(Paris) Au pays de la gastronomie, en sommeil depuis la mi-mars, chefs étoilés comme petits restaurateurs indépendants laissent éclater leur joie de retourner aux fourneaux dès mardi, mais l’inquiétude reste parfois de mise à Paris, où seules les terrasses rouvriront.

Cafés, bars et restaurants accueilleront à nouveau des clients partout en France à compter du 2 juin, a annoncé le premier ministre Édouard Philippe jeudi, mais seulement sur leurs terrasses en Île-de-France-ainsi qu’à Mayotte et en Guyane, encore classés zone « orange » -, parmi les mesures d’assouplissement des restrictions rendues possible par le ralentissement de l’épidémie de COVID-19.

« Je suis tellement en joie de pouvoir retravailler enfin ! », a déclaré à l’AFP le chef triplement étoilé Yannick Alléno, à la tête de 18 restaurants à travers le monde, parmi lesquels Alléno Paris au Pavillon Ledoyen.

Il ne rouvrira qu’un seul de ses trois établissements parisiens le 8 juin, celui qui dispose d’une immense terrasse — les deux autres restant fermés jusqu’en septembre — et fera revenir 40 salariés sur les 167 qu’il emploie, a-t-il précisé.

Comme l’automobile et l’aéronautique, le secteur du tourisme — et en particulier les cafés, bars et restaurants — qui emploie deux millions de personnes et représente plus de 7 % du PIB — a bénéficié d’un plan de soutien de 18 milliards d’euros de l’État, qui a massivement pris en charge la mise au chômage partiel des salariés.

« J’ai envie de remercier mon pays, quel courage, cette collectivité qui a pris en charge les emplois comme cela, il n’y en a pas beaucoup. Je n’aimerais pas être Américain aujourd’hui », a déclaré M. Alléno.

Son assureur s’est montré « très bienveillant », dit-il, alors que le restaurateur n’était « pas couvert » pour les pertes d’exploitation dues à la fermeture imposée pour limiter la propagation de l’épidémie de COVID-19.

De son côté, Armand Arnal, aux cuisines de La Chassagnette, qui rouvrira le 4 juin à Arles, seulement le midi et un soir par semaine, verra « comment se passe l’été ». « Il n’y a presque plus de touristes étrangers et les festivals ont été annulés », dit-il, « il nous reste à espérer que les Français viendront ».

Mais « c’est un grand soulagement, on attendait cette réouverture depuis un moment », dit M. Arnal, heureux de pouvoir offrir à ses clients « deux mètres d’espacement » entre les tables de son restaurant — une étoile au Guide Michelin — installées dans un jardin potager.

Toujours « très difficile »

Mais à Paris, en zone classée « orange », car « le virus y circule un peu plus fortement » qu’ailleurs, selon les mots du premier ministre, cafés, bars et restaurants ne pourront accueillir les clients qu’en terrasse.

« Ça va continuer à être très difficile pour nous », s’inquiète Gabrielle Beck, patronne du Tintamarre, dans le 19e arrondissement de la capitale, un restaurant « étroit, tout en longueur, avec seulement 28 places assises en salle... et deux ou trois en terrasse ».

Elle devra continuer à se limiter à la vente à emporter, et peut-être l’étendre au « soir aussi » : « mais je n’y crois pas trop : je suis sur une avenue avec peu de commerces, donc peu de passage... », dit-elle, la voix teintée de découragement.

Elle espère pouvoir installer davantage de tables sur le trottoir si la municipalité lui en accorde le droit, ce qui lui avait été refusé à l’ouverture de son établissement.

Dans le même arrondissement, Luce Namer, à la tête de la brasserie 25 degrés Est, se dit « heureuse de rouvrir » ses deux terrasses, même si le nombre de places, de « 300 à 400 avant », sera divisé par deux, ce qui imposera probablement de ne reprendre sa demi-douzaine de salariés qu’à « temps partiel ».

« Mais nous sommes très privilégiés d’avoir ces terrasses », admet-elle, soucieuse pour certains de ses confrères réunis au sein du Collectif 19, qui a lancé ces derniers jours deux opérations « chaises vides » pour négocier avec la municipalité de meilleures conditions d’exploitation pendant Paris Plages.