Le 30 novembre dernier, le ministre Drainville a donné son autorisation à la création d’un diplôme d’études supérieures spécialisées (D.E.S.S.) de 30 crédits menant à l’obtention d’un brevet d’enseignement. À titre d’étudiants et étudiantes universitaires, nous considérons cette annonce absolument scandaleuse et déplorable pour la communauté étudiante en éducation, mais aussi pour l’avenir de la profession enseignante.

Alors que des milliers d’enseignantes et enseignants en grève revendiquent de meilleures conditions de travail, le gouvernement profite de cette diversion pour adopter un projet de loi qui ne fait que dévaloriser davantage notre profession, une fois de plus. Personne n’a demandé à avoir un accès rapide au brevet d’enseignement. Personne. Ce n’est pas une réduction de la formation qui fera magiquement apparaître des enseignants pour pourvoir les postes vacants : c’est une amélioration des conditions de travail qui fera que les enseignants ne quitteront pas en pleine insertion professionnelle, mais plutôt après 30 ans de carrière.

Il est illusoire de croire qu’avec seulement 30 crédits universitaires, il sera possible de former des enseignants ayant le profil de sortie attendu par le ministère lui-même, soit le référentiel des 13 compétences.

Toutes les recherches récentes ont démontré qu’une formation initiale plus courte contribue au décrochage hâtif des enseignants en insertion professionnelle.

Une formation encore plus maigre n’est en aucun cas une solution pérenne à la pénurie actuelle et à la rétention du personnel. Au contraire, ce programme accéléré ne permettra pas de préparer adéquatement à la réalité du système scolaire. Il ne fera que réduire la qualité de la formation de nos professionnels en éducation, en plus d’alourdir la tâche d’enseignants d’expérience, obligés de pallier ce manque d’expertise.

De plus, n’oublions pas que des maîtrises qualifiantes, à la demande de ce même gouvernement, ont déjà été mises en place afin de former plus rapidement de futurs enseignants. Quel message le gouvernement envoie-t-il à toutes ces personnes inscrites dans ces programmes de deuxième cycle si un autre programme amoindri voit le jour ? Il est faux de croire que n’importe quel adulte peut se retrouver devant une classe, jour après jour, en maîtrisant les exigences ministérielles, les contenus à enseigner, les suivis comportementaux à effectuer, les bulletins à remplir, et toutes les autres tâches connexes inhérentes à la profession enseignante. Il faut des personnes bien formées.

La valeur sociale de la profession

Depuis plusieurs années, une pénurie de médecins de famille perdure. Le gouvernement a-t-il déjà pensé à réduire la formation en médecine ? Bien sûr que non ! Tout le monde trouverait cette proposition risible. Pourquoi en est-il autrement avec l’éducation, la pierre angulaire de toute société ? Dans les pays au système d’éducation exemplaire – pensons à la Finlande, par exemple – la formation des enseignantes dure cinq ans. Eh oui, il faut un doctorat de premier cycle pour enseigner ! Aucun pays ne raccourcit sa formation, au contraire (par exemple, la Belgique travaille actuellement à allonger sa formation en s’inspirant du modèle finlandais).

Notre système d’éducation subit un double exode. D’un côté, une proportion alarmante d’enseignantes légalement qualifiées quittent au bout de cinq ans ; de l’autre, les inscriptions dans les programmes de formation initiale diminuent, car la valeur sociale accordée à notre métier est en chute libre.

Pour attirer davantage de personnes dans les programmes de formation existants, la rémunération des stages permettrait de valoriser la profession enseignante et les études qui y mènent.

Un dialogue peut être ouvert pour permettre à la communauté étudiante d’être au cœur des réformes des programmes et pour contribuer à l’amélioration des conditions de stages et d’étude. La meilleure solution pour former plus d’enseignants au Québec est d’améliorer les conditions de travail et d’étude, mais en aucun cas d’écourter et de réduire la formation, tellement cruciale à l’exercice de la profession.

M. Drainville, cessez d’improviser et écoutez ce que demandent réellement le personnel en éducation et les futurs enseignants : de meilleures conditions de travail pour valoriser la profession enseignante tout en conservant une formation de grande qualité. Protégez la formation pour protéger nos enfants. Voilà ce dont a besoin notre système scolaire.

*Cosignataires : Léonie Asselin, coordinatrice générale de l’Association étudiante en enseignement secondaire de l’Université Laval (AEESUL) ; Catherine Bibeau-Lorrain, présidente de l’Union étudiante du Québec (UEQ) ; Mikaël Dion, président et externe de l’Association générale en éducation de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (AGEUQAT) ; conseil exécutif de l’Association des étudiantes et étudiants de la faculté des sciences de l’éducation de l’Université du Québec à Montréal (ADEESE-UQAM) ; Cinthia Guido, présidente de l’association étudiante au baccalauréat en éducation préscolaire et enseignement primaire de l’Université Laval (AEBEPEP-UL) ; Raphaëlle Tourangeau-Laberge, étudiante à la maîtrise qualifiante ; Alecsandre Sauvé-Lacoursière, secrétaire général de la Fédération des associations étudiantes du campus de l’Université de Montréal (FAECUM)