Une lectrice me demande, en ces temps d’inflation, de suggérer plus souvent des vins à petits prix.

Elle précise des vins « buvables ». Ce qui est rassurant : elle est tout à fait consciente que dans la gamme des petits prix, il n’y aura pas de vins complexes. Parmi les premiers prix, on recherche simplement quelque chose qui est « buvable ».

C’est un sujet qui me déchire. Je suis partagée entre mon désir du vin démocratique, accessible à tous, et celui de privilégier une agriculture responsable et une boisson saine. Malheureusement, l’immense majorité des vins à très petits prix sont issus d’une agriculture industrielle, et souvent aussi bourrés d’additifs ou hautement transformés.

Il y a longtemps que nous avons pris conscience de ce que nous mangeons. Les produits en épicerie ayant une longue liste d’ingrédients qui semblent sortis d’un laboratoire plutôt que d’un champ, on les évite de plus en plus. L’idée romantique du vin comme étant simplement du jus de raisin fermenté est souvent très loin de la réalité. Tout comme dans l’industrie de l’alimentation, des dizaines d’additifs et de procédés de transformation sont aussi autorisés dans celle du vin.

Il y a aussi une question éthique. Si on paie une bouteille de vin 12 $ à la SAQ, combien touche le vigneron ? Est-ce un modèle qui lui permet de vivre ? De bien traiter ses employés ?

Sur le site de la SAQ, il est possible de voir comment est réparti le prix d’une bouteille de vin vendue dans son réseau.

Consultez le site de la SAQ

Pour un vin à 15 $ sur les tablettes, le vigneron recevra 5,33 $. Ce n’est pas que pour le vin : en plus de cultiver la vigne et de faire le vin, le vigneron doit aussi payer les bouteilles, les bouchons, les étiquettes, les caisses, l’entreposage et l’expédition.

Un bouchon très haut de gamme peut coûter 1,30 $ ! Ce ne sera bien sûr pas le bouchon dans votre bouteille à 12 $. Puis, le vigneron paie aussi des frais à l’agence qui le représente au Québec. Bref, ça ne laisse pas grand-chose dans ses poches. Et cet exemple est pour un vin en approvisionnement continu. Pour un vin de spécialité, le vigneron touchera un pourcentage encore plus faible du prix de vente.

Une viticulture durable et responsable

Vient ensuite la question, primordiale pour moi, d’encourager des pratiques agricoles durables. La viticulture est loin d’être parfaite. En partant, c’est une monoculture. Ne pas se préoccuper de biodiversité aujourd’hui est impardonnable. Je ne veux plus soutenir des vignerons qui emploient des herbicides, des pesticides, des engrais chimiques. Je souhaite encourager ceux qui pratiquent une viticulture durable et responsable, afin de contribuer à régénérer nos terres et de produire de vrais vins de terroir ; ceux qui traitent leurs employés avec respect et s’impliquent dans leur communauté. Et tout ça a un prix.

Nous sommes en effet en temps d’inflation. Tout coûte plus cher. On ne peut plus aujourd’hui produire du vin à 2 ou 3 $ la bouteille. Du moins, pas de façon éthique. Même une certification en bio laisse de la place à des pratiques agricoles peu durables et ne garantit absolument rien quant aux pratiques d’emploi. De l’autre côté, il y a de nombreux vignerons qui travaillent de façon exemplaire sans certification aucune.

Comment fait-on alors pour savoir quels sont les modes de culture, les additifs utilisés, si les employés sont bien traités ? Aujourd’hui, aucune indication sur une bouteille ne nous renseigne là-dessus. Il faut faire ses recherches, se renseigner, et se méfier du marketing autour du vin avec toutes ses allégations non vérifiées.

Un prix élevé n’est malheureusement pas toujours garant de qualité ni de pratiques durables ou équitables. Par contre, un prix plancher est fort probablement indicateur de pratiques plus industrielles ou inéquitables.

L’adage boire moins, mais boire mieux, est plus que jamais pertinent.

Trois suggestions

Entre 15 $ et 20 $, les choix de bons vins sont nombreux. À moins, ou autour de 15 $, ils sont plutôt restreints. Mais il y en a toujours un peu. En voici trois offerts actuellement.

Castelo Rodrigo Beira Interior 2021

PHOTO TIRÉE DU SITE DE LA SAQ

Castelo Rodrigo Beira Interior 2021

La région de Beira Interior est à l’intérieur des terres, près de l’Espagne et au sud du Douro. Elle est la plus montagneuse du Portugal. Dans cette cuvée d’une coopérative locale, quatre cépages indigènes sont assemblés pour donner un vin sec, frais et fruité. Des notes de pomme jaune et d’agrumes, un fruit juteux en bouche et de délicats amers en finale en font un vin drôlement bien ficelé à ce prix. Simple, mais plus que satisfaisant.

Castelo Rodrigo Beira Interior 2021, 15,20 $ (14431223), 13 %, bio

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Calabuig Vin d’Espagne 2020

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Calabuig Vin d’Espagne 2020

Deuxième cépage rouge parmi les plus cultivés d’Espagne après le tempranillo, le bobal a longtemps été utilisé pour des vins en vrac — il peut être très productif. Concentré dans les régions de Castilla La Mancha, au centre, et de Valencia, sur la côte est du pays, il est aujourd’hui revalorisé par plusieurs vignerons. Ses nombreuses très vieilles vignes et sa capacité à retenir de l’acidité sous des climats chauds en font un excellent candidat pour des vins de qualité. Ici, c’est une version simple que nous propose la famille Calabuig. Un joli nez de fruits rouges ouvre le bal, simple, mais net et franc. Sec et plutôt léger, à peine tannique mais avec une certaine poigne et un caractère un peu rustique, il fait en effet preuve de fraîcheur et sera meilleur légèrement rafraîchi.

Calabuig Vin d’Espagne 2020, 13,25 $ (14189932), 12,5 %, bio

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Cazes Cap au Sud Pays d’Oc 2020

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Cazes Cap au Sud Pays d’Oc 2020

Le Domaine Cazes est présent sur notre marché depuis longtemps, et était parmi les premiers à nous offrir des vins bios. Et des vins d’un très bon rapport qualité-prix, comme celui-ci. Assemblage en parts égales de grenache et de syrah, il offre un joli nez fruité et épicé. La bouche est ronde, avec une matière mûre et fruitée. Sec, frais et juteux, avec de très légers tanins, c’est un vin simple mais drôlement bien fait et qui vaut largement son prix.

Cazes Cap au Sud Pays d’Oc 2020, 14,65 $ (12829051), 13 %, bio

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