Contrairement aux autres vignerons québécois de cette série de portraits des vendanges, Xavier Burini et Karine Bonneville ne sont pas partis de rien pour bâtir leur petit éden. Le Clos des cigales est la continuité du Vignoble des Pins, que Gilles Benoît a planté dans les années 1980. La reprise comporte son lot de défis, mais les premiers vins, sortis pendant l’été, sont déjà dignes d’un jardin de délices.

Le premier week-end d’octobre, dans le Haut-Richelieu, un essaim de vendangeurs – famille, amis et journaliste ! – cueillait les derniers frontenacs du Clos, sous le soleil. « Les raisins sont mûrs, mais ces maturités sont quand même un peu sur le fil du rasoir », admet Xavier Burini, tandis qu’il rentre les seaux dans le chai. La cuve est prête à accueillir les grappes pour faire une macération carbonique.

PHOTO DENIS GERMAIN, COLLABORATION SPÉCIALE

Xavier Burini ramasse les derniers raisins dans son vignoble.

« Je veux aller chercher le goût du fruit au maximum. J’aime la carbo ! Après, on va mettre le moût dans l’œuf de fermentation et le travailler sur ses lies pour lui donner de la matière. »

Traduction : le vigneron va tenter de fournir à son précieux raisin toutes les conditions dont il a besoin pour se transformer en bon vin, malgré une difficile saison de croissance en 2022.

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Xavier Burini travaille dans le chai.

Au Québec, c’est clair que nos enjeux ne sont pas les mêmes que dans un bassin méditerranéen plutôt stable, par exemple. On est dans un climat nordique, on ne peut pas se permettre de ne rien faire du tout et de juste laisser la vigne à elle-même.

Xavier Burini, vigneron

« Pour l’instant, on n’a ajouté aucune levure à nos fermentations et on n’a rien sulfité, ajoute-t-il. Mais ça ne veut pas dire que je n’utiliserai jamais de soufre dans mon vin. Qu’est-ce qui est plus écologique : mettre 2 grammes par 100 litres ou jeter sa production ? Le SO2, on ne le diabolise pas ici. »

La passation du flambeau

Le Clos des cigales aurait bien pu s’appeler Clos de la patience. Le couple a « magasiné » son vignoble pendant près de 10 ans. Au début des recherches, Xavier Burini était copropriétaire du restaurant Les trois petits bouchons (fermé en 2015), un des premiers établissements à proposer une carte des vins exclusivement naturels et artisanaux. Entre-temps, Karine Bonneville a ouvert l’épicerie de ses rêves en 2018, à Saint-Jean-sur-Richelieu, Les petites Bonneville, où elle vend d’ailleurs un grand nombre de vins québécois.

Bredouille après plusieurs visites et même quelques offres refusées (dont une au Vignoble des Pins qui n’était pas en vente à l’époque), le ménage a mis son rêve sur la glace. Puis un jour, Gilles Benoît a décidé qu’il était temps de passer le flambeau.

« M. Benoît, il a planté quatre fois des vignes, une bonne quarantaine de cépages différents, surtout des variétés résilientes. C’est ce qui lui a permis de faire le moins de traitements possible, d’avoir le meilleur rendement et de garder une charge de travail raisonnable », explique Xavier Burini.

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Le Clos des cigales a fini de donner ses fruits pour le millésime 2022.

Ce qu’il reste aujourd’hui sur les 2 hectares : des vieilles vignes de maréchal Foch de plus de 35 ans, des frontenacs (noir, gris, blanc) de 20 à 25 ans, du La Crescent, du Louise Swenson, du saint-cliche, du marquette et du petite perle, du Sabrevois et du muscat, entre autres.

Les Burini-Bonneville ont acheté une terre en bon état. « Ici, il n’y a pas eu de Roundup ou d’autres produits systémiques qui restent dans la terre et jouent avec la flore mycorhizienne. M. Benoît n’utilisait pas de désherbant non plus. C’est un biochimiste de formation. Il savait à quel point certains produits étaient dangereux et a toujours utilisé le strict minimum. »

Au Québec, en général, on croule sous la diversité. On se promène en Bourgogne et il n’y a que du gazon et du trèfle. Pas un oiseau, pas une mouche, pas un arbre. Ils se battent pour avoir la diversité qu’on a.

Xavier Burini, vigneron

« Mais eux, au fil des siècles, ils ont appris quels cépages étaient adaptés à leur environnement, ajoute-t-il. Bien entendu, c’est en train de changer là-bas. Mais ce que je dis, c’est que le vignoble québécois est encore jeune et en plein développement. On a encore beaucoup de réponses à trouver. »

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Xavier Burini est le vigneron du Clos des cigales.

Pas de dogme

Comme Zaché Hall, du domaine L’espiègle, ou Frédéric Simon et Catherine Bélanger, de Pinard & filles, entre autres, Xavier Burini et Karine Bonneville n’ont pas envie de payer une certification biologique ou biodynamique pour prouver qu’ils font bien les choses.

« Je suis dans un certain moule, mais je suis aussi quand même un peu en marge, déclare Xavier Burini. Avoir un cahier des charges qui est dogmatique, entrer dans le débat des croyances, ça ne me tente pas du tout. On ne se met pas de dogme. On préfère observer, essayer, voir les résultats, comparer et prendre en considération le long terme. Je veux replanter des cépages résistants, mais au bout du compte, je vais surtout choisir quelque chose que j’ai envie d’avoir dans mon verre. L’équilibre, c’est de choisir les inconvénients avec lesquels on est prêt à vivre. »

Les vins du Clos des cigales sont en vente dans un grand nombre d’épiceries fines, dont La boîte à vins, Veux-tu une bière, Butterblume, Conserva, Boucherie Lawrence, Les petites Bonneville (Saint-Jean-sur-Richelieu), La réserve naturelle (Sutton) et bien d’autres. Une vingtaine de restaurants ont aussi quelques cuvées sur leur carte, dont Pastaga, Candide, Denise, Cave à mamie, Liège (Repentigny) et Bernarche (Sherbrooke).

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