En pleine crise du logement et alors que la question d’un dépôt de garantie pour les locations est vivement débattue, la remise en cause de la possibilité d’interdire les animaux de compagnie dans les logements locatifs suscite encore les passions. Cet enjeu a ainsi coiffé le tout premier débat électoral provincial organisé par la Société pour la prévention de la cruauté envers les animaux (SPCA Montréal), qui a invité des candidats des principaux partis à débattre et s’engager sur divers thèmes de société liés aux animaux.

La possibilité pour un propriétaire d’interdire la présence d’animaux de compagnie dans un logement locatif met des bâtons dans les pattes de certains aspirants locataires cherchant à se loger en compagnie de leurs protégés. Alors que la rareté des logements s’est amplifiée, les foyers québécois sont plus nombreux que jamais à accueillir un animal domestique (la proportion a récemment atteint un foyer sur deux), ce qui entraîne des débats sur la remise en question de ce droit de refus, les propriétaires craignant de se voir imposer la gestion d’éventuels dégâts ou de devoir régler des conflits entre locataires.

Le FRAPRU (Front d’action populaire en réaménagement urbain) dit avoir été témoin des difficultés de locataires pour se loger avec leur animal, et ce, même quand celui-ci a une fonction d’assistance.

« On est très préoccupés par cette question », souligne Véronique Laflamme, porte-parole de cet organisme militant pour le droit au logement.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE

Véronique Laflamme, porte-parole du FRAPRU

Avec la rareté des logements locatifs, c’est un frein de plus qui s’ajoute à l’accès au logement. Les locataires ont souvent très peu de choix et doivent parfois se séparer de leur animal.

Véronique Laflamme, porte-parole du FRAPRU

L’Ontario, où il est « interdit d’interdire » les animaux dans les logis, est par ailleurs souvent cité en exemple. La loi ontarienne prévoit toutefois des exceptions en cas d’allergies sévères ou de problèmes de sécurité. Elle autorise aussi un mécanisme de paiement d’avance du loyer — ce dépôt de garantie ne peut cependant être utilisé pour réparer des dommages.

De son côté, la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ) s’oppose à ce qu’un propriétaire ne puisse plus interdire un animal dans un bail : « On ne peut pas adhérer à une proposition qui imposerait le droit de tous les locataires d’avoir un animal dans un logement, parce qu’on pense que cela porte un préjudice aux propriétaires, mais aussi aux autres locataires. On préfère qu’il y ait plutôt de la sensibilisation, la recherche de compromis », tranche Marc-André Plante, porte-parole de la CORPIQ. Il rappelle que 25 % des propriétaires québécois autorisent actuellement, à divers degrés, les animaux dans les logements. Il souligne également que la présence d’animaux peut être une source de conflits entre locataires (allergies, bruit, sécurité…) — la loi actuelle permettant à un propriétaire d’arbitrer, au cas par cas, entre le droit d’avoir un animal et celui, pour les locataires voisins, actuels ou futurs, de ne pas en subir les conséquences.

Des avis de tous poils

C’est entre autres sur cette question aussi épineuse qu’un hérisson que les participants au débat de la SPCA Montréal se sont exprimés, cette semaine. Tour à tour, des représentants des partis ayant actuellement au moins un député à l’Assemblée — seule la CAQ n’a pas donné suite à l’invitation — ont pris des engagements et exposé leurs points de vue.

La candidate du Parti québécois (PQ) dans Saint-François, Sylvie Tanguay, a ouvert le bal, jugeant « inacceptable » l’existence de la loi permettant cette interdiction. « Au Parti québécois, on s’engage à modifier cette loi-là sur le Code civil au niveau des baux », a affirmé cette aide-infirmière-chef en pédiatrie, qui assume aussi parfaitement son quolibet de « folle aux chats » accolé par son entourage. Elle a également précisé avoir déjà été propriétaire d’un immeuble à revenus et permis à ses locataires d’y loger des animaux.

Ce fut ensuite au tour de Claude Lefrançois, candidate pour Québec solidaire (QS) dans Laporte, vétérinaire depuis 42 ans, de souligner l’engagement de son parti. « Manon Massé avait parrainé une pétition [à ce sujet] qui avait recueilli plus de 40 000 signatures », a déclaré cette dernière.

Les animaux inclus dans les baux, c’est dans notre plateforme depuis au moins trois ans. Je pense entre autres aux personnes âgées qui doivent quitter leur maison pour aller en résidence [et se séparer de leur animal].

Claude Lefrançois, candidate pour QS et vétérinaire spécialisée dans les petits animaux

Des éléments de plan, dont la légalisation d’un dépôt de garantie au Québec, ont ensuite été proposés par Konstantinos Merakos, candidat du Parti conservateur du Québec (PCQ) dans Chomedey : « Je vois beaucoup de réticences de la part des propriétaires. Moi, je trouve que c’est une opportunité d’utiliser cette clause-là pour changer le statut et inclure le respect de la dignité de l’animal et augmenter [son] degré de sensibilité. Une fois cela fait, ça va être beaucoup plus facile de les inclure dans les logements », a avancé cet avocat, propriétaire de Whisky, un chien adopté à la SPCA.

Enfin, Jonathan Marleau, candidat du Parti libéral du Québec (PLQ) dans Maurice-Richard, veut quant à lui ménager la chèvre et le chou, entre inquiétudes des propriétaires et besoins des locataires. « On doit améliorer la situation, mais on veut être certains de bien le faire », a indiqué ce directeur d’institution financière. « On veut regarder les meilleures pratiques dans le monde, pour chercher un équilibre entre les préoccupations de toutes les parties engagées, mais aussi des animaux, pour s’assurer qu’on puisse répondre à leurs impératifs naturels dans un logement. »

Six enjeux abordés

Le débat organisé par la SPCA portait sur six autres enjeux brûlants : les chiens enchaînés, les fermes d’élevage d’animaux à fourrure (les quatre partis participants se sont engagés à les interdire), le bien-être des animaux destinés à la consommation, les normes anti-incendie dans les bâtiments d’élevage, la gestion responsable de la faune et la transition alimentaire ménageant plus de place au végétarisme. Il est possible de visionner la reprise de l’intégralité des échanges.

Visionnez l’intégralité du débat sur Facebook

Précision

Une version précédente de ce texte indiquait qu’un dépôt de garantie utilisable en cas de dommages causés par des animaux est légal en Ontario. Or la loi ontarienne permet seulement au propriétaire d’exiger le paiement du premier et du dernier loyer mensuel en avance. Nos excuses.