Alors qu’on valorise plus que jamais l’achat local et la consommation de la ferme à la table, notre journaliste a pris la route pour aller à la rencontre de travailleurs agricoles. Voici le troisième d’une série de cinq portraits avec Geneviève Rivard et Isabelle Doyon, de la ferme artisanale Le pied maraîcher.

(Saint-Alexis) Tout a commencé par des visées idéalistes d’autosuffisance. Mais leur jardin familial a grandi et grandi, si bien qu’Isabelle Doyon et Geneviève Rivard peuvent aujourd’hui nourrir beaucoup plus de gens que leurs trois enfants et elles.

Les propriétaires de la ferme artisanale Le pied maraîcher sont des agricultrices autodidactes.

Isabelle est native de la Beauce. Son oncle et sa tante étaient des producteurs laitiers. « J’allais passer des semaines là-bas pendant l’été. J’aimais me lever à 5 h du matin pour aller dans l’étable. Il y a quelque chose qui m’animait dans l’agriculture, mais j’ai mis cela de côté et j’ai étudié en géomatique au cégep Limoilou », raconte-t-elle.

Alors qu’Isabelle a toujours eu l’appel de la terre, c’est venu sur le tard pour Geneviève, qui a grandi dans le coin de Shawinigan. Après une maîtrise en histoire, elle a enseigné à l’école secondaire.

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Geneviève Rivard et Isabelle Doyon, avec leurs enfants, Alexandre, Jerosme-Henri et Constance

Isabelle et elle se sont rencontrées à Québec. Elles ont vécu dans Villeray, à Montréal, avant de déménager à Saint-Alexis, dans Lanaudière, il y a 15 ans. Entre-temps, elles ont eu trois enfants, Jerosme-Henri, Alexandre et Constance.

« Geneviève avait des idées utopiques d’autosuffisance, mais il fallait l’aider à mettre ses idées en place », raconte Isabelle en jetant un regard complice et amoureux à sa compagne.

Nous avons commencé par un jardin et il a grandi et grandi…

Isabelle Doyon

« Des amis ont commencé à nous demander des paniers », poursuit Geneviève. Ensuite, il y a eu un point de chute à Énergir (où Isabelle travaille toujours).

La première serre était un abri de type Tempo. Il y en a eu une deuxième, puis une troisième, ainsi qu’une pépinière. Geneviève et Isabelle ont doublé l’espace cultivable pratiquement chaque année, si bien que la superficie des cultures à la ferme a bondi de 1000 à 10 600 pi2 en 10 ans.

Depuis cinq ans, elles louent en plus une terre de 2,7 hectares (dont elles utilisent la moitié), située un kilomètre plus loin, sur le rang Grande-Ligne, à Saint-Alexis.

« Apprendre sur le tas »

Geneviève et Isabelle cherchent constamment à améliorer leurs méthodes culturales. Elles sont la preuve qu’on peut devenir maraîcher avec une approche autodidacte. Elles regardent des vidéos sur YouTube au besoin et elles consultent des livres de référence comme Le jardinier-maraîcher – Manuel d’agriculture biologique sur petite surface de Jean-Martin Fortier.

« On a tout appris sur le tas », dit Geneviève.

« On a fait des gaffes, mais c’était au fur et à mesure, donc sur de petites surfaces », ajoute Isabelle.

Il faut être débrouillard et prêt à réagir aux imprévus pour être maraîcher. « Nous avons fait forer un puits en toute urgence en juin l’été dernier, car nous avions perdu les cultures de début de saison », raconte Geneviève.

Cet été, le mois de juin a aussi été très sec alors que juillet a été, à l’inverse, très pluvieux.

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Tout comme les céleris, les artichauts font la fierté de la ferme artisanale.

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Depuis 2016, les fruits et légumes du Pied maraîcher sont biologiques (et certifiés par Québec Vrai).

Depuis 2016, les fruits et légumes du Pied maraîcher sont biologiques (et certifiés par Québec Vrai). Geneviève et Isabelle travaillent essentiellement à la main, et elles intègrent de plus en plus des concepts de permaculture. « De compagnonnage », comme le dit si bien Isabelle. Par exemple, vaut mieux mettre des rangées de choux ici et là entre d’autres cultures (et non toutes les mettre au même endroit) pour éloigner les insectes nuisibles.

Le contact avec les gens

Le pied maraîcher a quelques points de chute. Geneviève et Isabelle vendent aussi leurs récoltes dans les marchés publics de Sainte-Marguerite-du-Lac-Masson et de Val-David.

Les marchés publics, c’est la récompense. C’est le contact avec les gens. Des clients prennent la peine de nous dire qu’ils reçoivent famille et amis avec des plats entièrement composés des légumes de notre ferme.

Geneviève Rivard

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Constance, 12 ans

Isabelle et elle ont trois employés et leurs trois enfants travaillent aussi à la ferme. Constance, Alexandre et Jerosme-Henri ont respectivement 12, 13 et 16 ans. Lors de notre visite, ils étaient dans le champ et c’était beau de les voir ricaner en récoltant des pois mange-tout.

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Alexandre, 13 ans

Trouver des employés est le grand défi de la saison estivale de 2021. Geneviève confie devoir lâcher prise sur certaines mauvaises herbes au point de parler de « sa petite jungle », mais elle est particulièrement fière de ses artichauts et de ses céleris.

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Jerosme-Henri, 16 ans

On privilégie le goût à la productivité, car nous sommes les premières à manger dans le jardin.

Geneviève Rivard

Les Rivard-Doyon cultivent ainsi une grande variété de fruits et légumes : tomates, concombres, navets, betteraves, aubergines, radicchios, fenouils, céleris-raves, pour ne nommer que ceux-ci, mais aussi des cerises de terre, des melons d’eau et des cantaloups.

« Nous avons du gingembre cette année, précise Geneviève. On essaie d’intégrer une nouvelle culture chaque année. »

Prochain défi ? Des champignons.

Geneviève et Isabelle comptent aussi offrir des produits transformés, dont de la sauce tomate. Elles ont commencé l’élevage de cailles et elles voudraient éventuellement avoir d’autres animaux d’élevage (un coq, un veau et quelques cochons), mais dans une perspective d’autosuffisance et non de vente.

Quand on leur demande ce qui est le plus « valorisant » dans leur travail, elles parlent plutôt de « gratitude ». « Il y a toujours une part d’émerveillement lors des récoltes et nous sommes toujours reconnaissantes de voir les cultures pousser et de bénéficier de notre travail de la terre. »

Pas de doute, le bonheur est dans la ferme au Pied maraîcher.

Consultez le site du Pied maraîcher