Cowboy Fitzgibbon l’a décidé, alors tout le monde s’écrase net fret sec, les écolos avec.

Moyennant 7 milliards de dollars que nous lui gratifions, l’usine suédoise de batteries « vertes » Northvolt va s’installer dans la vallée du Saint-Laurent à l’endroit précis où, il y a quelques mois à peine, un projet domiciliaire a été rejeté par le ministère de l’Environnement parce qu’il aurait porté atteinte à la riche biodiversité des lieux. On parle de 74 milieux humides, devenus rares dans la vallée.

Mais malgré tout cet argent qui va pleuvoir sur la plaine, sa biodiversité devient tout d’un coup moins riche. En tout cas moins importante.

Assez que le ministre de l’Environnement, Benoît-la-Charette, n’écoutant que son instinct de survie politique et les ordres du Cowboy Fitzgibbon, accepte de truander une norme établie ici depuis 45 ans qui demande une étude environnementale exhaustive avant la réalisation d’un projet susceptible d’affecter la nature de façon sérieuse. Cette étude est menée par ce qu’on appelle le Bureau des audiences publiques en environnement (BAPE).

Matamore Fitzgibbon est pressé. « OK Benoît ! On va la faire, ton étude, mais après ! »

Après ? Au lieu d’une évaluation du monde vivant du futur site Northvolt, on aura donc droit à son autopsie. Aucune acceptabilité sociale ne peut résulter d’une telle démarche méprisante. Le promoteur a même déjà entrepris des travaux sur le terrain avant d’avoir obtenu les autorisations nécessaires !

La fin des BAPE

Si le choix de l’autopsie se confirme, ce sera la fin des BAPE. Les grandes rivières sauvages pourront être harnachées sans discussion. La grande industrie obtiendra ce dont elle rêve tout le temps et depuis toujours, un free for all pour faire ce qu’elle veut, où elle veut.

François-Philippe Champagne, notre ministre fédéral, a bien résumé le plan : « Quand c’est bon pour Ford, c’est bon pour à peu près tout le monde. »

L’Action boréale en Abitibi semble bien loin de la vallée du Saint-Laurent, vous direz peut-être, mais des gisements de lithium – nécessaires à la fabrication de batteries – dorment au Témiscamingue et tout près des eskers d’Amos. Ce sont des formations géologiques spéciales qui fournissent la meilleure eau du monde. Sans garde-fous conséquents pour la préserver, tout peut arriver. Notre histoire régionale nous a bien enseigné qu’au-dessus de la loi divine, y règne la loi des mines. Y règne toujours.

On se demande, à l’Action boréale, tout en lançant la question at large : pourquoi y a-t-il si peu de groupes à s’opposer à Northvolt ?

Où se trouve l’impressionnante mobilisation qui a réussi à bloquer le projet gazoduc jugé inutile dans cette même vallée ?

Ce qui nous inquiète particulièrement, c’est la réaction plus que timide des ténors de la conservation au Québec établis à Montréal, qui font généralement les manchettes quand on touche à une grenouille à Laval. Sur les sites officiels de Greenpeace, d’Équiterre, de la SNAP, de Nature Conservacy, de la Fondation privée Suzuki, du Front commun sur la transition énergétique – qui totalisent des centaines de milliers d’adhérents –on ne fait encore aucune mention du projet Northvolt… et encore moins d’un appel à la résistance. Qu’ont-ils à dire à leurs membres aujourd’hui ?

Ces grands groupes endosseraient-ils l’érection de ces usines d’assemblage de batteries supposément « vertes » mais éminemment contestables quant à leur efficience à réduire la contamination de la planète ?

Assiste-t-on, avec le temps passant, à une baisse de l’antagonisme naturel et historique entre l’État-Industrie et ces grands groupes ? Seraient-ils finalement reconnaissants pour les subventions et donations récurrentes dont ils profitent ? En retour d’ascenseur, ne constituent-ils pas aujourd’hui, un corps intermédiaire inédit entre le peuple et le gouvernement qui se fie sur ses nouveaux amis go-between pour faire passer l’inacceptable dans l’opinion publique ? Dont le projet Northvolt ?

Ces groupes ont choisi leur approche : le silence. L’Action boréale le déplore.