(Rouyn-Noranda) François Legault s’est emporté contre un animateur de radio de Radio-Canada à Rouyn-Noranda jeudi matin, l’accusant de dire des faussetés au sujet des émissions d’arsenic de la Fonderie Horne. Le chef caquiste a répondu à cet animateur que ce n’est pas lui qui prendra la décision sur le seuil à respecter, mais bien la population locale. « Si la majorité de la population veut fermer l’usine, on va fermer l’usine », a-t-il lâché, courroucé.

La table est mise pour la visite du chef caquiste à Rouyn-Noranda jeudi. La veille, à Montréal, il soutenait que la situation « n’est pas aussi dramatique que certains le disent ».

Jeudi matin, M. Legault a accordé une entrevue à l’animateur David Chabot de Radio-Canada. Notons qu’il avait refusé cette entrevue au départ pour ensuite se raviser. Évidemment, le dossier de la Fonderie Horne était en tête de liste des sujets abordés.

François Legault a fait valoir que la Santé publique a recommandé que la fonderie de la multinationale de Glencore abaisse, d’ici cinq ans, ses émissions d’arsenic à 15 nanogrammes par mètre cube d’air – c’est tout de même cinq fois plus élevé que la norme québécoise. Le gouvernement approuve cette recommandation. La fonderie avait jusqu’ici l’autorisation de rejeter dans l’air jusqu’à 100 nanogrammes d’arsenic.

« C’est vrai qu’il y a un risque à ces niveaux-là. La Santé publique dit qu’à 15 nanogrammes, on ne parle plus de ces risques-là. Donc, je pense qu’il faut dire la vérité à la population, arrêter d’essayer de tordre les données et les faits. À 15 nanogrammes, la Santé publique dit que c’est un risque minime, c’est un niveau acceptable. Ce n’est pas idéal ; l’idéal, c’est 3 nanogrammes », la norme québécoise, a affirmé M. Legault.

Il s’en est pris à l’animateur lorsque celui-ci a déclaré que le seuil de 15 nanogrammes est « peut-être davantage sécuritaire » - « je vais peser mes mots », a ajouté M. Chabot.

« Là encore, ce n’est pas exact, ce que vous venez de dire. Vous avez dit davantage acceptable, ce n’est pas ce que la Santé publique dit. La Santé publique dit acceptable, elle ne dit pas davantage acceptable. C’est parce que là, M. Chabot, vous dites des choses qui sont fausses », a-t-il lancé, répétant ensuite à plusieurs reprises que les propos de l’animateur sont « faux ».

Lorsque M. Chabot lui a rappelé la sortie de trois médecins réfutant ses déclarations selon lesquelles la situation est sécuritaire à Rouyn-Noranda, M. Legault a vu rouge encore. « Oui, mais beaucoup de citoyens ne sont pas d’accord avec les médecins. Ce que dit la Santé publique, c’est que c’est un niveau acceptable, le 15 nanogrammes. Il faut dire la vérité, M. Chabot ! »

« C’est votre vérité, pas celle de médecins », a mentionné l’animateur. « C’est faux ! », a répliqué M. Legault.

Selon le chef caquiste, c’est aux citoyens de Rouyn-Noranda – « pas Gabriel Nadeau-Dubois de Montréal », « pas M. Chabot », « pas quelques médecins », ni « des groupes de pression » – qui doivent prendre une décision.

« Il y a beaucoup d’emplois bien payés [à la Fonderie]. Peut-être que la santé mentale des gens serait plus affectée à 15 nanogrammes que la santé physique. C’est aux citoyens de Rouyn-Noranda de décider », a-t-il soutenu. Une consultation est en cours.

M. Legault a repris les arguments de Glencore voulant que ce soit « impossible techniquement » d’arriver à la norme de 3 nanogrammes. « Mais si la majorité de la population veut fermer l’usine, on va fermer l’usine. Ça ne peut pas être plus clair », a-t-il lâché. Le chef caquiste rencontrera des représentants du conseil municipal plus tard jeudi.

La Direction de santé publique de l’Abitibi-Témiscamingue a publié en mai 2022 des données alarmantes sur l’état de santé des habitants du quartier Notre-Dame, voisin de la Fonderie Horne. Il y a plus de cancers du poumon, mais aussi plus de maladies pulmonaires obstructives chroniques, plus de naissances de bébés de faible poids et une espérance de vie réduite de cinq ans par rapport à l’ensemble des Québécois.

De plus, selon un rapport de l’Institut national de santé publique du Québec publié en juillet, « les émissions historiques d’arsenic et de cadmium de la Fonderie Horne sont associées à un risque estimé accru de cancer dépassant le seuil de risque considéré comme négligeable au Québec ». Le niveau actuel des émissions « n’est pas tolérable », affirmait le directeur national de santé publique, le DLuc Boileau. Il disait qu’un seuil de 15 nanogrammes est « acceptable » dans le cadre d’une transition vers la norme de 3 nanogrammes.

Dans un communiqué diffusé mardi, les médecins Frédéric Bonin, Marie-Pier Lemieux et Clodel Naud-Bellavance ont tenu à « rectifier des faits importants dans le dossier de la qualité de l’air à Rouyn-Noranda ». Ils se disent « préoccupés » par les propos de M. Legault voulant que « la Santé publique dit que c’est sécuritaire ». Ce n’est pas ce qu’a dit la Santé publique, insistent-ils.

Tant que la norme québécoise ne sera pas respectée, « il y aurait à Rouyn-Noranda davantage de retards de croissance intra-utérins et de bébés de faible poids, plus de risques pour les enfants d’avoir des impacts neurodéveloppementaux (baisses de QI, troubles d’apprentissage) et plus de risque de développer un cancer, particulièrement pour les enfants, car le risque cumulatif est plus grand », affirment les trois médecins. Ramener les émissions d’arsenic à 15 ng/m⁠3 ne rendrait pas la situation sécuritaire, selon eux. Ils demandent une rencontre avec M. Legault lors de son passage à Rouyn-Noranda jeudi « pour lui présenter ces données importantes et lui permettre de prendre la juste mesure de la situation environnementale actuelle à Rouyn-Noranda ».

Nadeau-Dubois accuse Legault de mentir

En conférence de presse à Montréal, le co-porte-parole de Québec solidaire (QS), Gabriel Nadeau-Dubois, a accusé François Legault de mentir à la population de Rouyn-Noranda et de présenter un plan concernant la fonderie qui met en danger la santé des citoyens.

« François Legault continue de faire de la désinformation auprès des Québécois. La vérité, c’est important. François Legault ne dit pas la vérité aux gens de Rouyn-Noranda », a dit M. Nadeau-Dubois, dont le parti propose d’imposer à la Fonderie Horne qu’elle respecte la norme québécoise d’émissions d’arsenic d’ici quatre ans.

« Les gens de Rouyn-Noranda, c’est pas des citoyens de seconde zone. Ils ont les mêmes droits que vous et moi de sortir et de sentir que l’air qu’ils respirent ne les tuera pas », a-t-il ajouté.

« C’est sa manière d’être », déplore Dominique Anglade

La cheffe libérale Dominique Anglade n’est pas étonnée de voir son adversaire caquiste perdre patience de la sorte. « Vous avez dit perdu patience ? Le mot est faible », a-t-elle décoché jeudi. « Ce que vous avez entendu aujourd’hui, c’est François Legault. C’est François Legault qui n’aime pas être critiqué, c’est François Legault qui n’aime pas être contesté, qui n’écoute pas la science, c’est François Legault qui divise. Je ne serai jamais un leader comme ça », a-t-elle ajouté en conférence de presse à Brossard.

Celle qui a été la présidente de la Coalition avenir Québec de 2012 à 2013 estime que « ce que vous avez vu et entendu à la radio aujourd’hui », c’est la « manière d’être » de François Legault. « Sa gestion par décrets, cette façon d’imposer des choses, de dire qu’il collabore, mais ce n’est pas vrai. Ce n’est pas vrai », a indiqué la cheffe du Parti libéral du Québec.

Avec Hugo Pilon-Larose et Fanny Lévesque