Au-delà de la réélection du gouvernement Legault, les élections provinciales de 2022 seront l’occasion pour de nouveaux visages, tous partis confondus, de faire leur entrée à l’Assemblée nationale. Qui sont-ils ? Pourquoi ont-ils fait le saut en politique ? Et quelles sont leurs priorités ? La Presse fait le point avec six nouveaux élus.

Kateri Champagne Jourdain (CAQ)

Élue dans Duplessis avec 45,14 % des votes

La caquiste Kateri Champagne Jourdain est devenue lundi soir la première femme autochtone élue à l’Assemblée nationale, en étant victorieuse dans Duplessis, sur la Côte-Nord. « Ça me remplit d’une fierté immense, que je partage avec tous ceux qui ont fait des sacrifices avant moi pour que je puisse être ici. J’espère que ma venue va inspirer d’autres jeunes autochtones, surtout des jeunes femmes, à poursuivre leurs rêves, leurs ambitions », confie-t-elle.

Dans l’immédiat, sa priorité sera de « former une équipe solide » pour l’accompagner dans la transition avec Lorraine Richard, députée péquiste sortante qui avait annoncé quitter la politique en janvier dernier.

Mme Champagne Jourdain, qui a notamment œuvré sur plusieurs projets d’envergure, dont Apuiat et les Galeries montagnaises à Sept-Îles, ne ferme pas la porte à un poste de ministre que plusieurs observateurs lui prévoient au sein du gouvernement Legault. Mais a priori, elle ne souhaite pas hériter du poste de ministre responsable des Affaires autochtones.

« De nombreuses avancées »

« M. Lafrenière a fait un travail incroyable pour créer des liens avec les communautés autochtones. Il les a visitées les 55. Il y a eu de nombreuses avancées faites sous M. Lafrenière. Et je crois que dans une perspective de dialogue nation à nation, ça prend des représentants des deux nations. Je trouve que la formule, elle est bien comme elle est actuellement », a-t-elle commenté à ce sujet.

Cela dit, « si des responsabilités arrivent, je vais certainement être en mesure de les relever », ajoute-t-elle en référence à un poste de ministre.

Au total, neuf candidats autochtones étaient sur les rangs lors de ces élections. « Ça aurait été bien d’avoir d’autres collègues autochtones à l’Assemblée. Je le souhaite que ça arrive. Le Québec est prêt pour ça », croit Mme Champagne Jourdain.

Alejandra Zaga Mendez (QS)

Élue dans Verdun avec 30,75 % des votes

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Alejandra Zaga Mendez

La soirée électorale a été longue pour Alejandra Zaga Mendez, élue avec un peu moins de 500 voix d’avance sur sa rivale, la libérale Isabelle Melançon, détrônée du château fort de Verdun que détenait le parti depuis sa création, en 1966. Mais elle a aussi été vécue en solitaire par la candidate en raison d’un test positif à la COVID-19 quelques jours auparavant.

Malgré tout, Mme Zaga Mendez confie qu’elle se souviendra d’une soirée « chargée en émotion ».

Ex-représentante de QS dans Bourassa-Sauvé, Alejandra Zaga Mendez a été élue en novembre dernier à la présidence du parti, rôle dans lequel elle était appelée à prendre part à la confection de la stratégie politique de Québec. Elle est titulaire d’un doctorat en développement durable et conservation.

L’environnement dans la ligne de mire

Impliquée à Québec solidaire depuis « 12 à 13 » ans, cette Péruvienne d’origine ayant déménagé au Québec à l’âge de 14 ans, alors qu’elle ne parlait pas français, plaide aujourd’hui pour le projet de pays indépendant et « inclusif » mis de l’avant par la formation politique de gauche.

Surtout, la nouvelle députée espère parler d’environnement à l’Assemblée nationale, où elle souhaite que son parti occupe « un rôle essentiel en ce qui a trait à la lutte contre les changements climatiques ».

« De façon plus locale, un des engagements que j’ai pris, c’est de m’attaquer à la crise du logement », précise-t-elle également à propos de cet enjeu qui a retenu l’attention dans Verdun, quartier où elle a emménagé il y a un an de cela, après avoir roulé sa bosse au gré de ses études universitaires en Angleterre et au Mexique, notamment.

Virginie Dufour (PLQ)

Élue dans Mille-Îles avec 32,28 % des votes

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Virginie Dufour

Conseillère municipale et membre du comité exécutif de la Ville de Laval pendant huit ans, la libérale Virginie Dufour fait son entrée sur la scène politique provinciale dans la circonscription de Mille-Îles, dans l’est de Laval.

« J’ai beaucoup de choses à apprendre », avoue d’emblée celle qui en sera à ses premiers pas à l’Assemblée nationale dans quelques jours. Elle espère toutefois pouvoir mettre à profit son passé municipal : elle a notamment été responsable des dossiers de l’environnement et de l’aménagement du territoire à la Ville de Laval, en plus d’être présidente de l’Association québécoise de l’urbanisme. Elle dit d’ailleurs avoir « appliqué la formule du municipal » pour remporter son siège, soit de « faire une campagne très terrain ».

Durant la campagne, Mme Dufour s’était ravisée, elle qui avait affirmé quelques mois avant dans un congrès que la CAQ est « le parti qui en fait le plus en environnement ». Dorénavant, elle soutient que l’« entêtement » de la CAQ au sujet du troisième lien l’a fait changer d’idée et l’a poussée à porter les couleurs libérales.

Trois engagements

Pendant son mandat, Mme Dufour veut rapidement concrétiser trois engagements : la mise en valeur des berges, un financement accru des organismes communautaires et l’investissement dans les transports en commun « encore inaccessible » de l’est de Laval.

Même si elle sera dans l’opposition, la principale intéressée assure pouvoir engendrer ces changements. « Dans une plus petite équipe, les décisions sont moins centralisées à deux ou trois personnes. À une vingtaine de députés, j’ai confiance qu’on pourra tous participer », lance-t-elle.

Selon elle, la flamme libérale « est toujours là à Laval ». « La division du vote de l’opposition, le PLQ en a un peu écopé. S’il n’y avait pas eu cinq partis, je n’ai aucun doute que mon collègue Saul Polo [dans Laval-des-Rapides] aurait été élu. Et je pourrais continuer comme ça », note-t-elle.

Céline Haytayan (CAQ)

Élue dans Laval-des-Rapides avec 31,90 % des votes

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Céline Haytayan

Élue par une avance d’un millier de voix lundi soir dans la circonscription de Laval-des-Rapides, Mme Haytayan fait partie d’un contingent de trois nouvelles élues lavalloises. Jointe mardi, au lendemain d’une soirée « pleine d’émotion » où elle a pourtant mené du début à la fin, la nouvelle élue précise avoir attendu la confirmation finale de sa victoire jusqu’au petit matin.

Stratège et gestionnaire de renom, Céline Haytayan cumule plus de 20 années d’expérience en développement économique national et international. Auparavant secrétaire corporative adjointe et membre du conseil d’administration de Montréal International, où elle a travaillé brièvement avec la cheffe libérale et ancienne présidente de la CAQ, Dominique Anglade, Céline Haytayan occupait jusqu’à lundi le poste de responsable des affaires corporatives internationales chez Ubisoft.

« Deux mondes »

Or, la nouvelle élue confie que ce n’est que récemment qu’elle a décidé de se lancer en politique active. « Je n’avais jamais prévu me présenter en politique. Par contre, j’ai toujours été politisée, ça m’a toujours intéressée et l’engagement [en politique], ça a toujours été une cause noble pour moi. Mais entre être politisée et être en politique active, c’est deux mondes », lance-t-elle, en entrevue.

Ayant grandi non loin de la circonscription de Laval-des-Rapides, où elle a passé une bonne partie de son enfance et de son adolescence, et où plusieurs de ses amis résident toujours, le choix de s’y présenter n’a pas été très difficile.

Dans son nouveau rôle de députée, elle souhaite aider à réparer le système de santé, entre autres, par la réfection de l’hôpital de la Cité-de-la-Santé, situé dans sa circonscription. « Développer des activités sportives pour les jeunes afin de prévenir tout ce qui est violence, c’est un enjeu », insiste-t-elle également, alors que les crimes par arme à feu se répètent dans ce secteur de l’île Jésus.

Madwa Nika-Cadet (PLQ)

Élue dans Bourassa-Sauvé avec 40,13 % des votes

PHOTO PAUL CHIASSON, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Madwa Nika-Cadet (à gauche) avec Dominique Anglade et Filomena Rotiroti

L’avocate de 32 ans Madwa Nika-Cadet a réussi son pari : grâce à elle, les libéraux conservent Bourassa-Sauvé, dans le nord de Montréal, là où le parti règne en roi et maître depuis 2001. Militante libérale depuis 2008, la principale intéressée affirme que son rôle sera de déterminer « comment renouveler de nouveau le Parti libéral », qui a subi une dégelée lundi soir.

« Je me pince encore, c’est un peu surréel », confie-t-elle d’emblée, à peine remise de ses émotions. « Il faut continuer à nous faire connaître auprès d’une nouvelle génération d’électeurs, leur démontrer quelles sont nos idées, notre proposition politique », poursuit celle qui est aussi devenue mère il y a huit mois.

Ses priorités pour Bourassa-Sauvé sont multiples, mais « la plus importante » sera d’investir davantage en prévention contre la violence armée, un phénomène devenu la préoccupation de tous dans Montréal-Nord notamment. « Une autre grande priorité en santé, ça sera de livrer un nouveau point de service dans le centre-est de Montréal-Nord et d’avoir plus d’infrastructures de sport pour nos jeunes », confie Mme Nika-Cadet.

Celle-ci est diplômée en droit de l’Université de Sherbrooke et détient une maîtrise en politiques publiques de l’Université Georgetown, à Washington. Par le passé, elle a notamment été analyste politique à la Banque mondiale et conseillère pour le ministre libéral François-Philippe Champagne sur la scène fédérale.

En août, Mme Nika-Cadet avait remporté une investiture libérale chaudement disputée dans Bourassa-Sauvé à l’issue de trois tours, contre notamment la conseillère municipale Chantal Rossi.

Yannick Gagnon (CAQ)

Élu dans Jonquière avec 59,39 % des votes

PHOTO ROCKET LAVOIE, LE QUOTIDIEN

Yannick Gagnon

Plus jeune directeur général nommé à la tête d’un Patro de l’histoire du Canada, Yannick Gagnon se décrit comme « un produit » de cette chaîne d’organismes caritatifs dont il a grimpé les échelons depuis son tout jeune âge. C’est dans ce rôle qu’il a rencontré pour la première fois le chef de la CAQ, François Legault, lors d’une visite du premier ministre à Jonquière en 2018. Ce dernier s’était alors engagé à égaler le montant récolté par le Patro en vue de la construction d’un nouveau gymnase.

« Quand je lui ai dit le chiffre, il a fait un peu le saut : on avait amassé 2,16 millions », se souvient le Jonquiérois. La CAQ a tout de même rempli son engagement en remettant la même somme au Patro. A découlé de cette rencontre une invitation de M. Legault à se joindre à l’équipe de la CAQ.

Successeur de Sylvain Gaudreault

Le suspense a été de courte durée lundi soir dans Jonquière, dernier bastion du Parti québécois au Saguenay–Lac-Saint-Jean, détenu jusqu’ici par le député sortant Sylvain Gaudreault. C’est d’ailleurs ce dernier qui a appris la nouvelle de son élection à Yannick Gagnon.

« Ç’a été un beau moment, indique le nouvel élu. J’étais au Patro depuis 16 ans, et lui, député [de Jonquière] depuis 15 ans. Il m’a appelé pour me féliciter et je lui ai répondu : “Merci, Sylvain, mais c’est un peu tôt, il me semble.” Mais c’était vrai, je venais de l’emporter », raconte-t-il.

Avec la région maintenant peinturée au complet de bleu poudre, Yannick Gagnon souhaite se joindre à ses collègues du Saguenay–Lac-Saint-Jean afin de proposer à leurs concitoyens « une autoroute pour traverser le parc [des Laurentides] et se rendre à l’Assemblée nationale ». De par son expérience dans le milieu communautaire, Yannick Gagnon souhaite mettre de l’avant les enjeux de « concertation locale » et « sa couleur », lui qui est issu du milieu communautaire.