(Saint-François-de-l’Île-d’Orléans) Après avoir décroché le mandat fort qu’il voulait, François Legault passe à la deuxième étape de son plan : tendre la main à l’opposition et mobiliser les Québécois afin de faire « mousser » sa demande à Ottawa pour obtenir plus de pouvoirs en matière d’immigration et « arrêter le déclin du français ».

François Legault a choisi de tenir sa première conférence de presse après sa réélection sur la terre de Félix Leclerc, l’Île-d’Orléans. « Vous allez excuser ma voix, on a fêté un peu (lundi) soir », a-t-il dit d’entrée de jeu à la Seigneurie de l’Île-d’Orléans.

Reprenant son intention de représenter et rassembler tous les Québécois, le premier ministre s’est dit prêt à entendre les « suggestions » des partis d’opposition dans différents domaines, y compris celles du Parti conservateur du Québec au sujet de l’amélioration de l’efficacité de l’État. Il écarte toutefois l’idée d’ouvrir les portes du parlement au chef conservateur Éric Duhaime pour lui permettre de tenir des points de presse alors que son parti n’a aucun élu. Il se dit ouvert à reconnaître le Parti québécois comme groupe parlementaire reconnu à l’Assemblée nationale même s’il ne compte que trois députés, dont le chef Paul St-Pierre Plamondon.

Mais il est hors de question pour François Legault, comme il l’avait dit en campagne électorale, de rouvrir le débat sur une réforme du mode de scrutin, malgré les distorsions dans les résultats électoraux. « Je vais respecter mon engagement », a-t-il martelé. « Aucun mode de scrutin n’est parfait. […] On a eu 41 % du vote et notre adversaire le plus proche a eu 15 %. Il faut garder ça en tête. » En 2018, il avait promis une réforme, mais il avait rompu son engagement après le dépôt d’un projet de loi.

Il ouvre la porte à une réforme parlementaire – un dossier tombé dans l’oubli au cours du premier mandat. Son objectif est d’« améliorer le rôle » de tous les députés. Ceux de l’opposition comme ceux du gouvernement. Il a le défi de former un conseil des ministres avec 90 députés – il n’a pas donné de date pour l’annonce ni pour son discours d’ouverture de la session parlementaire.

Le raz-de-marée caquiste n’a pas atteint Montréal, où la CAQ n’a toujours que deux députés. « Le premier ministre habite à Montréal, je viens de Montréal, je connais, et j’aime Montréal », a insisté François Legault, disant avoir de bonnes relations avec la mairesse Valérie Plante et soulignant la forte représentation caquiste dans la communauté métropolitaine. « Je sens que je peux contribuer personnellement à rapprocher notre gouvernement de Montréal. Je ne sais pas si ce sera formel ou informel, mais ce sera certain que je vais m’impliquer. »

Comme promis, son premier projet de loi plafonnera la hausse des tarifs gouvernementaux à 3 % ou à l’inflation si elle est inférieure. Des chèques de 400 $ à 600 $ seront envoyés en décembre pour aider les Québécois gagnant moins de 100 000 $ par année à faire face à la hausse exceptionnelle du coût de la vie.

Dès lundi soir, le premier ministre québécois a eu un entretien avec son homologue fédéral Justin Trudeau au cours duquel les deux hommes sont allés un peu plus loin que les félicitations et les remerciements d’usage. Il lui a fait part, sans entrer dans les détails, de sa « priorité » dans les relations avec Ottawa : il n’a pas parlé d’une hausse des transferts en santé, mais bien de la nécessité de protéger davantage la langue française. Pour M. Legault, cela passe par un contrôle par Québec de la sélection des nouveaux arrivants issus des programmes de réunification familiale et des travailleurs étrangers temporaires, une prérogative appartenant au fédéral en ce moment.

« J’ai dit à M. Trudeau, il faut arrêter le déclin du français au Québec. Comment on s’y prend, on s’assoira et on en discutera. Ce n’était pas l’occasion d’avoir une longue discussion sur le comment. Mais j’espère être capable, et il y avait une ouverture, à ce qu’on se rencontre et qu’on en parle. » Aucune date n’a été fixée.

Son mandat fort, « ça aide » pour obtenir gain de cause. Mais « nous avons encore du travail à faire pour s’assurer que non seulement (la demande) est appuyée par une majorité de Québécois, mais que ça devienne une réelle priorité pour tous les Québécois d’arrêter le déclin du français. Nous sommes dans la bonne direction, mais il reste du travail à faire pour convaincre le fédéral de donner plus de pouvoirs pour sélectionner les immigrants », a-t-il expliqué. Tout en rappelant que « le sujet est délicat », il entend rencontrer entre autres « les différentes communautés (anglophone) culturelles et voir comment on peut ensemble travailler à protéger le français et à ce qu’ils se sentent bien au Québec ».

Il entend consulter les partis d’opposition afin de définir les moyens pour mobiliser les Québécois autour de l’enjeu et augmenter le rapport de force du Québec. Il n’écarte aucun scénario comme la tenue d’États généraux ou d’une commission de style Bélanger-Campeau. En campagne électorale, il n’excluait pas un référendum sectoriel – une mesure qui serait fort inusitée.

« Il n’y a rien pour l’instant de décider. On va d’abord en parler avec les partis d’opposition. Mais l’idée, effectivement, c’est non seulement d’être certain qu’on a une majorité de Québécois qui approuvent, appuient les efforts pour arrêter le déclin du français, mais il faut que ça devienne une priorité, incluant dans la prochaine élection fédérale. Il faut que les chefs qui se présentent dans la prochaine élection fédérale disent : moi si je veux l’appui des Québécois, il faut que je sois ouvert à mettre en place des mesures pour arrêter le déclin du français. Donc comment on mousser ça ? Il y a plusieurs façons de le faire. »

Justin Trudeau refuse jusqu’ici de céder des pouvoirs à Québec en matière d’immigration.