Les producteurs de vin sont aux premières loges du réchauffement climatique, surtout au cœur de la mer Méditerranée où les vignerons de la Sicile mettent les bouchées doubles pour freiner ses impacts négatifs. Ils adoptent un principe de plus en plus tendance dans le vin : le développement durable. Qu’en est-il ?

(Vittoria) Début octobre, les vendanges sont terminées depuis longtemps dans le sud de la Sicile. Pourtant, au vignoble d’Arianna Occhipinti, le pressoir est plein. Au milieu du chai, la productrice trie les grappes de muscat fraîchement cueillies.

Malgré son jeune âge, Arianna Occhipinti termine sa vingtième vendange. Pour la première fois de sa carrière, une parcelle de vignes a fleuri deux fois durant l’été. Ce phénomène n’est pas rare dans les vignobles situés en Équateur, mais en Sicile, c’est du jamais-vu.

PHOTO SIMONE APRILE, FOURNIE PAR OCCHIPINTI

La vignerone Arianna Occhipinti

« J’ai vendangé la parcelle de muscat et de grillo deux fois, raconte la vigneronne. Ça va me permettre de remplir un peu plus mes cuves, parce qu’on a perdu presque 50 % de la récolte cette année à cause du mildiou », une maladie cryptogamique causée par un champignon phytopathogène.

Au même moment, des dizaines d’experts sont réunis à Sciacca, dans le nord du pays, dans le cadre du deuxième symposium sur le développement durable. Car si l’agriculture biologique est répandue dans l’île, scientifiques et vignerons s’entendent pour dire qu’il faut faire plus d’efforts. Cette nouvelle stratégie porte un nom : le développement durable.

Du verre sicilien

PHOTO ASIA GAGLIANO, FOURNIE PAR O-I

L’entreprise O-I a créé la première bouteille de vin recyclée 100 % sicilienne.

Planter des arbres, récupérer l’eau, protéger les abeilles, le concept du développement durable est vaste. Il est même trop vaste aux yeux du directeur du centre pour la durabilité et la transition écologique de l’Université de Palerme, Maurizio Cellura. « Tous les vignerons disent qu’ils sont plus verts que leur voisin, avance-t-il. Il faut mettre en place des moyens de le calculer et de le prouver. »

Pour ce faire, la Sicile mise sur un aspect facilement calculable : le verre. Selon Lucrezia Lamastra, professeure à la faculté d’agriculture, d’alimentation et des sciences de l’environnement de l’Université catholique du Sacré-Cœur à Milan, près de 50 % des émissions de gaz à effet de serre du vin proviennent du contenant en verre.

Pour diminuer cet impact, la Sicile s’est associée à l’entreprise O-I afin de créer la première bouteille de vin recyclée faite uniquement avec du verre provenant de l’île.

« Les citoyens mettent de côté les bouteilles une fois qu’elles sont vides, puis les municipalités les collectent, explique Ernesto Ghigna, directeur marketing européen de l’O-I. On ne veut pas recycler les bouteilles d’ailleurs. En utilisant le verre provenant uniquement de l’île, on réduit encore plus les émissions de transport. »

La bouteille sicilienne est reconnaissable grâce à une empreinte représentant l’île. En plus d’être fait de matière recyclée, le contenant possède un autre avantage : il est plus léger, 410 g plutôt que la moyenne de 500 g. Son transport est donc plus écologique.

Biodiversité

PHOTO KARYNE DUPLESSIS PICHÉ, COLLABORATION SPÉCIALE

Le nero d’Avola est l’un des cépages clés de la viticulture en Sicile. Il résiste à la chaleur et s’adapte. Toutefois, il ne donnait pas un bon résultat sur cette parcelle du domaine Planeta. La vigne a été remplacée par des amandiers afin de favoriser la biodiversité des cultures.

Tout près de la ville baroque de Noto, dans le sud du pays, le domaine Planeta s’est installé en 1998 dans le bien nommé lieu-dit Buonivini (bon vin). La vigne pousse dans un sol crayeux où la mer découpe l’horizon. Au milieu du paysage, une parcelle de vignes a été remplacée par des amandiers. Juste à côté, des grenades et des pacanes mûrissent doucement. « On voulait favoriser la diversité des cultures sur le domaine, raconte Viviana Pitino, responsable de l’accueil à Planeta. Différents arbres signifient différents oiseaux, différents insectes et une meilleure santé des sols. »

PHOTO KARYNE DUPLESSIS PICHÉ, COLLABORATION SPÉCIALE

Situé à Buonivini, près de Noto, le vignoble de Planeta à Noto cultive plusieurs sortes d’arbres fruitiers à côté des vignes afin de briser la tendance de la monoculture. Ici, les grenades attendent l’hiver afin d’être récoltées.

Cette démarche est encouragée par la fondation sicilienne pour le développement durable, SOSTain. Et elle a même fixé une norme : tout vignoble dont la superficie est supérieure à 15 hectares doit maintenir une zone naturelle, non cultivée, d’au moins 5 %.

PHOTO SIMONE APRILE, FOURNIE PAR OCCHIPINTI

Le vignoble d’Arianna Occhipinti produit du vin, mais aussi de l’huile d’olive, et on y cultive un jardin de légumes.

C’est ce qu’a aussi fait Arianna Occhipinti. À l’entrée du domaine, des orangers sont remplis de fruits. Près des vignes, la vigneronne cultive aussi un grand jardin de légumes et des variétés ancestrales de céréales. Alors que le pressoir a fini son travail et que le liquide verdâtre repose désormais dans la cuve, elle s’accorde une pause. Elle trempe son pain dans l’huile d’olive préparée avec les vieux arbres du domaine. Elle a tout mis en place pour vendanger pour encore les 20 prochains millésimes.

À boire

Fraîcheur sicilienne

PHOTO TIRÉE DU SITE DE LA SAQ

Alastro Planeta Sicilia 2022, 20,45 $

Le prochain arrivage de la cuvée Alastro au Québec sera embouteillé dans la bouteille faite de verre recyclé sicilien. Elle contiendra le même assemblage de grecanico et de sauvignon blanc dont les fruits sont récoltés dans la région de Menfi. Moyennement aromatique, l’attaque croquante est surprenante pour le terroir chaud de l’île. Les notes de cire d’abeille et de fleurs persistent longtemps. Parfait pour accompagner les huîtres.

Alastro Planeta Sicilia 2022, 20,45 $

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Blanc d’altitude

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Di Giovanna Vurria Grillo Sicilia 2021, 22,70 $

Lorsque la famille Di Giovanna s’est installée dans les collines de Sambuca di Sicilia dans les années 1960, elle a planté des cépages à la mode : cabernet-sauvignon, chardonnay, merlot. Aujourd’hui, elle les arrache. Comme de nombreux vignerons siciliens, les Di Giovanna misent sur les variétés locales, comme le grillo, car elles sont plus résistantes à la sécheresse. Le domaine familial a un autre atout : ses vignes sont plantées à plus de 500 mètres d’altitude. Ce blanc possède un joli bouquet de pêche, de thym et de citron Meyer. En bouche, il est généreux, gourmand, et sa finale possède juste assez d’acidité pour accompagner une recette typiquement sicilienne : des pâtes aux anchois et fenouil.

Di Giovanna Vurria Grillo Sicilia 2021, 22,70 $

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Nouveau terroir

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Gulfi Nero Sanloré 2018, 66,25 $

Le nero d’Avola est le cépage rouge typique du sud de l’Italie. Il avait été mis de côté, jugé moins élégant que les variétés internationales, mais ce temps est révolu. Le nero d’Avola s’adapte à tous les terroirs de l’île, mais surtout, il conserve son acidité malgré les températures qui frôlent les 45 degrés. La famille Catania a planté le nero d’Avola dans son terroir ancestral : Pachino. Au sud de la ville d’Avola, les vignes poussent tout près de la mer dans un sol de sable rouge. La cuvée Sanloré dévoile des notes florales séduisantes et des tannins d’une grande finesse. Cher ? Pas vraiment quand on sait qu’il peut traverser les décennies sans souci.

Gulfi Nero Sanloré 2018, 66,25 $

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