Livre La lorgnette Vas-tu finir ton assiette ?

Le duo Vas-tu finir ton assiette ? s’est fait connaître avec ses amusants comptes rendus en ligne de l’émission Les chefs !, où l’ironie et les jeux de mots ne cachaient jamais une véritable passion pour la célèbre émission culinaire animée par Élyse Marquis. Comble de la reconnaissance et de l’extase – pour eux ! –, c’est cette dernière qui signe la préface de l’essai que publient ce printemps Caroline Décoste et Mathieu Charlebois, intitulé Vas-tu finir ton assiette ? – Essais et facéties entre deux allées d’épicerie.

En effet, au-delà de leur fascination pour Les chefs ! et tous ses codes, c’est la bouffe en général qui intéresse les deux amis, en particulier celle qui est transformée (beaucoup). Gras, sel, sucre : plus il y en a, plus ils sont contents, et ce livre est une espèce de florilège de l’étrangeté culinaire, un hommage au pas bon pour la santé, une ode au mauvais goût qui réconforte.

On y retrouve donc intact leur amour de la culture populaire, leur humour parfois potache, parfois niché, et leur forme éclatée. Un chapitre avec un « Top 10 définitif des meilleures boissons gazeuses » – avec en première position « l’Oran’ade » –, un autre sur les instructions pour faire réchauffer une lasagne congelée Michelina’s, une version mac’n’cheese de la lutte des classes, la meilleure manière de déguster une Kit Kat : les Vas-tu ont le sens du détail et ils passent une foule de produits sous leur lorgnette critique ou joyeuse, du Big Mac au bar à pain de Pacini, de la pizza au chocolat au Paris-Pâté, du Monster aux accessoires infinis de Ricardo, de la viande végé au « pumpkin spice ».

Ce feu roulant, complété par de fausses citations et des extraits de chansons remaniés, nous fait souvent nous esclaffer. On rigole, on sourit, on les trouve un peu nonos ou sacrément pertinents. Mais l’accumulation du procédé fait qu’on se lasse un peu de cette série de courts textes, qui se termine avec un appel à « manger ensemble ».

Bien sûr que les auteurs ont une vision sociologique de l’alimentation, et on ne doute pas une seule seconde que c’est l’objectif derrière le livre. Mais on le perd un peu de vue entre le synopsis d’une fausse émission culinaire et un combat entre le Map-O-Spread et le caramel Grenache.

Probablement qu’une lecture par petites doses est plus appropriée pour ce genre d’ouvrage. Si chaque chapitre est un petit bijou d’amusement, quand ils sont mis bout à bout, l’effet se dilue dans le trop-plein de gras saturé et de sucre raffiné. Plutôt que de bouder le plaisir (réel) d’entrer dans le monde décalé de Caroline Décoste et de Mathieu Charlebois, on suggère donc de l’étirer : si on veut finir son assiette, vaut mieux prendre le temps de déguster chaque élément, sinon on risque d’en jeter la moitié.