« Ma passion n’a pas commencé dès que j’ai eu 18 ans, mais dans la vingtaine, on se calme les nerfs sur les bars et on veut davantage déguster que consommer. Et de la bière, il y en avait dans le frigo, mon père a toujours ramené du travail à la maison ! »

Joanie Bouchard a tout naturellement hérité de son père Éric l’amour de la bière, mais aussi celui de l’entrepreneuriat. Signe des temps et témoignage éloquent de la progression du marché de la microbrasserie au Québec, la jeune femme de 30 ans vient donc de reprendre les rênes du Monde des bières, l’un des plus importants détaillants spécialisés de la province, démarré par Éric Bouchard en 2005.

La passion s’est transmise de père en fille non seulement à la maison, mais aussi en magasin, car Joanie y travaille déjà depuis six ans. « J’ai terminé mon bac en sciences de la consommation, mais quand j’ai commencé à travailler avec mon père, j’ai vraiment trouvé ça beau de le voir s’investir pour quelque chose qu’il aime. »

C’est un état d’esprit qu’Éric Bouchard espère aussi communiquer aux prochains marchands détaillants du Monde des bières, car Joanie et son partenaire d’affaires Maxime Duchesne entendent poursuivre la croissance de l’entreprise, démarrée sur les bases d’un modeste dépanneur acheté à l’époque où il y avait tout juste une vingtaine de microbrasseries au Québec. « Le développement va se faire avec des passionnés, pas avec des gens qui veulent se faire une piastre avec ça, martèle Éric Bouchard, qui continue d’agir au sein de l’entreprise en tant que consultant. Avant de me lancer en affaires, je travaillais comme directeur du développement de la commercialisation chez Familiprix, au moment où la bannière a littéralement explosé. C’était donc mon job d’avoir le flair pour identifier quelqu’un de vrai ou pas. Je pense avoir transmis ça à Joanie. »

La jeune entrepreneure confirme que la croissance du Monde des bières va continuer de se faire intelligemment, d’abord avec de nouvelles succursales dans la grande région de Québec — pas question de mettre sur pied un système de franchises, on veut pouvoir compter sur des partenaires amoureux de la bière.

On veut s’affilier à des gens avec qui on a une affinité, on veut perdurer dans le temps.

Joanie Bouchard, copropriétaire du Monde des bières

L’entrepreneure ajoute du même coup qu’elle veut continuer à servir la même clientèle. « On est nichés dans ce qu’on fait, mais on s’adresse au plus grand nombre, soutient-elle. On sert autant d’hommes que de femmes, des jeunes et des moins jeunes, on voit toute sorte de monde. »

Y compris les aficionados brassicoles, sans cesse friands des dernières nouveautés ? « Bien sûr ! Le geek ne ressent peut-être pas de sentiment d’appartenance à un commerce en particulier, mais ça nous apporte de la notoriété, ça nous permet de nous démarquer, affirme-t-elle. Mais il faut se maintenir à jour, il faut être rapide sur la gâchette, être à l’affût de ce qui se passe sur Facebook ou Instagram, où les clients sont en lien direct avec les microbrasseries. Certaines microbrasseries ne distribuent pas leurs produits, si bien qu’il faut aller chercher nous-mêmes ces exclusivités, et on veut le faire encore plus. Les geeks veulent ça, on veut continuer d’offrir ces pépites d’or, c’est important. »

En parallèle de son offre brassicole, Le Monde des bières continuera d’étoffer sa vaste gamme de saucisses préparées chez So-Cho, en plus de proposer une plus grande variété de vins, de cidres et de fromages québécois, tout en développant le service de commande en ligne et de livraison à domicile — le tout nouveau site web témoigne du virage, même si l’essentiel du travail se fait encore en boutique, chaque succursale employant cinq conseillers formés.

Avec près de 300 microbrasseries au Québec et un nombre croissant de détaillants spécialisés, dont certains qui ambitionnent d’établir de véritables chaînes nationales, la concurrence est forte. Mais Éric Bouchard n’est pas inquiet pour la suite des choses. « On disait déjà il y a 10 ans que le milieu de la microbrasserie allait toucher un plateau au Québec, soutient le nouveau sexagénaire. Quand j’ai commencé, les micros ne représentaient que 2 à 4 % du marché, alors qu’on frôle aujourd’hui les 15 %. C’est donc normal que de nouveaux joueurs tentent de profiter d’un marché en croissance. Le jour où il n’y aura plus de place, le marché va nous le dire. Évidemment, c’est pas mal moins stressant pour nous que pour quelqu’un qui démarre un concept. »

C’est certainement aussi moins inquiétant pour le papa qui passe le témoin à sa fille !

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