Alors qu’on valorise plus que jamais l’achat local et la consommation de la ferme à la table, notre journaliste a pris la route pour aller à la rencontre d’artisans et de travailleurs agricoles. Voici le cinquième et dernier portrait de la série, qui présente Lyne Théorêt, employée de la filière avicole de la ferme Ritter, en Montérégie. Nous l’avons rencontrée avec sa « patronne », Catherine Gruber.

Lyne Théorêt est bien entourée quand elle travaille. Elle s’occupe des 10 000 poules et 4000 poussins de la ferme Ritter, située à Elgin, près de Huntingdon, en Montérégie.

« Ici, les poules sont les reines », affirme-t-elle.

La Montérégienne n’aurait jamais pensé travailler dans le domaine agricole, mais son frère Jean-Yves était employé de la ferme Ritter et la copropriétaire, Catherine Gruber, lui a proposé de se joindre à eux. C’était il y a trois ans.

Au départ, elle assurait essentiellement l’entretien et le nettoyage des bâtiments de la ferme sans contact étroit avec les poules. « Quand Catherine m’a proposé de travailler dans les poulaillers, je n’étais pas certaine, mais j’ai essayé… et j’adore ça ! »

Les poules produisent quelque 9300 œufs par jour et ils sont commercialisés par les Fermes Valens (qui s’approvisionnent chez plusieurs fermes familiales du coin). Pendant la pandémie, qui a fait exploser la demande pour les œufs, Lyne a pris conscience de l’importance du métier d’agriculteur dans la chaîne alimentaire. « C’est un travail tellement essentiel. »

  • Les poules pondeuses sont en liberté à la ferme Ritter.

    PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

    Les poules pondeuses sont en liberté à la ferme Ritter.

  • Tout est automatisé, mais il faut faire des rondes pour s’assurer que l’équipement fonctionne bien et que les poules vont bien.

    PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

    Tout est automatisé, mais il faut faire des rondes pour s’assurer que l’équipement fonctionne bien et que les poules vont bien.

  • Il y a de la belle lumière dans l’un des poulaillers.

    PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

    Il y a de la belle lumière dans l’un des poulaillers.

  • En plus de la filière avicole (notre photo), la ferme Ritter élève aussi, selon les normes biologiques, des bœufs nourris à l’herbe, ainsi que des veaux.

    PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

    En plus de la filière avicole (notre photo), la ferme Ritter élève aussi, selon les normes biologiques, des bœufs nourris à l’herbe, ainsi que des veaux.

  • Catherine Gruber est propriétaire de la ferme Ritter avec son mari, Markus Ritter.

    PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

    Catherine Gruber est propriétaire de la ferme Ritter avec son mari, Markus Ritter.

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Poules en liberté

À la ferme Ritter, les poules circulent en toute liberté et leurs œufs sont biologiques.

La poule doit être libre d’aller où elle veut. Il faut de l’espace pour qu’elle circule librement. Elles sont tellement bien que c’est parfois difficile de les rentrer le soir, mais il le faut, car il y a des prédateurs.

Lyne Théorêt

« Ce n’est pas compliqué, une poule, mais c’est fragile émotivement et il faut qu’elle soit bien. Si elle est trop stressée dans son environnement, cela peut jouer sur la qualité de l’œuf. »

« Ici, les poules sont les boss, poursuit-elle. C’est leur environnement. Moi, je rentre dans le poulailler et je suis juste une invitée. » Chacune a sa personnalité, renchérit Catherine Gruber, copropriétaire de la ferme Ritter. « On les reconnaît. »

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Lyne Théorêt est une employée de Catherine Gruber depuis trois ans.

Pour les besoins de la photo, c’est par ailleurs la même poule qui est revenue deux fois se laisser prendre dans les bras de Lyne.

La routine de la journée

Le matin, Lyne arrive à la ferme à 7 h 15. « J’ouvre les poulaillers. Je m’assure que la moulée a été distribuée et que les lignes d’eau fonctionnent. Si des poules ne sont pas allées dans les nids, je ramasse les œufs par terre. »

Si une poule semble moins se nourrir ou vivre un stress, elle va à ce que Lyne appelle l’« infirmerie ». « C’est une cage où la poule est sous surveillance pour une courte durée. Quand elle reprend du “plume de la bête », elle ressort. »

« Tout est automatisé ici, mais nous avons besoin d’une personne qui fait la ronde pour s’assurer qu’il n’y a pas de bris d’équipement et d’animaux coincés, explique Catherine. Il faut vérifier que les poules aient assez d’eau et de nourriture. »

Avec la pénurie de main-d’œuvre, Catherine Gruber est heureuse d’avoir des employés fidèles comme Lyne et son frère Jean-Yves.

« En agriculture, c’est du sept jours sur sept. Ils nous permettent d’avoir une belle qualité de vie », souligne la mère de trois enfants.

Catherine Gruber et son mari, Markus Ritter, ont aussi un élevage de bœufs biologiques nourris à l’herbe et de veaux (sur d’autres terres que celle que nous avons visitée, et avec d’autres employés).

Des fermiers de première génération

Pour la petite histoire, Markus Ritter – Autrichien d’origine – était le chef-propriétaire d’un restaurant du coin quand une cliente et lui s’échangeaient des regards de la salle à manger à la cuisine. C’était Catherine ! Elle et lui sont tombés amoureux. Markus avait alors l’appel de l’agriculture, alors que Catherine n’y avait jamais songé. Elle travaillait dans l’entreprise fondée par son père entrepreneur. « Ma mère aussi était en affaires », souligne-t-elle.

Au départ, en 2005, Markus était ce qu’on pourrait appeler un gentleman farmer. Mais quand il a accepté de devenir un partenaire des Fermes Valens, la demande est devenue si grande que son troupeau a grandi et grandi.

La production d’œufs de consommation est venue plus tard. Entre-temps, Catherine s’est investie à temps plein dans l’aventure. « Ma mère disait tout le temps : “Il ne faut pas se demander qu’est-ce qu’on va faire dans la vie, car la vie, c’est long. Il faut juste se demander ce qu’on va faire en premier. ” »

Catherine et Markus sont mariés depuis 21 ans. Leurs enfants ont 19, 18 et 12 ans.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Catherine Gruber

La plus vieille a un intérêt pour la ferme. Je suis soulagée de savoir qu’il y aura de la relève pour tout ce qu’on fait.

Catherine Gruber, copropriétaire

Le cœur à l’ouvrage

Outre les œufs, les charcuteries des Fermes Valens (dont la ferme Ritter est un fournisseur) connaissent un grand succès. Elles sont sans gluten, sans lactose et sans nitrate ou phosphate. Le bœuf biologique nourri à l’herbe est aussi de grande qualité.

En discutant avec Catherine et Lyne, on comprend à quel point le métier de fermier est rythmé par des cycles et animé par des valeurs profondes.

« Le plus beau, c’est la naissance des veaux au printemps », dit Catherine.

« Les poussins qui arrivent, c’est pas mal cute aussi », ajoute Lyne.

Et ils arrivent par milliers…

Quel chagrin Lyne et Catherine ont par ailleurs ressenti quand elles ont appris que des milliers de poulets avaient dû être euthanasiés pendant le conflit de travail de l’usine de transformation d’Exceldor. « On sait que la vie des animaux va finir un jour, mais on travaille dans le but de nourrir les gens », fait valoir Catherine.

« Depuis que je suis ici, je vois à quel point les animaux de ferme doivent être bien traités et comment ils peuvent l’être, souligne Lyne. Ma job, c’est juste que les poules soient bien. »

Et croyez-nous, elles le sont à la ferme Ritter.