On dit parfois que le système de classification des vins de Bourgogne - appellations génériques, appellations villages, premier cru et grand cru - est compliqué.

Il est pourtant simple comparé à celui de l'Allemagne, où «les appellations recouvrent tantôt un vignoble unique, tantôt une commune ou une région entière», comme l'écrivait Hugh Johnson dans l'édition 2006 de son Guide des vins du monde entier (Flammarion), et que je citais déjà samedi dernier.

Mais il vaut la peine de faire l'effort de déchiffrer le système allemand - à tout le moins partiellement -, ce qui, au bout du compte, n'est pas si ardu.

Résultat, on arrive parfois, ainsi, à dénicher de véritables perles (mais il est à peu près épuisé, aussi bien le dire d'entrée de jeu), tel donc l'exceptionnel vin doux qu'est le Wehlener Sonnenuhr 2005 Riesling Spätlese QmP Mosel-Saar-Ruwer Weingut S.A. Prüm, et dont je fais état à seule fin de montrer à quel point l'Allemagne, aux vins si peu connus, peut offrir de belles surprises.

D'un jaune paille à reflets verdâtres, son bouquet est intense, expressif, d'une grande maturité, avec aussi une petite note de fruits exotiques, et en même temps très typé Riesling.

La bouche suit, moelleuse, et les saveurs sont pures, éclatantes, avec une bonne quantité de sucre résiduel (58 grammes par litre), mais également une acidité à ce point marquée, quoique sans excès, que le tout est parfaitement équilibré. Grand vin, donc. Or, son prix en faisait une véritable aubaine.

S, 898833, 32$, ****, $$$ 1/2, 2008-2015.

Mais, je le répète, ce vin, à faible teneur en alcool (9%), est à peu près épuisé, puisqu'il n'en reste que quelques bouteilles.

On peut ajouter que des vins comme celui-ci peuvent très bien accompagner le foie gras, en lieu et place d'un Sauternes, ou même les fromages ou, encore, un dessert peu sucré.

Enfin, ils peuvent aussi être bus en digestif.

Aussi de la même région (la Moselle), le Bernkasteler Badstube 2005 Riesling Spätlese Markus Molitor, très typé Riesling également et aux nuances comme de conifères, moins riche en sucre résiduel (29 grammes), mais un peu plus alcoolisé (11,5%), très bon lui aussi, mais sans arriver au niveau d'excellence du précédent, pourra également être bu avec les mêmes plats que le vin de Prüm ou en digestif (44 caisses).

S, 10786431, 29,30$, ***, $$$ 1/2, 2008-2012.

La classification allemande

L'Allemagne, rappelons-le, classe ses vins en trois niveaux de qualité: au bas de l'échelle, le vin de table sans appellation (Tafelwein), un cran plus haut, le QbA (Qualitätswein bestimmter Anbaugebiete), qui peut être chaptalisé, et, au sommet de l'échelle, le QmP (Qualitätswein mit Prädikat), pour lequel la chaptalisation - l'ajout de sucre au moût - est interdite.

Pour ces derniers vins, les QmP, la richesse en sucre du moût (avant fermentation) est indiquée par les mentions Kabinett, Spätlese et Auslese, en allant du moins riche au plus riche.

Tout cela reste relativement simple, quoique... des Kabinett, des Spätlese et des Auslese puissent être soit «doux, secs ou entre les deux» pour citer encore une fois Hugh Johnson.

Ce qui complique le tout (inutile de le cacher!) est l'origine des vins, et la façon de l'indiquer.

Prenons le cas du vin de Prüm, dont il est question plus haut. En deux mots: comme pour tous les QmP, le premier nom, Wehlener, indique que le vin provient du village de Wehlen et, plus précisément, du vignoble Sonnenuhr, sans doute partagé entre plusieurs propriétaires.

Sonnenuhr est donc un cru (comme un cru de Bourgogne), soit, en allemand, un Einzellage.

Or, l'Allemagne compte plus de 2500 crus du genre, plus quantité de Grossolagen, qui sont des regroupements de Einzellagen «censés avoir un caractère similaire», note Johnson.

Le problème: à moins d'avoir une parfaite connaissance de ces milliers de crus et de regroupements, on ne sait jamais trop si on a affaire, dans le cas des QmP, à un Einzellage (supérieur à un Grosslage, du moins théoriquement) ou à un Grosslage.

S'ajoutent à tout cela des appellations régionales (Bereich), par exemple Johannisberg qui couvre «la totalité des 3000 hectares du Rheingau».

«Il faudrait fermer cette brèche dans laquelle peuvent s'engouffrer toutes sortes de vins qui risquent de décevoir le consommateur», fait observer avec justesse Johnson à propos des Bereich.

En même temps, bien sûr, on souhaiterait que la législation allemande permette au consommateur, par un moyen quelconque, de savoir s'il achète un cru (Einzellage) ou un vin de Grosslage.

Enfin, en réaction à toutes ces obscurités et à ce manque de rigueur, le consortium VDP (Verband Deutsches Prädikatweingüter), qui réunit quelque 200 des meilleurs viticulteurs allemands, a créé au début des années 2000 sa propre classification.

Leurs vins sont appelés des Erste Lage (meilleurs sites ou vignobles, en français), soit pour le VDP l'équivalent de grands crus, qu'il s'agisse de vins secs ou doux.

Les vins secs (moins de neuf grammes de sucre résiduel par litre) portent le nom de Erstes Gewächs dans le cas du Rheingau (l'expression est légale et figure sur les étiquettes), et Grosses Gewächs pour ce qui est de tous les autres vignobles d'Allemagne (Moselle, Nahe, Pfalz ou Palatinat, etc.).

Mais... l'expression n'est pas autorisée par la législation allemande et, au sein du VDP, on songe à contourner la difficulté en ne faisant figurer que les majuscules GG sur les étiquettes.

On reconnaît les membres du VDP à l'aigle noir portant une grappe de raisin schématique figurant sur la collerette des bouteilles.

Enfin, les quelque 22 pages que Hugh Johnson consacre à l'Allemagne dans son Guide des vins du monde entier peuvent être extrêmement utiles pour s'aventurer dans le dédale de la législation allemande et des vins de ce pays.

Disparition de Didier Dagueneau

L'un des plus grands viticulteurs de France, Didier Dagueneau, dans l'appellation Pouilly-Fumé (Loire), est mort le mercredi 17 septembre dans l'écrasement de son ULM (ultra-léger motorisé), au décollage, dans le sud-ouest de la France. Viticulteur et personnage hors du commun, intransigeant, souvent provocateur, il était l'un des maîtres incontestés du Sauvignon blanc, et produisait avec ce cépage six cuvées de Pouilly-Fumé, plus un Sancerre, tous remarquables. Depuis quelques années, il exploitait également un petit domaine dans l'appellation Jurançon. En août, Didier Dagueneau était au Québec et est allé à la pêche, en avion, avec des amis, dans la région de Natashquan. Nos condoléances à sa famille.

DÉGUSTÉS POUR VOUS

Rioja 2007 Viura Genoli Ijalba. Vin blanc de la Rioja, de Viura, ou Macabeo, un cépage que beaucoup considèrent comme sans grand intérêt. Pourtant... Jaune paille, non boisé, son bouquet de fruits confits rappelle fortement l'odeur de la toile de tente d'autrefois! Très goûteux, ne manquant pas de corps, il a à mon avis du caractère, bien que ce ne soit pas un vin particulièrement fin. Très bon dans son genre et à prix sage (373 caisses). S, 883033, 13,60$, ***, $ 1/2, 2008-2010.

Columbia Valley 2005 Merlot Washington Hills. Vin rouge de l'État de Washington, dans lequel entre aussi du Cabernet franc (20%), de corps moyen, peu tannique, facile. Et à prix correct. Au répertoire général depuis janvier (738 caisses). C, 10846641, 15,20$, ** 1/2,$ 1/2, 2008-2009.

Premières Côtes de Blaye 2006 Château Les Ricards. Deuxième vin (de jeunes vignes, donc) du Château Bel-Air la Royère, bien coloré quand même, fait surtout de Merlot (70%), mais aussi, chose rare à Bordeaux, de Malbec (20%) et de Cabernet Sauvignon (10%), et élevé un an en fûts, c'est un vin qui se présente avec un bouquet plutôt tout d'une pièce, assez épicé (le bois). Et, en bouche, plus que moyennement corsé, avec des tannins fermes, le tout un peu austère et plutôt carré. Très bon malgré tout (383 caisses). S, 10389267, 20,35$, ***, $$ 1/2, 2008-2011.

Cahors 2005 Le Combal. Un vrai... Cahors, pourpre-violacé et à peine transparent, dont le bouquet, ample, de fruits noirs, est relevé par des nuances rappelant les odeurs de truffes noires. Corsé, plutôt unidimensionnel, il a néanmoins la qualité d'être bien goûteux et généreux. Très réussi à sa manière. Fait surtout de Malbec (90%), mais aussi de Merlot (7%) et de Tannat (3%), il est élevé 14 mois en fûts (109 caisses). S, 10675001, 19,80$, ***, $$, 2008-2011.

LA RECOMMANDATION DE LA SEMAINE

Vin rouge portugais aux prétentions modestes (voir le prix), le Vinho Regional Estremadura 2006 Reserva Roaz, fait d'un cépage local (Castelao) et d'Aragonez autre nom du Tempranillo , d'un pourpre soutenu sans que ce soit un vin opaque, au bouquet d'une bonne générosité, mûr, de fruits rouges, a le bon goût... de vous en donner pour vos sous bien que ce ne soit pas un vin particulièrement fin! Plus que moyennement corsé, il a en effet des saveurs franches et un bon goût de fruit, et puis de l'éclat, le tout sur des tannins dépourvus de rugosité. Quant au prix (2374 caisses)... C, 10 325 221, 12,35$, ***,$ 1/2, 2008-2010