L’année se termine et elle est difficile à définir côté restos. Ce fut, je dirais, une année de continuité, où on a poursuivi des recherches lancées depuis un moment, que ce soit du côté de la cuisine à base de plantes, les propositions de vins naturels, ou encore la quête de formules abordables qui plaisent à tous. Montréal a vu deux halles culinaires importantes ouvrir au centre-ville, et d’autres s’en viennent. Des chaînes se sont allongées. Par exemple, le Toqué ! est en train de devenir tout un réseau avec ses Brasseries T ! et le Beau Mont, le groupe de Stefano Faita et Michele Forgione a ouvert une autre pizzeria, le Vesta, et parlant de pizza, les pizzerias 900 apparaissent partout – et le font fort bien. Quelques ouvertures m’ont plu, d’autres, moins. Voici quelques tables qui m’ont frappée en 2019.

La Cabane d’à côté

Si des amis en voyage au Canada me demandent où aller manger, la Cabane d’à côté est automatiquement sur ma liste de recommandations. La petite sœur de la Cabane à sucre du Pied de cochon, juste à côté, est une merveille. Le lieu est charmant – entre une érablière et un verger –, le restaurant est plus intime que l’autre, la cuisine tout aussi créative, réfléchie, sans excès gargantuesques. Vincent Dion-Lavallée, grand pilote des lieux, prépare des plats comme une soupe aux pois – avec boulettes de canard glacées à l’érable – de la truite fumée au gros gin, des crêpes de sarrasin jaune frites dans du gras de canard avec jambon maison brûlé aux lies de cidre, des endives du Québec en escabèche… Rien n’est jamais banal, tout est savoureux. On a envie d’y passer des heures. Et c’est ouvert à longueur d’année.

3595, montée Robillard, Saint-Benoît-de-Mirabel

Olive + Gourmando

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Le comptoir Olive + Gourmando au Time Out Market, dans le Centre Eaton

Ai-je vraiment besoin de répéter une millième fois pourquoi j’adore Olive + Gourmando, ce café du Vieux-Montréal où la moindre viennoiserie, le moindre sandwich est plus recherché, plus savoureux, plus décadent, moins banal, de meilleure qualité qu’ailleurs ? J’en reparle ici parce qu’Olive a ouvert un comptoir au Time Out Market, une grande nouveauté au centre-ville, dans le Centre Eaton, où il faut vraiment aller explorer, même si le midi, la semaine, les foules impressionnantes rendent l’expérience un peu difficile. Olive y a donc un comptoir, tout comme Toqué !, Le Club Chasse et pêche, Charles-Antoine Crête et plusieurs autres super restos de Montréal, qui proposent à leurs comptoirs des versions courtes mais représentatives de la cuisine de leurs grandes tables. À essayer. Et je reviens sur Olive : le livre de recettes est finalement sorti cette année ! Sandwich cubain, brioche au chocolat et à la banane, soupe aux lentilles… Les secrets de tous nos plats préférés qu’on apprécie depuis 20 ans y sont. À offrir en cadeau à Noël ou à soi-même.

Mae Sri

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Le restaurant Mae Sri

Je pense que 2020 sera l’année où on parlera enfin d’appropriation culturelle en cuisine. On l’a beaucoup dénoncé en culture, mais pourquoi est-ce que l’univers de la restauration devrait passer à côté de ces questions importantes ? Peut-on utiliser la culture d’un autre pour ouvrir un restaurant ? Où s’arrête la fusion et où commence l’appropriation ? Peut-on parler d’exclusion s’il n’y a pas, au moins, un peu de collaboration entre les cultures ? Entre les gens qui les incarnent, à Montréal… Avouez que la question est difficile et mérite d’être explorée. En attendant, je vous propose un restaurant réellement thaïlandais, le Mae Sri, ouvert par une chef thaïlandaise, Pamika Sukla, en plein ghetto McGill. Soupes chaudes aux nouilles, tartares aux feuilles de lime kaffir, rouleaux frits diaphanes. C’est piquant, c’est vitaminé, exotique. Pour avoir l’impression d’être en voyage ailleurs. Surtout en janvier ou en février : à essayer.

224, rue Milton, Montréal

Marcus

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Le Marcus du Four Seasons de Montréal

Le Four Seasons de Montréal a fait un pari inattendu en faisant venir un chef de New York pour tenir la barre du restaurant de son nouvel hôtel : Marcus Samuelsson. Ce chef a toute une histoire. Né en Éthiopie, il a grandi en Suède avant de partir travailler comme chef à New York, où il a ouvert le Red Rooster à Harlem, un restaurant charnière. Cet établissement est en effet devenu rapidement un carrefour brisant d’anciennes frontières culturelles et sociales à New York, où les gens de tous les quartiers se sentaient bienvenus. Et c’est cette ouverture à tous qui m’a aussi marquée quand je suis allée manger à ce restaurant du centre-ville, où on sent enfin la vraie diversité montréalaise dans la salle. Les plats sont assez classiques à la base – poissons crus, tomates et mozzarella, tartares, steak, poissons entiers grillés –, mais on leur apporte des tournures originales, comme des noix de macadamia sur des pétoncles crus, avec thé acidulé infusé à l’hibiscus. Ce qui fait aussi le charme de ce restaurant – et du bar à côté –, c’est le décor spectaculaire d’Atelier Zébulon Perron, qui en a fait une sorte de brasserie élégante juste assez opulente et nostalgique.

1440, rue de la Montagne, Montréal

Vin mon lapin

PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, ARCHIVES LA PRESSE

Le Vin mon lapin, dans la Petite Italie

Grand changement dans la famille Joe Beef en 2019. Trois piliers du groupe, Vanya Filipovic, Marc-Olivier Frappier et Alex Landry, sommelière, chef et maître d’hôtel, quittent la rue Notre-Dame pour prendre les rênes à temps plein du Vin mon lapin dans la Petite Italie. L’année 2020 sera donc intéressante à suivre aux deux endroits, pour voir comment la relève, chez Joe Beef, Liverpool House et Vin Papillon, reprendra le flambeau que leur passent les anciens partis voler de leurs propres ailes. Et chez Vin mon lapin, rue Saint-Zotique. Si le repas de Gelinaz du 3 décembre dernier – Vin mon lapin participait en effet à cet événement de créativité gastronomique international – donne un aperçu de ce qui va se passer dans l’avenir, on est totalement confiants. On se rappellera longtemps la polenta à la langue d’agneau, le risotto de seigle à la livèche, avec moelle, shiso et bourgots, ou encore le plat de calmars aux feuilles amères et au bleu. À suivre. Avec un verre de vin orange.

150, rue Saint-Zotique Ouest, Montréal