(Ottawa) Les vins produits dans des colonies israéliennes en Cisjordanie ne pourront plus afficher l’étiquette « Produit d’Israël » pour être vendus au Canada.

Un tel étiquetage est « à la fois inexact et trompeur », de l’avis de la Cour fédérale.

La Cour a donné raison lundi à un Canadien que le tribunal décrit comme « amateur de vin et activiste ». David Kattenburg s’était d’abord adressé à l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA). L’agence lui avait d’abord donné raison, puis avait changé d’avis. Une plainte de M. Kattenburg n’a pas fait bouger l’ACIA : il s’est donc tourné vers les tribunaux.

À la Cour fédérale, M. Kattenburg a déclaré qu’il présentait sa demande de révision judiciaire « pour aider à faire respecter les lois du Canada relatives à la protection des consommateurs […] et pour veiller au respect des droits internationaux de la personne et du droit humanitaire, tant par le Canada que par Israël ».

Le plaignant a affirmé que l’étiquetage « Produit d’Israël » de ces vins « facilite l’annexion de facto d’une grande partie de la Cisjordanie par Israël », ce qui « constitue un affront à ma conscience en tant que Juif et à mon engagement envers la primauté du droit en tant que citoyen canadien ».

Dans sa décision, la juge Anne Mactavish a préféré ne pas se prononcer sur le statut juridique des colonies israéliennes en Cisjordanie — dans ce cas-ci les colonies de Psâgot et de Shiloh. Les colonies en territoire occupé sont considérées comme illégales par la communauté internationale.

« Peu importe le statut juridique des colonies, il n’en reste pas moins qu’elles ne sont pas situées dans les frontières territoriales de l’État d’Israël », a écrit la juge. Ceci l’a menée à conclure qu’indiquer que ces vins sont des « produits d’Israël » est « faux, trompeur et mensonger ».

« Certaines choses sont complexes et insolubles, a-t-elle noté, comme la politique du Moyen-Orient […] Les décisions d’achat des particuliers sont une des façons dont ils peuvent exprimer leurs points de vue politiques pacifiquement […] Les consommateurs doivent […] obtenir des renseignements exacts sur la source des produits en question. »

Vérifier sur Google

Le procureur général du Canada, défendeur dans cette cause, avait argué que les consommateurs qui ont des préoccupations à l’égard de la provenance des vins des colonies n’ont qu’à « chercher le nom des établissements vinicoles sur Google ». Il affirmait aussi que le règlement oblige à indiquer le pays d’origine des produits consommés au Canada et que puisque le Canada n’a pas reconnu la Palestine comme un pays, il ne peut indiquer qu’Israël sur les étiquettes des vins produits dans les colonies.

La juge, elle, a préféré citer l’intention du législateur en matière d’étiquetage : celle de permettre aux Canadiens « de prendre des décisions éclairées sur les produits qu’ils achètent afin qu’ils puissent acheter consciencieusement ». La juge Mactavish n’a pas déterminé comment les vins des colonies devaient être étiquetés ; elle renvoie l’ACIA à ses devoirs.

Shimon Koffler Fogel, président et directeur général du Centre pour les affaires israéliennes et juives (CIJA), estime que ce jugement « contient des erreurs de fond ».

« Les pratiques d’étiquetage actuelles sont parfaitement conformes à l’Accord de libre-échange Canada-Israël, ainsi qu’aux lois canadiennes et internationales, soutient-il dans un communiqué. C’est pourquoi nous exhortons le gouvernement du Canada à en appeler de cette décision erronée. »

Deux ans et demi plus tard

M. Kattenburg avait dirigé sa première plainte à la Régie des alcools de l’Ontario (LCBO) en janvier 2017. C’est sur ses tablettes qu’il avait remarqué, pour la première fois, les vins en cause : Shiloh Legend KP 2012 et Psâgot Winery M Series Chardonnay KP 2015.

La LCBO n’ayant donné aucune suite à sa plainte, en mars, il s’est alors tourné vers l’ACIA. L’agence fédérale lui a d’abord donné raison. Puis, en juillet, elle a changé d’avis, affirmant que l’Accord de libre-échange Canada-Israël définit le « territoire » israélien comme partout où est appliquée la législation douanière israélienne — et que cela comprend la Cisjordanie.

Deux groupes sont intervenus dans cette cause. Voix juives indépendantes appuyait le plaignant, tandis que la Ligue des droits de la personne de B’nai Brith Canada se rangeait dans le camp adverse.

Si la cause est portée en appel, le Centre pour les affaires israéliennes et juives pourrait demander le statut d’intervenant, « afin de s’assurer que le droit canadien et international soit correctement interprété et appliqué ».