besoin en ces temps », souligne Guy Savoy.

« Réchauffer au micro-ondes »

« C’est un crève-cœur de voir un lieu à l’heure du déjeuner qui ne soit pas en pleine animation », confie le chef dans une entrevue à l’AFP.

Du point de vue économique « ce qu’on fait là n’a pas d’intérêt. Mais on essaie de faire redémarrer une activité, on se rapproche à nouveau des convives », ajoute-t-il.

Les menus limités et les ingrédients choisis pour ne pas être altérés une fois réchauffés, comme la sole à basse température ou la caille confite.

« Il y a une petite fiche explicative pour tous les plats pour les réchauffer. On conseille aussi de laisser les entrées un petit peu dehors cinq minutes parce que la dégustation sera bien meilleure. Pareil pour les desserts », explique le chef Gilles Chesneau, responsable des restaurants parisiens de Guy Savoy.

La soupe est livrée en bocal à réchauffer « dans une casserole à feu doux ou au micro-ondes à 600W en retirant le couvercle en métal », les lamelles de truffes et copeaux de parmesan sous film, de même que les brioches.

« Ce n’est pas le cœur du métier, je ne suis pas traiteur » soupire le chef, même si la vente à emporter lui permet de « sortir des collaborateurs du chômage partiel ».

« J’étais KO »

Comme de nombreux chefs, Guy Savoy garde un très mauvais souvenir de la manière dont la fermeture des restaurants a été ordonnée brusquement par le gouvernement un samedi soir.

« J’ai dû annoncer cela aux convives, j’avais la gorge serrée », se souvient-il.

« J’étais KO. Cela fait 51 ans que je travaille et c’est la première fois que j’ai un obstacle que je ne peux pas surmonter avec l’énergie et le nombre d’heures. C’est l’impuissance ».

Point positif de cette situation comparée à un tremblement de terre ou une guerre, « le bâtiment est intact et les équipes ont le même savoir-faire. On peut repartir vite ».

« On nous a fermé en quatre heures, je ne dis pas qu’on peut rouvrir aussi vite, mais en 36-48 heures, je peux remettre la maison en route », assure-t-il.

« Je ne crois pas trop au monde d’avant et au monde d’après, cette crise est une parenthèse pendant laquelle il faut prendre énormément de précautions », lance le chef.

Cela ne l’empêche pas de s’interroger sur le retour des touristes étrangers, qui constituent 40 % de sa clientèle et les peurs des Français.

« Paris a besoin de la planète entière pour travailler. Si demain on n’a plus un touriste, il y a 50 % des restaurants qui disparaissent », estime Guy Savoy dont le restaurant est particulièrement prisé des Coréens et des Américains.

Pour les Français, il veut envoyer ses brigades cuisiner chez eux, une formule proposée depuis quelques jours par plusieurs autres chefs étoilés.