« Femme, vie, liberté », avons-nous scandé depuis les deux dernières années. La mort de Mahsa Amini et le mouvement des femmes iraniennes contre le voile obligatoire qui s’en est suivi ont marqué un tournant dans l’histoire d’un peuple pris en otage depuis 45 ans par un régime répressif.

Le monde allait enfin connaître la réalité des femmes, leurs luttes, les valeurs de liberté, d’égalité et de démocratie auxquelles elles aspirent.

Malheureusement, les récents évènements entourant le conflit avec Israël semblent marquer un retour en arrière : le peuple iranien a de nouveau le sentiment d’être assimilé aux actes de ses dirigeants.

Risque-t-il de se retrouver, encore, seul face à son destin ?

Je suis récemment tombée sur une vidéo TikTok où une jeune fille explique la différence entre le régime islamique en Iran et son peuple. Cela a fait ressurgir en moi un sentiment d’impuissance face à l’incompréhension occidentale de la situation iranienne. Ça m’a ramenée à l’époque où, plus jeune, habitant en France, la frustration m’envahissait en voyant les images des grandes manifestations de soutien au régime iranien.

Forcés de manifester

Je connaissais la réalité : le régime iranien excellait dans l’art de la propagande. En Iran, il était de notoriété publique que le régime obligeait les fonctionnaires à manifester, allant jusqu’à impliquer des écoliers sans l’accord de leurs parents.

Cette semaine encore, après l’attaque du régime iranien contre Israël, on pouvait lire dans les nouvelles internationales : « Les Iraniens en liesse après l’attaque ». Comme l’a si bien écrit la Prix Nobel de la paix de 2003, Shirin Ebadi, sur sa page Instagram : « La guerre contre Israël n’est pas celle du peuple iranien. » Pendant ce temps, le régime a augmenté sa répression contre les femmes non voilées. On pouvait lire le témoignage d’une femme cette semaine disant avoir été interpellée dans le métro de Téhéran par la police des mœurs, amenée de force et agressée sexuellement⁠1.

Loin de moi l’idée naïve de penser que le régime islamique n’a jamais eu d’appuis. Bien sûr qu’il en a eu et il en a encore. Il est très difficile de mesurer ces appuis sans l’aide de sondage sérieux.

Cela dit, un sondage réalisé en décembre 2022 par le Gamaan Institute, établi en Allemagne, concluait que 81 % des Iraniens interrogés à l’intérieur du pays étaient contre la République islamique⁠2.

Deux ans après la mort de Mahsa Amini et tout ce qui s’en est suivi, une question se pose : la communauté internationale a-t-elle décidé de s’accommoder du régime islamique et de préférer le statu quo ou va-t-elle avoir le courage de soutenir un mouvement pour l’égalité et la démocratie ?

On est en droit de se poser cette question, car la République islamique a été récemment nommée à des instances onusiennes telles que la conférence sur le désarmement qu’elle préside pour quelques sessions entre mars et mai 2024 !

Le régime continue aussi à jouir d’un appui moral de plusieurs personnalités qui voient dans la République islamique un symbole de lutte contre l’impérialisme américain. En réalité, le régime iranien a recréé un modèle hégémonique basé sur la religion, la corruption, l’apartheid des genres et le terrorisme international. Est-ce cela la réponse à la lutte contre les iniquités dans le monde ?

Le spectre d’une guerre avec Israël plane, et ce sont les civils qui en souffriront le plus. Aujourd’hui plus que jamais, il est crucial de penser avec rigueur et de séparer clairement le régime islamique de ses citoyens. Nous devons continuer à soutenir le mouvement pour les droits des femmes et appuyer des figures de la résistance comme Narges Mohammadi.

La communauté internationale se trouve face à une opportunité cruciale : soutenir concrètement l’Iran de demain. Il est temps d’agir et de fournir les ressources nécessaires pour aider le peuple iranien à construire un avenir au-delà de la République islamique.

1. Consultez le compte X Lettres de Téhéran 2. Lisez « Could a democracy movement ’led’ by Iran’s exiled prince Reza Pahlavi help free the country ? » (en anglais) Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue