Notre journaliste se balade dans le Grand Montréal pour parler de gens, d’évènements ou de lieux qui font battre le cœur de leur quartier.

Peu après l’ouverture du « brewpub » de quartier dont lui et ses partenaires avaient tant rêvé, Michaël Ruel se souvient encore d’être accoté au bout du bar et de contempler la foule de clients attablés devant une pinte. « J’étais sur un nuage, et ce nuage-là dure depuis 10 ans. On se pince encore », dit-il.

Ce samedi, Isle de Garde souligne son 10e anniversaire. Pour l’occasion, en collaboration avec l’arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie, une partie de sa ruelle sera fermée. Il y aura de la bouffe, de la musique, de l’animation et, bien entendu, de la bière !

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À 15 h 30, un mercredi, la terrasse est déjà bien remplie.

Ceux qui fréquentent Isle de Garde savent qu’un jeudi ou un vendredi soir, ses 150 places trouvent preneur bien avant 18 h. C’est sans compter la grande terrasse qui accueille pendant la saison chaude quelque 90 clients. C’est à se demander où les gens allaient boire une bière dans le coin avant !

La populaire brasserie indépendante de la rue Beaubien ne célébrerait pas son 10e anniversaire sans un homme appelé Paul Proulx de la Caisse populaire de Victoriaville, rappelle le brasseur Olivier Dupras. Lui seul a cru au projet de Michaël Ruel, Simon Chantal, Matthieu Gauthier et Marc-Aurèle Lussier, qui reluquaient le local laissé vacant par la fermeture du Bistro Unique.

« Simon était allé le voir pour changer quelque chose dans son compte et il lui a parlé de notre projet par hasard, raconte Olivier. C’est grâce à lui qu’on existe. »

Tous sont des amis d’enfance de Victoriaville, sauf le chef de cuisine, Marc-Aurèle Lussier, qui a travaillé avec Matthieu au Café du Nouveau Monde. Comme clients des plus rares brasseries artisanales de l’époque, les partenaires savaient clairement ce qu’ils voulaient offrir comme expérience.

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Olivier Dupras, Matthieu Gauthier et Michaël Ruel racontent la petite histoire d’Isle de Garde.

Jeune, Olivier était du genre à faire de la bière dans sa cave alors que Michaël se remémore sa collection de bouteilles et l’époque de « monter à Montréal » depuis Saint-Hyacinthe, où il étudiait au cégep, pour aller au Dieu du Ciel ! et déguster une stout avec du cacao et de la vanille.

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Le serveur Atcikok Jourdain Niquay

Matthieu et Olivier relatent pour leur part l’époque où ils faisaient la tournée de « l’axe du malt » en s’arrêtant au Cheval blanc, au Saint-Bock, à L’amère à boire, au Benelux, au Dieu du Ciel ! et au Vices & Versa.

Un besoin résolument criant

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Olivier Dupras, Marc-Aurèle Lussier, Clarisse Barrette Vigneault, Matthieu Gauthier et Michaël Ruel. Absent de la photo, Simon Chantal.

Dès le premier soir d’ouverture en septembre 2014, Isle de Garde a attiré les foules. Et c’est toujours le cas (sept jours sur sept à partir de midi !), bien que l’offre brassicole se soit bonifiée dans le coin avec l’ouverture des brasseries Harricana et Mellön et des bars Yisst, Birra, etc.

En 2016, Isle de Garde a agrandi – lui permettant de brasser sur place – en reprenant une partie de l’ancien local du club vidéo Millenium (!), alors que l’autre a accueilli la Boulangerie Automne.

En août 2022, Isle de Garde a pris le local d’un ancien dépanneur et en a même gardé le nom pour y ouvrir Chez Popo et ajouter encore une trentaine de places. « Nous perdions beaucoup de clientèle, car il y avait une longue file d’attente », signale Olivier. « Chez Popo nous a permis de concrétiser notre plan d’avoir un café-boutique avec des cannettes pour emporter », ajoute Matthieu.

De la brasserie aux tables

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Chez Popo a permis à l’équipe d’Isle de Garde d’avoir encore davantage pignon sur rue.

Olivier, qui partage la tâche du brassage avec Isaël Dagenais, se réjouit que la clientèle suive leurs initiatives qui sortent des sentiers battus. Il cite l’exemple des bières en Cask – très rares au Québec – et il se dit particulièrement fier des bières franconiennes. Il fallait aussi convaincre la clientèle qui ne jurait que par les IPA de redécouvrir les lagers.

Il y a une grosse étape entre ce qui se fait dans la brasserie et le service. Les serveurs portent notre voix auprès des clients.

Olivier Dupras, brasseur

Tout est brassé au 1039, rue Beaubien Est. « Du pied carré, on produit beaucoup de litres de bière ici », souligne Olivier.

Ce n’est par ailleurs pas dans les plans d’agrandir ou d’ouvrir d’autres succursales. « C’est une question d’authenticité », dit Matthieu.

Ne pas négliger l’assiette

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Pour la populaire bière bitter Ce que tu dois boire à tous les jours, Olivier Dupras utilise une levure qu’il croit être le seul en Amérique du Nord à commander d’une brasserie anglaise victorienne de la région d’Oxfordshire.

Dès le départ, Isle de Garde a aussi voulu se démarquer par l’assiette. « Nous trouvions que la bouffe était souvent négligée dans les pubs », souligne Michaël Ruel.

Lui et sa bande étaient inspirés des « gastro-pubs » américains comme le Farmhouse Tap and Grill, à Burlington.

« On peut manger un burger et un mac and cheese, mais on peut aussi aller ailleurs », souligne le chef propriétaire Marc-Aurèle, qui travaille avec la cheffe exécutive Clarisse Barrette Vigneault. Récemment, il y avait au menu un plat de gnocchis frais servi avec des morilles blondes et de l’ail des ours.

Or, en 2024, c’est tout un défi d’offrir un bon steak frites à 21 $. « Avec des produits locaux et de commerces du quartier », ajoute celui que tous surnomment Marco.

Rester authentique

« La vision que nous avons aujourd’hui est celle qui était sur papier il y a 10 ans », se félicite Olivier avec le recul.

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Durant la belle saison, la grande terrasse peut accueillir quelque 90 clients.

Conclusion ? Une chance que Simon est allé faire un changement dans son compte courant à la caisse pop de Victoriaville alors que ses potes et lui peinaient à financer leur projet de gastro-pub de quartier.

Paul Proulx, sachez que la bière sera offerte par la maison si vous venez faire un tour à Isle de Garde !

Consultez le site de Isle de Garde

Une fête de quartier

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Isle de Garde tient une braderie annuelle tous les premiers samedis du mois de juin.

Isle de Garde tient une braderie annuelle tous les premiers samedis du mois de juin, mais pour son 10e anniversaire, une partie de la ruelle de la rue Beaubien, entre Christophe-Colomb et Boyer, sera fermée. Dès midi, ce samedi, il y aura de la bouffe, de l’animation, de la musique (le Burning BRASs Band, le Desert Blues Ensemble DUNES, Felp, Chienvoler) et, bien entendu, de la bière, dont une nouvelle lager multigrains à base d’épeautre, de seigle et de riz, créée par des brasseurs qui ont travaillé à Isle de Garde au fil du temps.