Même si souvent ça produit des établissements chouettes, il y a quelque chose qui me dérange lorsque je vois des restaurateurs ouvrir des troquets où ils proposent une cuisine d’une culture qui n’est pas la leur.

Je sais, je sais, je devrais arrêter de m’accrocher les pieds dans les fleurs du tapis et plutôt enquêter sur les gens d’affaires qui se sont enrichis à travers les années en exploitant des chaînes de restaurants qui non seulement proposent une cuisine d’une culture qui n’est pas la leur, mais en plus le font de façon disgracieuse en massacrant ladite cuisine.

Quoi qu’il en soit, si on tombe sur la tête des artistes du monde du théâtre, de la musique ou de la peinture, par exemple, qui font des emprunts culturels sans chercher à inclure les représentants de la culture en question dans leur travail, surtout s’ils sont en position de faiblesse au sein de notre société, la moindre des choses serait de se poser des questions au sujet de la restauration.

Est-ce normal que des multinationales utilisent le savoir-faire développé par des artisans à travers les siècles, dans des pays éloignés, pour vendre du fromage, de la sauce, un gâteau, un plat x ou y, du vin, en utilisant le nom de l’aliment et vaguement la recette ?

Non.

C’est pourquoi les appellations et autres dénominations contrôlées pour les produits du terroir sont si importantes. Et pourquoi il est si scandaleux que trop souvent, on ne les respecte pas.

Et c’est pourquoi, si j’entrais dans un restaurant montréalais, je ne sais pas, moi, faisant honneur à la cuisine du Sénégal ou du Ghana — ces pays ont de superbes cultures culinaires — dont les propriétaires et le chef n’auraient rien à voir avec le Sénégal ou le Ghana et n’auraient rien fait pour inclure des Montréalais d’origine sénégalaise ou ghanéenne, ça m’énerverait formidablement.

En 2020, j’aimerais qu’on réfléchisse à ces questions.

Et je vous propose de le faire en mangeant une soupe dans un troquet qui est, lui, 100 % authentique, le Phnom-Penh, un cambodgien de la Côte-des-Neiges qui m’a été recommandé par une amie d’origine cambodgienne, comme étant l’un des plus vrais en ville.

Ça tombe bien, on y sert principalement des soupes typiques du Cambodge, et les prix y sont hyper raisonnables : léger pour l’estomac et le porte-feuille, n’est-ce pas ce qu’il nous faut en ces lendemains de veille post-temps des Fêtes ?

Je vous avertis tout de suite, le Phnom-Penh n’a rien de luxueux. Amoureux de lieux aseptisés s’abstenir. L’espace est toutefois à l’étage d’un immeuble qui, certes, ne paie pas de mine dans le chemin de la Côte-des-Neiges, mais cela lui donne de la luminosité.

Dans la salle aux murs ocre, où quelques plantes et des boiseries vert feuille donnent un brin de vie à la décoration, on se réunit essentiellement pour le brunch et le lunch, de 10 h 30 à 16 h. Et bien des gens y parlent cambodgien.

Le menu propose quelques plats avec des nouilles, du riz, de la viande ou du poulet notamment, mais le restaurant est vraiment spécialiste des soupes. Et c’est ce que le gentil propriétaire, Van, recommande.

On les choisit comme on veut : avec du bœuf, du porc, des crevettes ou combinant porc et crevettes, un classique. Les nouilles sont « blanches » ou « jaunes », on opte pour une sorte ou l’autre ou les deux, distinctes parce qu’elles sont à base de riz ou aux œufs. La grande spécialité de la maison : la soupe « Phnom Penh », Hû Tiu, avec des vermicelles fins et du porc et des crevettes.

La force de la composition : la qualité du bouillon maison, mijoté longtemps, qui doit être bouillant pour cuire les ingrédients qu’on ajoute à la dernière minute, notamment des pousses de soja, des oignons verts, des boulettes de porc… Avertissement, il y a aussi de l’ail dans tout ça. Beaucoup. Mais aucune bouchée n’est ennuyante. 

Pour ajouter au repas, on prend une limonade au citron salé ou un café filtre au lait condensé, tellement sucré qu’il devient presque un dessert. Quand je suis passée, il ne restait plus de lait frappé à l’avocat, donc je me suis rabattue sur celui au litchi, très parfumé, très sucré. Encore là, plus un complément doux de fin de repas qu’une boisson désaltérante. Parfait pour clore un moment exotique hivernal pas cher, pas compliqué.

Bonne année !

Notre verdict

On paie : 9,25 $ ou 8,25 $ pour une soupe-repas. Attention, la maison n’accepte que l’argent liquide.

On boit : du café filtre comme en Asie, de la limonade au citron salé.

On se sent : comme en voyage en ville. Ceci n’est pas un lieu de luxe. Service en français.

On aime : la chaleur des soupes savoureuses et authentiques abordables.

On aime moins : la nécessité d’un petit coup de balai dans l’escalier…

On y retourne ? Oui.

Phnom-Penh. 7153, chemin de la Côte-des-Neiges, Montréal, 514 739-8214. https://www.facebook.com/pages/Restaurant-Phnom-Penh/132658810096950