(Montréal, Lavaltrie) Paul St-Pierre Plamondon « ne change pas d’opinion », malgré les explications du caricaturiste, Jacques Goldstyn, alias Boris, qui cherchait à exposer le mépris de certains anglophones envers le projet d’indépendance. Son dessin a semé la controverse mardi et a obligé le rédacteur en chef du quotidien The Gazette a expliquer sa décision de le publier.

« On se dira que c’est l’art, hein ? Des fois, il y a des gens qui devant une peinture voient des choses, d’autres voient d’autres choses. On est dans une société d’expression, laissez-moi juste le droit de vraiment m’exprimer sur comment je réagis quand on urine sur la mémoire de René Lévesque », a expliqué le chef péquiste de passage à Lavaltrie, mardi après-midi.

Je vais toujours réagir vivement si un message ou une image littéralement urine sur la mémoire de René-Lévesque, je ne change pas d’opinion

Paul St-Pierre Plamondon, chef du Parti québécois

Un peu plus tôt en journée, le chef péquiste avait réagi avec force à la caricature publiée mardi dans The Montreal Gazette. On y voit une vieille dame qui tient un petit chien en laisse. L’animal à quatre pattes porte une veste arborant le drapeau canadien. Ce dernier urine alors sur une affiche posée au mur, et soulignant le 100anniversaire de René Lévesque.

L’auteur a fourni des explications à La Presse : « Pour moi, c’est une pauvre vieille Anglaise qui passe à côté d’une exposition sur René Lévesque et voilà, son chien témoigne de son mépris », a-t-il confié à la chroniqueuse, Isabelle Hachey. Il a aussi affirmé vouer une grande admiration à René Lévesque et qu’il avait même voté OUI lors des referendums sur la souveraineté.

Lisez la chronique d’Isabelle Hachey

Des explications de The Gazette

En fin de soirée, le rédacteur en chef du quotidien The Gazette, Bert Archer, est sorti de l’habituel devoir de réserve associé à sa fonction afin d’expliquer pourquoi il avait choisi de publier le dessin.

« La femme était le sujet de la caricature selon moi, pas Lévesque, mais ce qu’elle représente, le stéréotype d’une certaine classe d’anglophones intransigeants, ou simplement d’une génération qui n’existe presque plus à Montréal […]. J’ai cru que c’était elle et son ignorance insouciante qui étaient la cible de la satire, pas l’ancien premier ministre », a-t-il expliqué dans un billet publié sur le site du journal.

Reconnaissant qu’il s’agit d’une caricature « forte », Bert Archer estime que le dessin d’un chien en train d’uriner sur un portrait de René-Lévesque, un homme qui s’est « battu pour une vision de notre province que plusieurs ont fini par partager, d’une façon ou d’une autre », reste un « outrage ».

Au sujet des critiques tous azimuts qu’il a reçus, il ajoute : « que Lévesque aurait aimé voir un Québec qui est allé au-delà des dichotomies grossières, et dont nous sommes très fiers de faire partie ».

« Ce n’est pas comme ça que je l’ai vu »

Quant aux explications du caricaturiste, Paul St-Pierre Plamondon estime qu’elles sont « saisissantes », mais qu’il considère « qu’il est de bonne foi ». « Je le crois sur parole », a-t-il ajouté, indiquant ignorer son passé d’indépendantiste. « Ça adonne que son message c’est celui que je portais ce matin. Ça me surprend parce que moi, ce n’est pas comme ça que je l’ai vu », a admet le chef péquiste.

En avant-midi, Paul St-Pierre Plamondon s’était insurgé contre le dessin. « On célèbre le centième anniversaire de la vie d’un grand homme qui a prôné que le Québec devrait décider par lui-même et devenir enfin une société normale sur le plan démocratique, linguistique et culturel. Et cette caricature pisse dessus », a relaté avec émotions le chef péquiste.

Parce que selon l’interprétation du chef du PQ, l’image témoigne aussi d’un symptôme profond. « C’est le reflet d’un phénomène plus large qui s’appelle le Québec bashing, c’est le reflet de ce qui s’écrit régulièrement dans les médias du reste du Canada sur le dos, le compte du Québec et là, c’est la mémoire du fondateur de notre parti », a-t-il dit, ajoutant que le « fédéralisme aplaventrisme ça donne ça ».

De « très mauvais goût »

La controverse a forcé les autres chefs des formations politiques à se prononcer sur l’affaire. Paul St-Pierre Plamondon avait aussi invité sur Twitter ses adversaires à dénoncer la caricature. « C’est de très mauvais goût, de très mauvais goût. […] J’aimerais mieux ne pas voir ce genre de caricatures, mais bien sûr, nous sommes tous libres de dire ce qu’on pense », a déclaré le chef de la CAQ, François Legault.

Le chef conservateur a eu des propos similaires : « J’ai vu la caricature, je la trouve de mauvais goût surtout quelques jours après la commémoration que René Lévesque aurait eu 100 ans », a réagi Éric Duhaime. « Cela étant dit, je suis un quand même quelqu’un qui est un défenseur de la liberté d’expression. Je ne vais pas commencer à dire qu’il faut censurer les caricaturistes, loin de là. Personnellement, je ne l’ai pas trouvée drôle », a-t-il ajouté.

Le chef parlementaire de Québec solidaire a trouvé l’œuvre « franchement déplacée, de mauvais goût ». « On s’apprêtait à envoyer une réaction publique lorsque j’ai pris connaissance des explications du caricaturiste. C’est dommage qu’on ait alimenté comme ça pendant toute la journée des tensions autour d’une figure qui devrait rassembler les Québécois, la figure de René Lévesque », a déploré Gabriel Nadeau-Dubois.

Il estime qu’il « y a eu faute, il y a eu erreur » dans la publication de cette caricature parce que « personne ne l’a compris ». « Je trouve ça dommage les controverses comme ça autour d’un personnage qui, de manière générale, y compris au sein de la communauté anglophone, suscite une grande affection et un grand consensus », a-t-il dit.

Avec Hugo Pilon-Larose, Charles Lecavalier et Mylène Crête, La Presse

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