Il y avait longtemps qu’on n’avait pas été aussi enchantée par la créativité d’une table. Le Flamant promet de vous surprendre avec ses interprétations osées et funky autour de plats connus de toutes les cultures culinaires. Pour papilles aventurières.

Dans le quartier Hochelaga depuis le printemps dernier, Le Flamant est un projet à plusieurs têtes : trois « cochefs », soit David Hibon (Chien Fumant), Pascal Bolduc (Le Pied de Cochon) et Laurent Bouchard (Le Fantôme), y pensent le menu, appuyés par la pâtissière Dominique Pellerin et le mixologue Maximilien Jean (Le Royal), qui s’occupe du menu liquide.

Une combinaison qui peut faire craindre une identité mal définie ou une proposition qui partirait dans tous les sens. Mais, au contraire, la rencontre de tous ces esprits est fructueuse, et l’endroit se démarque avec ses propositions originales qui font du bien dans un contexte où, en dépit du nombre effarant d’établissements gourmands montréalais, on voit encore et encore les mêmes plats apparaître au menu.

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Une assiette boudin ranch Doritos

Attendez-vous donc à être dépaysés en vous assoyant à cette chouette table de quartier qui offre un look quelque peu industriel et dont la salle est séparée en deux par une grande cuisine ouverte. Ici, l’ambiance est décontractée, voire festive, et on mange et boit très bien, sans jamais s’ennuyer.

Plonger dans le menu

Assis au long bar, nous consultons le menu affiché au tableau devant nous, inscrit avec des petites lettres colorées d’enfants. Le contenu exact des différents plats proposés garde sa part de mystère ; comme le souligne notre serveur, ces descriptions sont loin de tout révéler des assiettes très travaillées qui se poseront devant nous au fil de la soirée.

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Une assiette de foie gras pop corn

Clairement, au Flamant, on aime surprendre le client. D’ailleurs, notre serveur, tout en nous préparant de ses mains expertes un cocktail original et bien balancé — le Orange Lady, composé de gin, vin orange, courge, citron, petit lait, autre indicateur de la créativité qui règne en ces lieux —, nous propose deux fois plutôt qu’une la formule dégustation, où on laisse tout entre les mains de la cuisine.

Malgré tout, nous décidons de commander à la carte, tout en entamant une bouteille de blanc de macération, un fort surprenant et agréable Sauvignon de la Nouvelle-Zélande, The Hermit Ram.

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Une assiette de gnudi St-Hubert

Surprenant semble en effet s’imposer comme mot thématique de la soirée. La première assiette, décrite au menu comme « trevisiano, chou-rave et bagna cauda », est une petite bombe de saveurs. L’amertume du travisiano — un cousin du radicchio — et du chou-rave, grillés à haute intensité (peut-être un peu trop carbonisés, même), y rencontre le côté charnu des tomates et pommes de terre rôties. Combinés au bagna cauda, une goûteuse sauce aux anchois typique de la région du Piémont, c’est absolument délicieux et réconfortant. Le genre de plat qui donne le goût d’y revenir et qui est devenu un des classiques de l’endroit, nous dit-on. On comprend pourquoi.

Notre deuxième entrée est tout en légèreté, avec ses haricots verts croquants enrobés d’un pesto de miso légèrement relevé (une belle idée !) et déposés sur une sauce crémeuse blanche aux arachides. On goûte peu les arachides, car celles-ci ont été bouillies, apprend-on, donnant à l’ensemble une texture qui rappelle l’humus. Intéressant.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Un plat de trevisiano, chou-rave et bagna cauda

Réunir les cultures

C’est ce genre de travail, avec des ingrédients communs mais apprêtés ou combinés de façon inattendue en pigeant à l’envi dans différentes cultures culinaires (un hommage au côté cosmopolite de la métropole), qui fait du Flamant une adresse pas comme les autres.

Évidemment, qui dit expérimentation dit aussi prise de risque. Parfois, c’est payant. L’exemple par excellence étant sans contredit le griot de cuisses de grenouille, qui marie une recette typiquement haïtienne à une protéine utilisée dans plusieurs cultures culinaires, dont la française.

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

De gauche à droite : Laurent Bouchard, David Hibon, Maximilien Jean et Pascal Bolduc

Marinées et frites, les cuisses sont apprêtées façon « poulet frit » et servies avec une onctueuse sauce aux pois noirs, puis accompagnées du fameux pikliz haïtien, un condiment relevé à base de chou, carottes et poivrons. C’est jouissif, éclaté, et les saveurs se marient à merveille. On se régale.

D’autres assiettes nous ont moins convaincus, malgré leur audace. Autant la lotte, servie avec purée de courge, champignons pied de mouton et sauce XO, que l’assiette un peu brouillonne d’os à la moelle avec saucisse maison persillée de cartilage, accompagnée de sauce piri piri et biscuits au babeurre, accusaient un excès d’intensité. Le plat de poisson, malgré un côté très « umami », était le mieux balancé — et la sauce XO, classique de la cuisine chinoise, était à s’en lécher les doigts. Mais la deuxième assiette nous a semblé un assemblage d’éléments trop hétéroclites, trop texturés.

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Une vodka Smash Cabernet Sauvignon

Impossible de passer sous silence les magnifiques et étonnants desserts de la pâtissière, Dominique Pellerin. La jeune femme fait preuve d’un talent sans équivoque et crée de véritables bijoux sucrés, équilibrés, savoureux et imaginatifs.

Rappelant de petits desserts populaires, les roulés au chocolat avec intérieur à la noix de coco et fève Tonka étaient à la fois délicieux et raffinés, avec leurs pétales de chocolats rubis en garniture. Quant à la tartelette à la pêche, ses différents éléments venaient créer des couches de saveurs qui se mariaient parfaitement les unes aux autres : pâte de fruits à la lime, ganache de chocolat blanc monté au basilic thaï, granola au sirop de coke (!), fines tranches de pêches… Voilà qui clôt merveilleusement bien un repas !

Notre verdict

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Un plat de griot de cuisses de grenouille

On paie : Des prix très variables, en fonction de l’appétit et des protéines choisies ; de 11 $ à 33 $. L’option à partager (le menu dégustation) est proposée en formule de 35 $, 55 $, 75 $ ou 100 $ par personne, avec possibilité d’ajouter des accords vin et alcool.

On boit : Une belle et inspirante carte des vins, composée à environ 80 % d’importations privées. De belles trouvailles, plusieurs vins nature ou en biodynamie. Mention spéciale à la carte des cocktails, vraiment originale.

On se sent : Bien dans cet espace qui garde un côté intime malgré un look un peu industriel et où on laisse le personnel exprimer sa personnalité. Clientèle de quartier, habitués, familles et amis de la maison s’y croisent dans une ambiance relax, qui peut devenir festive.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Une tartelette aux pêches

On aime : L’audace et la créativité dont fait preuve cette table, l’inspiration qui puise à toutes les cultures culinaires, les desserts.

On aime moins : Parfois, l’audace est poussée un peu trop loin, des saveurs qui pèchent par excès d’intensité, des plats moins équilibrés.

On y retourne ? Certainement.

Le Flamant. 4043, rue Ontario Est, Montréal. https://restaurantleflamant.com/