L’auteur-compositeur-interprète Marc Dupré et son agent Francis Delage composent des spiritueux aux notes distinctives depuis six ans. Forts de leur succès, ils ont décidé de créer un lieu entièrement consacré à la fabrication et à la dégustation de leurs boissons raffinées dans une église ancestrale au cœur de Magog. Rencontre.

Marc Dupré et Francis Delage travaillent ensemble depuis des années. Leur complicité transparaît au fil de la conversation et leur goût commun pour les spiritueux de qualité les a tranquillement menés à créer leurs boissons alcoolisées sous la marque Cherry River.

« Il y a eu deux ou trois ans où je capotais sur la mixologie ; j’achetais des livres, je faisais mes sirops, ma base de margarita moi-même, je suis comme viré fou avec ça ! […] En en discutant avec Francis, il m’a dit : “C’est drôle que tu me parles de ça, parce que j’ai le goût de faire de l’alcool et je vais t’apporter quelque chose.” Il est arrivé avec un paquet d’affaires. J’ai goûté, j’ai fait “Ark” quelques fois, mais je suis tombé sur le petit fruit qui est vraiment venu me chercher. Quand il m’a dit : “Ça te tenterait-tu d’entrer là-dedans ?”, je lui ai répondu : “Dans quoi ? Je fais de la musique, moi !” », raconte le chanteur, conscient néanmoins qu’il avait le palais développé et ne manquait pas d’idées.

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Francis Delage et Marc Dupré ont fondé la distillerie Cherry River dans l’ancienne église St Luke à Magog. De nombreux éléments ont été réutilisés, comme les bancs et les prie-Dieu en cuir rouge et en bois convertis en bar et en tablette.

C’est ainsi que Marc Dupré a décidé de faire des produits alcoolisés avec son compère. Il dépeint Francis Delage comme un homme persévérant. « On a testé bien des choses avant de sortir notre première vodka, qui était vraiment bonne et différente des autres », estime l’artiste pour qui il était essentiel de proposer des produits d’exception.

Mon travail au début était de faire briller la marque, de la faire découvrir aux gens. Veux, veux pas, ça aide toujours d’avoir un nom connu. Mais avoir un nom connu et ne pas répondre aux attentes, c’est à double tranchant.

Marc Dupré

Le goût des souvenirs d’enfance

Les premières boissons Cherry River ont été fabriquées dans les locaux de la distillerie Les Subversifs. « On a eu la chance de rencontrer ces pionniers de la distillerie au Québec, des gens extraordinaires qui ont eu le courage de se lancer dans une affaire comme ça parce qu’à l’époque, c’était loin d’être une mode. Ils nous ont permis de nous mettre en scène », souligne Francis Delage.

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Les gins sont les produits les plus populaires de la distillerie Cherry River.

Leur amour pour les produits du terroir a conduit les deux comparses à aromatiser leur alcool. « On s’est dit qu’on avait de l’érable au Québec, alors on a voulu faire une vodka à l’érable. Par contre, je voulais que ça goûte la tire d’érable, pas le sucre. Quand on allait à la cabane à sucre avec mes parents, le moment le plus important pour moi, c’était quand on sortait dehors pour manger la tire. La première chose qui me touche, c’est de penser à quelque chose qu’on connaît quand on présente nos produits. On ouvre, on sent et on goûte. La senteur doit être au premier plan. D’ailleurs, il y a toujours la même réaction : les gens sont réticents à l’idée que c’est une vodka à l’érable pour le sucré, mais juste en sentant, ils ont envie d’essayer. Et moi, je suis content, parce que je vois dans leurs yeux ce qu’ils ressentent », explique Marc Dupré.

Francis Delage, qui vit à Magog, explique que le dosage et le choix des éléments caractérisent le résultat. « Il faut être capable de goûter le spiritueux sans pour autant être dérangé par l’arôme. On a une eau extraordinaire qu’on peut puiser ici au village et elle est déterminante dans notre vodka. C’est une eau très pure et après d’autres essais, on s’est dit qu’on avait vraiment la matière idéale pour bâtir l’entreprise. »

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Francis Delage pointe ici le plus ancien vitrail de l’église. Restauré à l’identique, il date de 1847.

On veut depuis le début que nos boissons s’insèrent dans la tradition du spiritueux, c’est-à-dire qu’on ne cherche pas à réinventer l’industrie, mais qu’on veut y mettre notre pierre avec des propositions distinctives.

Francis Delage

La vodka à la cerise est aussi le fruit de souvenirs de Marc Dupré qui rêvait de manger des Cherry Blossom quand il était jeune : « Mon père en achetait deux, un pour ma mère et un pour lui. Moi, je me disais : “Pourquoi je ne peux pas en manger, moi ?”Alors j’ai voulu une vodka qui goûte ça, pour rendre hommage à mon père et à la Cherry Blossom. »

Les gins ont suivi, concoctés les uns après les autres avec autant de patience et de passion. Une touche de lavande, des pétales de roses, de la mûre blanche… Les gins du duo sont devenus les produits les plus populaires et le dernier-né aux bleuets vient de voir le jour. Les entrepreneurs ont aussi imaginé deux boissons légères à base de malt à la lime et aux fruits rouges. D’excellents substituts pour ceux qui n’aiment pas la bière.

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Les membres des deux familles Dupré-Delage s’impliquent dans la distillerie. Ici, Alyssa Delage, fille de Francis Delage et Mélanie Cloutier, conjointe de Francis Delage.

Une histoire de famille

La croissance de l’entreprise a incité les fondateurs à voler de leurs propres ailes et à trouver une place pour fabriquer, entreposer, faire déguster, vendre leurs spiritueux, en plus d’organiser des visites agrotouristiques. Ils ont demandé de l’aide à la Ville de Magog, qui leur a suggéré de contacter la congrégation anglicane de Québec pour voir s’ils pouvaient acquérir l’église St. Luke de Magog.

Les Dupré-Delage étaient fébriles et le projet a finalement été adopté avec bonheur. Quand Marc Dupré est entré dans l’église, ç’a été une révélation. « J’ai dit à Francis qu’il fallait garder l’âme du lieu qui date de 1870. Je voulais qu’on respecte l’endroit, qu’on sente son histoire, tant d’évènements se sont passés ici. »

Les deux familles se sont investies dans cette entreprise qu’elles souhaitent garder artisanale.

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Anthony Dupré, le fils de Marc Dupré, est en train de mesurer le taux d’alcool à l’aide d’un alcoomètre.

Mon gars Anthony [19 ans] va s’occuper du service à la clientèle, Frédéric [21 ans], le fils de Francis, fait tout ; c’est un gars de construction. La femme de Francis fait la comptabilité et la mienne goûte et commente !

Marc Dupré

Leurs filles Stella et Alyssa (18 et 19 ans) gèrent quant à elles les réseaux sociaux. Cinq employés s’occupent à temps plein de la distillerie, en plus d’une équipe de vente. « La beauté de notre relation à la distillerie comme pour la chanson, c’est de se dire les vraies affaires avec Francis. En plus, nos femmes, nos enfants, tout le monde a son mot à dire, chaque personne peut mettre sa petite touche et c’est ça qui fait que nos produits nous ressemblent à 100 %. Tout est fait avec cœur. »

La boutique de la distillerie ouvrira le 18 juin.

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