(Rouyn-Noranda) Sans écarter la tenue d’un référendum, François Legault presse la population de Rouyn-Noranda de prendre une décision « le plus vite possible » : accepter un plan « bonifié » de la multinationale Glencore ou fermer la Fonderie Horne. Le chef caquiste soutient qu’il accepterait de vivre à proximité de l’usine avec des émissions d’arsenic de 15 nanogrammes par mètre cube d’air, un seuil cinq fois plus élevé que la norme.

« Personnellement, ça me satisferait. Par contre, ce n’est pas à moi à prendre la décision, c’est aux citoyens de Rouyn-Noranda », a-t-il lancé lors d’une brève mêlée de presse jeudi. La durée de ses activités de presse s’écourte de jour en jour.

Après s’être emporté en entrevue à la station locale de Radio-Canada, François Legault a rencontré à huis clos les membres du conseil municipal de Rouyn-Noranda en compagnie de son candidat, l’ancien député libéral Daniel Bernard, lui-même conseiller de la Ville. Les élus municipaux n’ont pas répondu aux questions des journalistes.

Par contre, selon les « lignes de communication » de la ville préparées pour cette rencontre et consultées par La Presse, le conseil municipal estime qu’« on sent que la proposition de la Fonderie passe difficilement » dans la population. La Ville « s’attend à un plan plus ambitieux ». « Ce qu’on déplore, c’est que nulle part on vise l’atteinte des normes » de 3 nanogrammes d’arsenic par mètre cube d’air. « Soyons ambitieux ! On doit viser les normes », peut-on lire.

Or François Legault a répété que c’est techniquement « impossible d’aller à 3 nanogrammes ». Selon la Ville, l’entreprise lui aurait dit qu’il est tout de même possible d’aller sous les 15 nanogrammes. Or son plan actuel vise à atteindre cette cible de 15 nanogrammes d’ici cinq ans, ce que le gouvernement approuve.

« À 15 nanogrammes, la Santé publique dit que c’est acceptable », a plaidé François Legault. La Santé publique affirme plus précisément que c’est acceptable comme « étape intermédiaire, en chemin vers l’atteinte de la norme » de 3 nanogrammes. Aucun calendrier n’est prévu dans le plan de Glencore ou les intentions de Québec quant au respect de la norme.

S’il est réélu, François Legault dit vouloir, en compagnie de la Ville, continuer de négocier avec Glencore « parce qu’il reste encore des questions sans réponse, entre autres sur la zone tampon et qu’est-ce qui arriverait avec les compensations qui seraient payées aux individus qui seraient obligés de quitter une zone tampon ».

« On veut tous s’assurer qu’on est allé le plus loin possible avec l’entreprise pour réduire les émissions le plus bas possible et le plus vite possible. Une fois qu’on s’est tous assuré avec les citoyens et les représentants des citoyens qu’on est allé le plus loin possible avec l’entreprise, il y aura une décision à prendre. Est-ce qu’on ferme l’usine ou si on accepte la proposition finale bonifiée de l’entreprise ? », a expliqué M. Legault lors d’une courte mêlée de presse devant l’hôtel de ville, alors que quelques membres du groupe Mères au front manifestaient tout près.

La décision ne devrait pas tarder, selon le chef caquiste. « Il ne faut pas que ça dure trop longtemps », a-t-il insisté, tout en se disant inquiet de l’impact de cet enjeu sur « l’attractivité » de la région. Il a laissé entendre que les travailleurs pourraient être compensés en cas de fermeture de la fonderie.

Il entend préparer des « scénarios de consultation ». Il laisse entendre que les élus municipaux et le futur député de la circonscription seraient chargés de trancher, mais il n’écarte pas la tenue d’un référendum.

« Ce sera une décision importante, critique pour Rouyn-Noranda. […] Il faut que les élus qui représentent les citoyens du coin soient impliqués et qu’on s’assurer d’avoir le pouls de la population et que ça ne dure pas trop longtemps. ». « Je n’écarte rien pour l’instant », y compris la tenue d’un référendum.

Il s’est rendu par la suite à la rencontre des militants caquistes dans un restaurant, où des manifestants l’attendaient. Parmi eux, le DFrédéric Bonin, de l’Initiative médicale pour une action contre la toxicité environnementale (IMPACTE). « M. Legault prend des décisions politiques pour le troisième lien, moi je ne peux pas croire que M. Legault n’est pas capable de prendre une décision politique pour la protection de la santé des citoyens. À Rouyn-Noranda, un citoyen vaut autant qu’un citoyen ailleurs au Québec. La protection de notre santé est importante », a-t-il lancé rappelant l’importance pour lui de respecter la norme.

Pour Émilie Robert, de Mères au front, « l’épouvantail de la fermeture, c’est M. Legault qui le brandit depuis le début. Glencore n’a pas parlé de fermeture […] On pense que c’est possible de réduire les émissions » pour atteindre la norme de 3 nanogrammes. Autrement, « ça veut dire qu’on va sacrifier » les enfants, a-t-elle dit, rappelant les risques pour la santé des émissions d’arsenic. « On a une inquiétude immense, de la culpabilité aussi. On a exposé nos enfants à ça », a-t-elle laissé tomber.

De passage à Laval, le co-porte-parole de Québec solidaire (QS), Gabriel Nadeau-Dubois, a affirmé que la tenue d’un référendum sur la fermeture de la Fonderie Horne, « ça pas rapport ».

« Le débat, ce n’est pas s’il faut [fermer] la Fonderie Horne. Le débat, c’est [si] enfin un gouvernement après 40 ans de laisser aller va demander à cette multinationale de respecter la santé des gens », a-t-il dit.

Avec Hugo Pilon-Larose, La Presse