La semaine dernière, le critique de restaurants de la section new-yorkaise du site web Eater, fort influent dans la métropole américaine, a publié une critique matraque du nouveau restaurant Milos ouvert dans le complexe géant de Hudson Yards, récemment inauguré.

Le titre et le sous-titre du texte du journaliste Ryan Sutton donnent le ton : Estiatorio Milos est une des dernières grandes arnaques, côté restaurants, à New York. Au restaurant de Costas Spiliadis, spécialisé dans les poissons et fruits de mer à la grecque, à Hudson Yards, la seule chose qui est constante, c’est le sentiment d’avoir été roulé, que la cuisine soit formidable ou moyenne.

En gros, Sutton reproche ceci au restaurateur montréalais Costas Spiliadis : des prix trop élevés et, surtout, un flou entretenu au sujet des prix en question. 

Le concept du restaurant, explique-t-il, où poissons et fruits de mer sont étalés sur des glaçons comme chez le poissonnier et offerts « au prix du marché », amène les clients à dépenser sans le savoir, puisqu’on ne connaît jamais exactement le poids du poisson ou du fruit de mer choisi. Coincé dans une sorte de piège d’apparence bienveillante où on lui promet le meilleur, le client n’ose pas poser de questions. Résultat : il finit systématiquement par sortir avec une addition plus costaude que prévu.

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Cette description du restaurant n’est pas totalement déconnectée de l’expérience que j’ai eue à plusieurs reprises au Milos montréalais, grand restaurant classique et respecté. Le titre de ma dernière critique ? « Ce cher Milos ».

Mais à la lecture du texte d’Eater, je me suis dit que c’était peut-être pire que jamais. C’est pourquoi je suis retournée sur l’avenue du Parc, la semaine dernière, quelques jours après la publication du texte new-yorkais, pour voir où on en était.

Bilan : le repas nous a coûté, à deux, 378 $, taxes et service inclus. Cela comprenait aussi quatre verres de vin grec, ordinaires, à 14 $ l’unité. 

Le cœur de cette addition ? Notre poisson grillé, qui a coûté, à lui seul, 108 $. Un « balada », sorte de vivaneau importé du Portugal, pesant 1,93 lb et facturé 56 $ la livre. « C’est British Airways qui nous les apporte du Portugal », expliquera plus tard le serveur — même si j’étais plutôt perplexe face à cette liaison aérienne —, qui l’a recommandé pas mal plus que le poisson à 45 $ la livre. « De toute façon, je n’ai pas de poisson de la bonne taille pour une table de deux personnes. »

Valait-il ce prix ? Non. Certes, la chair était tendre et douce, mais rappelons que chez Milos, les poissons sont uniquement cuits au gril, servis avec du citron et des câpres, sans autre traitement. Et ce poisson avait-il une finesse ou un goût exceptionnels ? Non.

Et à 108 $, j’aurais apprécié, au minimum, les efforts ou le doigté nécessaires pour m’épargner la douzaine d’arêtes que j’ai interceptées. Peu importe la délicatesse d’un poisson, quand on a constamment peur d’avaler une arête, il est difficile de l’apprécier.

Est-ce dire que le repas du début à la fin était un désastre ? Non.

L’entrée de poulpe, par exemple, a été spectaculaire, comme toujours.

Tendre, il fondait dans la bouche. Juste assez salé. Vraiment parfaitement cuit. Servi avec des oignons marinés tout doux. À 30 $, la portion était généreuse et se partageait aisément à deux.

L’assiette de mezzés ? Je ne l’ai pas aimée. La taramosalata — salade crémeuse aux œufs de poisson — avait la jolie qualité d’être beige plutôt qu’artificiellement rose, comme c’est souvent le cas, mais son goût était trop amer pour être agréable, sans la profondeur maritime attendue. Le houmous était quant à lui plutôt fade tandis que le htipiti, crème aux poivrons rouges et à la feta, m’a fait chercher le goût traditionnel du fromage typiquement grec, à base de lait de chèvre ou de brebis.

À part le poulpe, les autres choses que j’ai vraiment aimées sont les concombres et tomates frais et coupés, commandés en à-côté, pour tremper dans les mezzés autrement servis avec du pain. Pour 14 $, on nous en a donné une belle assiette.

J’ai apprécié aussi l’à-côté de pissenlits, tombés dans l’huile d’olive, apportés en accompagnement avec le poisson. (Pour 19 $, l’assiette était assez copieuse pour être partagée. J’en ai même rapporté à la maison.)

Autre coup de cœur : le pain et l’huile d’olive, de très belle qualité. (On ne les facture pas séparément.)

Aussi : j’ai adoré le baklava et la crème glacée au baklava (13,50 $). Noix hachées. Pâte filo, miel et encore du miel : la version Milos de ce dessert grec presque cliché est franchement réussie. Et bravo à la personne qui a eu l’idée d’en lancer dans la sorbetière pour faire de la crème glacée au baklava. Miam.

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Donc bilan ?

Je ne retournerai pas chez Milos.

PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK D’ESTIATORIO MILOS

L’entrée de poulpe

Parce que le poisson est trop cher. Parce qu’en 2019, des poivrons importés des Pays-Bas ne m’impressionnent pas — oui, c’est sur le menu.

Parce que, au-delà du problème de prix, ce restaurant est construit sur l’idée que faire venir en avion des aliments de l’autre côté de l’océan est le nec plus ultra. 

Or, c’est absurde.

Le golfe du Saint-Laurent est rempli de poissons. Pourquoi n’essaie-t-on pas de les pêcher, de les découvrir, de les apprécier ?

De bons légumes ? On en a ici aussi. Et on les aime en saison.

Le restaurant a compris l’importance de décrire l’origine des produits. Tant mieux. Saumon bio des îles Féroé, crabe du Maryland, crevettes d’Espagne, pois de Santorin… Mais nommer la source ne veut pas dire que c’est une bonne idée de transporter tout ça ici.

Et l’amie avec qui je mangeais a posé au serveur, en fin de soirée, la question à 378,97 $. « Que faites-vous avec tout ce qui reste ? », lui a-t-elle demandé, en regardant l’étalage de poissons, sur la glace, où, à 22 h, il devait y avoir encore une bonne quinzaine de spécimens. 

Il a d’abord dit que plusieurs seraient vendus le lendemain, pour insister ensuite sur le fait que tous les poissons étaient quand même toujours hyper frais et livrés dans les heures suivant la pêche et qu’on ne servait que du très frais… 

En écoutant ce serveur de bonne volonté essayer de se déprendre de cette situation impossible, et de défendre à la fois la fraîcheur des produits et l’absence de gaspillage, je me suis dit qu’au-delà des prix, il y avait bien d’autres besoins de transparence et d’explications.

PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK D’ESTIATORIO MILOS

Les poissons grillés sont la spécialité dont la spécialité du restaurant.

Notre verdict

On paie : Le repas, pour deux, avec deux entrées, des légumes, du poisson, un peu de vin, nous a coûté 378,97 $. En revanche, le midi, la maison offre un lunch à 25,19 $. 

On boit : Du vin grec, de toutes les sortes. La maison compte aussi une bonne liste de vins français classiques, dont des champagnes et des meursaults qui grimpent à des prix faramineux. « On en vend surtout pendant le week-end du Grand Prix », m’a-t-on dit. 

On se sent : Le décor, plutôt blanc et crème, fait des clins d’œil aux villages grecs blanchis à la chaux et n’a pas changé depuis des années. Aux murs, on a accroché des peintures réalistes de scènes traditionnelles de la Grèce maritime. Dans la salle, la moyenne d’âge est plutôt élevée. Côté service, il n’y avait que des hommes aux tables le soir où nous sommes passées. Étaient-ils aussi attentifs à nous qu’à la table voisine ? Non. À un certain moment, un des serveurs m’a proposé de vider le reste de mon premier verre de vin dans le deuxième qu’on venait de m’apporter. Une première en 17 ans de critique de restaurants. 

On aime : Le poulpe.

On aime moins : Les prix, le concept.

On y retourne ? Non. 

Estiatorio Milos. 5357, avenue du Parc, Montréal. 514 272-3522. milos.ca