(Orford) Pour la deuxième fois de la campagne électorale, François Legault a présenté des excuses pour des propos controversés. Il les a offertes cette fois à Carol Dubé, conjoint de Joyce Echaquan, cette mère de sept enfants morte sous une pluie d’insultes racistes à l’hôpital de Joliette en 2020.

Lors du Face-à-Face jeudi soir dernier, François Legault avait soutenu que « le problème qui est arrivé avec Mme Joyce à l’hôpital de Joliette est maintenant réglé ». Cette déclaration avait soulevé la colère de la Nation atikamekw.

La famille de Mme Echaquan s’était dite stupéfaite que M. Legault ait appuyé ses dires en faisant valoir qu’il avait rencontré Carol Dubé. Ils s’étaient plutôt croisés de manière fortuite lors de la visite du pape. Ils avaient discuté moins d’une minute.

Puis, samedi, François Legault avait accusé la communauté atikamekw et la famille de Mme Echaquan de vouloir « faire un débat de mots » sur le racisme systémique plutôt que de « régler les problèmes sur le terrain ».

Carol Dubé a témoigné de son indignation dans une entrevue accordée à La Presse et publiée mardi. Il a reproché au premier ministre de lui avoir mis des mots dans la bouche. « Il a profité de mon silence », a-t-il déploré, ajoutant que les choses n’avaient pas vraiment changé deux ans après la mort de sa conjointe.

Lisez la chronique « “Il a profité de mon silence” »

Lors d’un point de presse à Orford mardi, François Legault n’a pas attendu la période des questions pour réagir à la sortie de M. Dubé. Il s’est adressé directement à lui devant les caméras.

« Ce que vous avez vécu, monsieur Dubé, vous et votre famille, c’est dramatique. C’est d’une grande tristesse. La semaine dernière au débat, je vous crois sur parole, je vous ai heurté et je m’en excuse sincèrement », a-t-il affirmé. « J’espère avoir l’occasion après les élections de vous rencontrer et d’être capable d’échanger. Parce que je peux imaginer comment ça doit être dur de vivre ce que vous avez vécu. »

Maintenant, ce que j’essayais de faire au débat, c’est d’expliquer comment on veut, à la CAQ, lutter contre le racisme. Il y a encore du racisme au Québec, en particulier contre les Autochtones. C’est inacceptable.

François Legault, chef de la Coalition avenir Québec

De l’avis du premier ministre, « la situation s’est beaucoup améliorée à Joliette ». « Et je pense qu’il faut que tout le monde le reconnaisse », a-t-il poursuivi.

« Je me suis assuré avec la présidente du CISSS [de Lanaudière] que la situation s’était beaucoup améliorée. C’est ce que j’essayais de dire, peut-être maladroitement. Mais je voulais quand même dire que notre démarche est sérieuse. Et je veux aussi dire à M. Dubé et à tous les Autochtones que je suis très conscient qu’il y a encore des problèmes à régler. »

Selon M. Legault, « ce qu’il est important de dire, au-delà des débats de concept, c’est qu’il y a des personnes racistes au Québec, en particulier envers les Autochtones, et il faut combattre ça. C’est ce qu’on a fait concrètement depuis quatre ans ».

« Un gars plutôt direct »

Le chef caquiste ne semble pas avoir l’intention de participer à la cérémonie à la mémoire de Joyce Echaquan le 28 septembre. Sans décliner formellement l’invitation, le chef caquiste a fait savoir qu’il ne voudrait pas être une source de « distraction » pendant ce « moment important de recueillement ».

Plus tôt dans la campagne, François Legault avait présenté des excuses après avoir associé immigration et violence. Dans les deux cas, on parle d’« un sujet délicat, et moi, je suis un gars plutôt direct. Des fois, ça peut être mal interprété », avait-il dit pour expliquer la situation.

En marge d’un débat sur les enjeux autochtones organisé par l’Association des Premières Nations Québec-Labrador (APNQL), mardi soir, le ministre sortant Ian Lafrenière a indiqué qu’il serait, lui, de la cérémonie du 28 septembre prochain.

M. Lafrenière a défendu la déclaration controversée de son chef lors du premier débat des chefs.

Lutter contre le racisme, c’est une job d’une vie […]. On ne pourra jamais dire que c’est terminé. Mais est-ce que c’est réglé, est-ce qu’il y a un plan qui a été mis en place à l’hôpital de Joliette ? La réponse, c’est oui.

Ian Lafrenière, ministre responsable des Affaires autochtones sortant

Le chef de l’APNQL, Ghislain Picard, a déploré de son côté que les enjeux autochtones soient seulement abordés dans le cadre des « dérapages » du chef de la CAQ.

« C’est toujours un peu par accident, alors que les partis, surtout dans un contexte où les partis présentent un nombre record de candidats [autochtones], ça aurait dû les amener à se prononcer de façon un peu plus claire sur leurs intentions, mais ce n’est pas ce qu’on voit », a-t-il dit.

« Elle est où, l’humanité ? »

La cheffe du Parti libéral, Dominique Anglade, s’est dite « extrêmement choquée » d’apprendre dans La Presse mardi que M. Dubé espérait un entretien avec M. Legault depuis deux ans.

« Je me mets à la place de Carol Dubé. Si demain matin, je décédais et que mon mari disait : “Je veux juste avoir une conversation avec le premier ministre du Québec”, que ça pourrait faire du bien à cette personne-là dans les conditions absolument épouvantables où je serais décédée, et qu’on dise non… Elle est où, l’humanité ? Elle est où, l’humanité ? C’est la base de tout », a déploré Mme Anglade.

« Ce qu’il a dit au débat des chefs, c’est que c’était réglé. Et ça, ce n’est pas juste déconnecté, c’est un manque de compassion », a dénoncé de son côté le chef parlementaire de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois.

Avec la collaboration de Vincent Larin, Fanny Lévesque et Hugo Pilon-Larose, La Presse