L’époque où le porto était systématiquement servi à la fin du repas avec un plateau de fromages est bel et bien révolue. Cela ne signifie pas pour autant la mort du porto. Ce vin fortifié du Portugal se réinvente derrière le bar… et même en cannette !

Sur la rive gauche du fleuve Douro, à Vila Nova de Gaia, Taylor’s est l’une des plus anciennes maisons de porto. L’entreprise célèbre cette année son 331e anniversaire. Or, depuis peu, elle ne produit plus uniquement du vin. Elle s’est dotée d’installations pour élaborer son propre tonic. Car si les ventes de porto sont à la baisse, la demande dans les bars, elle, est à la hausse. Et le cocktail qui fait revivre ce vin fortifié est le « port et tonic ».

Ce mélange de porto blanc, de tonic, de lime et de glaçons ressemble au gin tonic. Mais son goût est différent : il est moins fort en alcool et plus doux en bouche.

« Le porto apporte beaucoup de complexité au cocktail, observe le directeur des ventes chez Taylor’s, João Rebelo. C’est notre manière de rejoindre la jeune génération, parce qu’on est vu comme un alcool pour les vieux. »

PHOTO TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM D’OFFLEY

Du porto en prêt-à-boire ? Vous avez bien vu !

Taylor’s n’est pas la seule maison de porto à faire ce constat. Sogrape, producteur et propriétaire de plusieurs marques dont celle d’Offley, vient justement de commercialiser son « portotonic » dans un format très populaire au Québec : la cannette.

« C’est notre façon d’inverser la décroissance du vin de porto », explique Teresa Araujo, de Sogrape.

Ce prêt-à-boire est réalisé avec un porto blanc créé sur mesure pour les cocktails. La cuvée Clink contient moins de sucre résiduel, 60 grammes par litre plutôt que 100 en moyenne, et ses arômes s’expriment davantage sur les fruits frais, plutôt que sur les notes classiques de fruits confits. Dans plusieurs pays d’Europe, il est possible d’acheter Clink en bouteille et de le mélanger avec du tonic à la maison.

PHOTO TIRÉE DU SITE DE GRAHAM’S PORT

Le dernier-né chez Graham’s Port : le Graham’s Blend No5

La famille Symington a elle aussi créé de nouveaux portos pour intégrer ce nouveau débouché. Le Graham’s Blend No5 est produit avec des raisins récoltés la nuit, afin d’apporter davantage de fraîcheur à la boisson. Si la différence se goûte, elle se voit également : l’étiquette est très colorée et la forme de la bouteille rappelle celle du gin.

« On a travaillé sur le look, explique le responsable du marché canadien chez Symington, Sérgio Azevedo. Il faut que ça attire l’œil. C’est un défi, parce que l’Institut des vins du Douro et de Porto applique des règles très strictes. »

Car si les maisons de porto se réinventent pour freiner la baisse des ventes, elles caressent toutes le même objectif : intéresser une nouvelle génération aux cuvées classiques qui ont bâti la réputation et l’héritage de Porto depuis près de trois siècles.

Variation dans le shaker

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Au jjacques, à Québec, le mixologue Frédéric Pouliot sert le Porto Flip.

Le porto n’a pas encore pris d’assaut la carte de cocktails de tous les bars de la province. Or, dans l’atmosphère feutrée du bar à cocktails jjacques, à Québec, le mixologue Frédéric Pouliot revisite les alcools oubliés. Sa carte du moment contient sans surprise une proposition à base de ce vin fortifié.

Les clients sont étonnés qu’on puisse faire un cocktail avec du porto. Ils le voient plus comme un digestif.

Frédéric Pouliot, mixologue

Frédéric Pouliot prépare un Porto Flip, un cocktail gourmand qui se sert en dessert. Il suggère aussi de servir l’alcool en apéritif dans un martini en remplaçant tout simplement le vermouth par du porto. Le vin fortifié s’intègre aussi dans le populaire Aperol Spritz, en troquant la liqueur amère pour du porto rouge.

Le producteur et importateur Emmanuel Cabral observe aussi cette tendance. Il encourage d’ailleurs depuis quelques années à préparer sa sangria avec du porto. Selon lui, cette boisson festive contribue sans aucun doute au regain d’intérêt du vin fortifié au Québec.

« Quand tu penses que la majorité des portos font un élevage de plusieurs années en fûts de chêne, ce n’est pas un produit cher pour la qualité », soutient-il.

Une bouteille de porto blanc coûte en moyenne 20 $, soit la moitié du prix d’un gin.

Qu’est-ce que le porto ?

Le porto est un vin fortifié élaboré dans la région du Douro, au Portugal. Lors de la vinification, la fermentation est arrêtée par l’ajout d’une eau-de-vie de vin dans la cuve. La boisson conserve ainsi du sucre naturel et son taux d’alcool est plus élevé. Le tout est ensuite vieilli plusieurs années en bouteille ou en fûts de chêne selon les différentes catégories. Traditionnellement rouge, le porto blanc a été popularisé il y a 100 ans. Quant au porto rosé, il est produit depuis 2008.

Prêt-à-boire : note de dégustation

Les amateurs de porto reconnaîtront tout de suite les parfums de fruits mûrs typiques du vin fortifié. Ces arômes s’intègrent sans faille à ceux du tonic. Les amoureux du gin tonic seront, quant à eux, peut-être déroutés par la chaleur de l’alcool beaucoup plus modérée et les arômes moins puissants. C’est frais, léger et fruité.

Offley Clink Portonic, 4,30 $ (250 ml)

Consultez la fiche de la SAQ

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Porto Flip, à servir en fin de repas, comme un dessert

Porto Flip du jjacques

Rendement : 1 cocktail

Ingrédients

  • 1 oz de cognac
  • 1 oz de porto Tawny 20 ans
  • 0,5 oz de sirop simple
  • 1 œuf entier
  • Muscade

Préparation

Dans le shaker, réunir tous les ingrédients à l’exception de la muscade. Agitez une première fois sans glace. Ajoutez de la glace puis agitez de nouveau. Filtrez dans une coupe et râpez la muscade pour décorer.