(Bordeaux) Hubert de Boüard, 65 ans, copropriétaire du célèbre château Angélus et grande figure du vignoble bordelais, a nié lundi avoir joué un rôle dans l’élaboration du classement 2012 des grands crus de Saint-Émilion, où il est soupçonné par trois châteaux recalés d’avoir été juge et partie.

Ce consultant viticole de 65 ans et Philippe Castéja, 72 ans, important négociant et propriétaire de château Trotte Vieille, doivent répondre jusqu’à mardi de « prise illégale d’intérêt » devant le tribunal correctionnel de Bordeaux pour leur implication présumée dans ce classement synonyme de belles retombées commerciales et financières.

En 2012, ils étaient membres du comité national des vins de l’INAO, rattaché au ministère de l’Agriculture. Cet organe a validé le règlement du classement et ses résultats, élaborés par une commission dont il avait nommé les membres.

Plus actif que M. Castéja d’après l’enquête, M. de Boüard était également membre de l’Organisme de défense et de gestion (ODG) des vins de Saint-Émilion, qui a participé à l’élaboration du cahier des charges du classement avec l’INAO selon l’instruction.

« En aucun cas je n’y ai participé », s’est défendu M. de Boüard à l’audience, alors que le président du tribunal lui signale des « allées et venues continuelles » de courriels entre l’ODG et l’INAO.

« Je n’ai pas pensé une seconde qu’y répondre pouvait être quelque chose » de répréhensible, a-t-il dit. « Au contraire, après le traumatisme de l’annulation (par la justice) du classement de 2006, il fallait sécuriser le plus possible le nouveau classement ».

« Dans le cadre de l’INAO, j’ai respecté la règle du début à la fin », a ajouté le prévenu. Par exemple, « je me suis abstenu de voter sur la liste des membres de la commission de classement ».

En 2012, le classement a promu son château Angélus premier grand cru classé « A », sommet de la pyramide, et maintenu « B » le Trotte Vieille de M. Castéja. Huit autres propriétés pour lesquelles M. de Boüard jouait un rôle (consultant ou superviseur) avaient été récompensées (sur 82 distinguées au total).

Pour son avocat Antoine Vey, il « subit la vindicte de trois candidats malheureux » avec des charges « incompréhensibles » et « mal étayées » : « cette action pénale a pour but de lui nuire ».

Les deux prévenus risquent jusqu’à cinq ans de prison et 500 000 euros (750 000 $) d’amende.