À la tête de Sodexo Canada, le chef exécutif Aymeric Halbmeyer a mis sur pied le programme « Cercle complet » afin d’aider à revaloriser une panoplie d’aliments qui prendraient normalement le chemin de la poubelle en les transformant en poudres, marinades, croustilles et vinaigres infusés.

Aymeric Halbmeyer a fait ses classes en France dans des restaurants étoilés Michelin, auprès de chefs comme Alain Ducasse et Michel Trama. Au Québec depuis 2009, il a été chef traiteur chez Les agitateurs gourmands et à l’Académie culinaire de Montréal, puis chef exécutif au Musée des beaux-arts de Montréal, dont les cuisines relèvent de Sodexo Canada, où il est chef exécutif et directeur général depuis 2017.

Dans ce nouvel emploi, il a peut-être moins l’occasion de créer des plats gastronomiques raffinés comme ceux qu’on peut admirer sur sa page Instagram. Le chef, aussi photographe à ses heures, a de toute évidence l’œil pour les présentations visuelles époustouflantes. Il crée non seulement des plats qui se mangent des yeux, mais qui génèrent aussi le moins de pertes alimentaires possible. Par exemple, avec les restes d’un carpaccio de betterave, le chef a fait un bortsch et a transformé les pelures en pâte, pour ajouter de la couleur à un gravlax de saumon.

  • Tofu vapeur, écailles d’amandes torréfiées, lait d’amande et huile de basilic

    PHOTO AYMERIC HALBMEYER, FOURNIE PAR SODEXO CANADA

    Tofu vapeur, écailles d’amandes torréfiées, lait d’amande et huile de basilic

  • Un œuf déposé sur un nid de lanières croustillantes de poireau

    PHOTO AYMERIC HALBMEYER, FOURNIE PAR SODEXO CANADA

    Un œuf déposé sur un nid de lanières croustillantes de poireau

  • Carpaccio de betteraves jaunes et rouges, basilic, fleur de sel et huile d’olive

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    Carpaccio de betteraves jaunes et rouges, basilic, fleur de sel et huile d’olive

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Le gaspillage alimentaire est un sujet qui tient particulièrement à cœur au chef de 31 ans, qui raconte avoir passé tous ses jeunes étés à la ferme de son grand-père, sur la côte ouest de la France. C’est là qu’il a appris à honorer ce que la terre nous donne, en utilisant au maximum ses fruits et en mangeant aussi au rythme des saisons. « Chez mon grand-père, il n’y avait rien qui se perdait. On a malheureusement perdu cette mentalité. Pour moi, des fraises en décembre, il ne devrait pas y en avoir. »

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Ruban de daikon, poireaux confits, popcorn, tomates cerises, poudre d’estragon

Avec son travail, M. Halbmeyer estime qu’il peut avoir un réel impact, en conscientisant les employés qui travaillent dans les cuisines pour Sodexo partout au pays — que ce soit dans des écoles, des hôpitaux, des bureaux, des musées — sur la façon dont ils s’approvisionnent et gèrent leurs résidus alimentaires.

En 2018, il a lancé le programme « Cercle complet », qui se veut un guide pour tous les chefs de Sodexo Canada, mais sa présentation a finalement fait le tout du monde, puisque l’entreprise est installée dans 62 pays et compte plus de 400 000 clients. « Le programme, c’est une mentalité à avoir ; c’est être conscient de ce qu’on jette et voir ce qu’on peut faire avec », note M. Halbmeyer, qui a accueilli La Presse dans les nouveaux bureaux de l’entreprise, dans le sud-ouest de la ville.

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En tant que directeur général et chef exécutif de Sodexo Canada, Aymeric Halbmeyer a mis en place le programme « Cercle complet » pour contrer le gaspillage alimentaire.

50 % : objectif de réduction des déchets alimentaires d’ici 2025 chez Sodexo Canada

Aujourd’hui, Sodexo a déjà réussi à atteindre le chiffre impressionnant de 45 % de réduction. « On mesure le poids des déchets alimentaires sur les sites. Dès qu’on commence à se conscientiser, les effets sont immédiats, car les gens se rendent compte du poids de ce qu’ils jettent ! » Littéralement.

« On peut avoir un impact chaque jour dans la cuisine »

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Des poudres colorées obtenues à partir de résidus alimentaires

Pour le chef, lutter contre le gaspillage, c’est d’abord faire des choix sensés. Et ça commence par acheter local, le plus possible. « Faisons vivre les gens autour de nous et encourageons l’économie locale. Je n’ai pas besoin d’avoir une carotte qui a plus voyagé que moi dans la vie ! », lance-t-il en rigolant, ajoutant que Sodexo Québec s’approvisionne à 70 % localement.

Il préconise aussi l’achat de fruits et légumes moches, lorsque c’est possible, des produits qui ne se vendent pas et qui vont souvent se retrouver à la poubelle avant même de se rendre jusqu’au consommateur. Son programme porte aussi une attention particulière à l’emballage. Les pailles et les bouteilles d’eau en plastique ont également été éliminées de tous les établissements exploités par Sodexo.

Ensuite, il faut se demander ce qu’on peut faire avec les aliments que l’on jette habituellement. N’y aurait-il pas moyen de les utiliser dans leur entièreté, de leur donner une seconde vie ?

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Le chef Aymeric Halbmeyer est allé au marché et a acheté un morceau de turbot, des asperges, des pommes de terre, des carottes, du panais, une baguette de pain et des pommes « moches ».

Parmi les ingénieuses recettes qu’il a élaborées — après beaucoup d’essais et d’erreurs, souligne-t-il —, on trouve des poudres de mûres, d’agrumes ou de pelures d’oignon torréfiées. Ces poudres, qui se conservent presque ad vitam æternam, ajoutent couleurs et saveurs aux présentations culinaires. « Ça permet de concentrer le goût et ça a un côté visuel sympathique. »

Vos légumes ont la mine basse ? Le chef suggère de faire des conserves « simples comme bonjour » (1 mesure de sucre, 2 mesures de vinaigre, 3 mesures d’eau) en mariant légumes et aromates comme betteraves jaunes et curcuma, concombres et graines de moutarde, radis et fenouil. Il suffit de faire chauffer la mixture, de verser le tout sur les légumes et de réfrigérer une semaine.

Le chef a aussi créé des huiles et vinaigres infusés, ultra-faciles à réaliser, qui permettent d’éviter de jeter des fines herbes ou encore des petits fruits. Chez lui, il va jusqu’à infuser ses pelures de banane, remplies de nutriments, dans l’eau, qu’il utilise ensuite pour arroser ses plantes !

Bref, l’important est de ne pas hésiter à essayer des trucs, à voir sous un jour nouveau les déchets alimentaires. « On peut avoir un impact chaque jour dans la cuisine », conclut M. Halbmeyer.

Visitez le compte Instagram d'Aymeric Halbmeyer

Un repas quatre services sans pertes… ou presque !

Pour démontrer comment il applique dans chacune de ses créations sa philosophie antigaspillage, Aymeric Halbmeyer a concocté pour La Presse un repas quatre services que « tout le monde pourrait faire à la maison » avec, pour seules pertes, un tout petit bol.

  • Avec le poisson, il a non seulement fait un filet pour le plat principal, servi avec des têtes d’asperges, carottes et panais, mais il a aussi utilisé les arêtes pour cuisiner un fumet de poisson…

    PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

    Avec le poisson, il a non seulement fait un filet pour le plat principal, servi avec des têtes d’asperges, carottes et panais, mais il a aussi utilisé les arêtes pour cuisiner un fumet de poisson…

  • … qui a servi de base à sa soupe réalisée avec des pieds d’asperges et des pommes de terre.

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    … qui a servi de base à sa soupe réalisée avec des pieds d’asperges et des pommes de terre.

  • Les pelures des légumes racines ont été cuites au four jusqu’à devenir des chips croustillantes.

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    Les pelures des légumes racines ont été cuites au four jusqu’à devenir des chips croustillantes.

  • Avec les trimes du poisson, le chef a aussi fait des rillettes, qu’il a étendues sur des croûtons de pain.

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    Avec les trimes du poisson, le chef a aussi fait des rillettes, qu’il a étendues sur des croûtons de pain.

  • Le reste du pain a servi à faire le crumble pour le dessert. La pomme a été utilisée au complet : la chair a donné une compote de pommes, puis les pelures et les cœurs (et même le reste du citron, dont le jus avait été utilisé dans la compote) ont été transformés en gelée de pommes.

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    Le reste du pain a servi à faire le crumble pour le dessert. La pomme a été utilisée au complet : la chair a donné une compote de pommes, puis les pelures et les cœurs (et même le reste du citron, dont le jus avait été utilisé dans la compote) ont été transformés en gelée de pommes.

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Trois recettes antigaspillage

Croustilles de légumes racines

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Des pelures de légumes racines serviront à faire des croustilles.

Conseil du chef : on oublie que la plupart des pelures que nous jetons sont comestibles. Une façon de les utiliser est de les faire frire. Une fois transformées en croustilles, elles peuvent garnir un repas ou une salade ou même se déguster comme collation.

Ingrédients

Pelures de légumes racines comme des pommes de terre, carottes, betteraves, panais, navets, topinambours…

• 1 c. à thé de paprika fumé

• 1 c. à thé de poudre d’ail

• 1 c. à thé de sel

• 1 c. à thé de poivre

• 25 ml d’huile d’olive

Préparation

1. Préchauffer le four à 375 °F.

2. Nettoyer et éplucher les légumes racines comme à l’habitude, puis mélanger les pelures avec les épices, le sel et l’huile d’olive.

3. Cuire pendant environ 20 minutes au four, en remuant à mi-cuisson, jusqu’à ce que les chips soient dorées et croustillantes.

Poudre d’agrumes

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À l’avant, à droite, une poudre d’agrumes

Conseil du chef : la meilleure façon d’obtenir une saveur optimale pour les poudres est d’utiliser de vieux fruits ou légumes, comme une orange sans la peau ou une fraise molle. Cette recette peut être adaptée presque à l’infini, selon ce que vous avez sous la main.

Ingrédients

• 4 oranges

• 4 citrons

• 100 g de sucre

• 100 g d’eau

Préparation

1. Dans une casserole, faire cuire les ingrédients pendant environ 30 minutes, puis réduire le tout en purée.

2. Préchauffer le four à 145 °F ou utiliser un déshydrateur si vous en avez un.

3. Étaler la purée sur une feuille de papier parchemin, puis laisser sécher au four pendant toute une nuit, ou jusqu’à ce que le mélanger soit sec.

4. Une fois la purée séchée, briser en morceau et passer au malaxeur pour obtenir une fine poudre concentrée en saveur et en couleur.

Vinaigre infusé aux framboises du Québec

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Des petits fruits ou herbes à passer ? Infusez-les dans du vinaigre !

Conseil du chef : choisissez un vinaigre de qualité, comme du vinaigre de cidre ou de xérès, et vos aromates, dans ce cas-ci, des framboises (mais on pourrait faire de même avec du romarin ou du thym, par exemple).

Ingrédients

• 550 ml de vinaigre de xérès

• 100 g de framboises fraîches ou congelées, idéalement locales

Préparation

1. Faites bouillir le vinaigre et versez-le sur vos aromates dans un pot, puis scellez le tout.

2. Laissez macérer de 3 à 6 mois.