C'était à Paris, fin septembre, dans un restaurant du boulevard La Tour-Maubourg, non loin de la tour Eiffel.

Le garçon de table venait de déboucher la bouteille, et je lui demandai de me donner le bouchon avant de goûter le vin.

«Voulez-vous aussi la capsule?» ironisa-t-il.

Je le laissai dire - inutile alors de se lancer dans de longues explications.

«Pas nécessaire. Seulement le bouchon», répondis-je.

Il me le remit, et j'en sentis la face qui avait été en contact avec le vin - le miroir. Celui-ci n'avait aucune mauvaise odeur pouvant indiquer que le vin était bouchonné. Lequel, comme l'annonçait le miroir, était impeccable.

Il arrive aussi qu'on détecte sur le miroir une odeur de nature chimique, rappelant celle de l'éther. L'explication: une des méthodes de stérilisation des bouchons est l'emploi de peroxyde, dans lequel on les plonge avant leur utilisation.

Cette technique peut laisser des traces, sous forme de senteurs... plutôt inopportunes. Elle comporte aussi, selon le grand connaisseur anglais Clive Coates, un inconvénient majeur, à savoir que le peroxyde d'hydrogène possède un fort pouvoir oxydant. Toujours selon ce dernier, c'est l'emploi de peroxyde qui expliquerait que bon nombre de bourgognes blancs de la fin des années 90 soient prématurément oxydés, comme on le déplore en Bourgogne.

Et ai-je pour ma part rêvé? Toujours est-il qu'en goûtant récemment un bourgogne rouge 2006, dont le bouchon sentait fortement l'éther, j'ai eu l'impression d'y retrouver un arrière-goût chimique. Le fruit était là, mais s'y ajoutaient, en fin de bouche, ces arômes désagréables.

Des vins

Entre deux vins d'une même appellation, le plus cher n'est pas forcément le meilleur, comme on sait. Ainsi en va-t-il des deux beaux vins rouges suivants.

Pourpre foncé, nanti d'un bouquet bien mûr, expressif, de bonnes ampleurs, aux notes de fruits noirs, avec aussi des nuances d'épices (le bois), le Coteaux du Languedoc 2003 Domaine du Silène est un vin d'une bonne concentration, dense, relativement corsé, équilibré et aux tannins gras. Très bon (278 caisses disponibles).

S, 10327980, 25,95$, *** 1/2, $$$, 2008-2011.

Quasi opaque, le Coteaux du Languedoc La Clape 2005 Les Bartelles, au bouquet encore plus large, profond, relevé de nuances de pain grillé (le bois), aux arômes fumés et de goudron, est de son côté... une bête de concours, riche en alcool (14,5%), qui plaira aux amateurs de vins extrêmement concentrés, mais à peu près épuisé (20 caisses).

S, 10897780, 32,65$, *** 1/2, $$$ 1/2, 2008-2011?

Mais, à mon sens, le moins cher est un peu plus réussi, plus digeste, de sorte que je l'ai noté 17,8 sur l'échelle de 20 points, contre 17,2 pour le Mas du Soleilla 2005.

Deux bordeaux 2004

Les bordeaux rouges 2004 ont été tout à fait éclipsés par les 2005, promis à une plus longue garde et d'un millésime plus réputé... quoiqu'il y ait eu en 2004 beaucoup de vins très séduisants, de facture classique, et moins chers.

Ainsi, le Saint-Émilion Grand cru 2004 Château Franc La Rose, d'une belle couleur pourpre-prune encore bien jeune, au bouquet encore peu nuancé, mais net, prometteur, ne manque pas de classe, avec une bouche charnue sans que ce soit un vin très dense, aux beaux tannins tendres, tout cela lui faisant une texture de qualité. Très beau bordeaux, donc, et à prix correct. Vin fait surtout de Merlot (85%) et de Cabernet franc (15%), il a été élevé en fûts de chêne français (216 caisses).

S, 10752855, 29,15$, *** 1/2, $$$ 1/2, 2008-2012.

Plus cher, le Saint-Émilion Grand cru 2004 Château Haut-Sarpe, dans lequel sont associés Merlot (70%), Cabernet franc (20%) et Cabernet Sauvignon (10%) et dont l'élevage est fait pour les deux tiers de la cuvée en fûts de chêne neuf, est un vin d'un demi-cran supérieur. Bien coloré lui aussi, et légèrement tuilé, il se présente avec un bouquet distingué, complexe (mine de crayon, fruits rouges, cuir, etc.). Suit une bouche très serrée, élégante, un brin austère, et tout aussi nuancé que l'annonce le bouquet. Excellent (149 caisses).

S, 10708782, 45,25$, ****, $$$$, 2008-2011.

La recommandation de la semaine

Né de l'alliance des Rothschild du Château Clarke (Listrac-Médoc) et d'un viticulteur d'Afrique du Sud, le Western Cape 2005 Rupert & Rothschild a vu son prix reculer à 19,25 $ dans ce millésime, contre tout près de 27 $ précédemment. D'une couleur grenat à reflets un peu orangés, son bouquet a de l'ampleur et n'est pas sans évoquer les Saint-Émilion d'un certain âge en raison de ses arômes de fruits cuits et de cuir. Nettement plus que moyennement corsé, un peu chaud sur la langue en raison de sa teneur en alcool (14 %), ne manquant pas de chair, ses saveurs de fruits cuits dominent bien qu'il n'ait rien de déclinant. Vin de Merlot (51 %) et de Cabernet Sauvignon (49 %), il a bénéficié d'un élevage de 17 mois en fûts. Très bien fait (375 caisses).

S, 904144, 19,25 $, ***, $$, 2008-2010.