Le tribunal de l’opinion publique ne connaît pas de règle de droit. Certainement pas celle de la présomption d’innocence ou celle du doute raisonnable. Les accusateurs peuvent y aller de déclarations péremptoires sans aucune obligation de les prouver, et les personnes mises au banc des accusés ne disposent d’aucun forum pour faire valoir leur point de vue avant que ne tombe le verdict.

Lisez l’article d’Alice Girard-Bossé « Je n’ai pas volé, je n’ai pas fraudé »

Depuis deux semaines, il s’est dit tant de choses à mon sujet et au sujet de l’institution que j’ai dirigée de 2014 à 2021 que j’en ai le tournis. L’Office de consultation publique de Montréal est un joyau dont l’efficacité et le sens de l’innovation étaient reconnus tant à l’échelle locale qu’internationale. Il a suffi de 22 minutes pour faire basculer une crédibilité construite patiemment pendant 20 ans et renverser la perception que le public en avait à partir d’une lecture incomplète et décontextualisée.

Le reportage qui a tout déclenché avait définitivement son point de vue. Je respecte le travail des médias. C’est leur mission de questionner. Les journalistes ont présenté une lecture de la réalité basée sur l’analyse d’états de compte de cartes de crédit corporatives. Cela semble objectif. C’est la porte d’entrée pour poser des questions. Les réponses, ou plutôt l’absence de réponses, des dirigeants actuels de l’OCPM ne les ont pas satisfaits. Ils se sont alors tournés vers moi pour les obtenir.

Contrairement aux dirigeants actuels, je ne me suis pas cachée. J’ai répondu honnêtement à leurs questions au mieux de ma mémoire et des pièces que je possédais. Je n’ai pas quitté l’Office avec les copies de mes allocations de dépenses des dix dernières années… Ils en ont tiré leur propre conclusion. Ils en ont compris que l’Office était un machin inutile, un lieu de copinage, une agence de voyages où les dirigeants se paient des destinations exotiques sans raison sur le bras des contribuables. Ils ont identifié trois coupables et les ont donnés en pâture à la vindicte populaire. Et c’est là que je tire le trait.

Bien que je l’aie dit, bien que ça ait été confirmé par le bureau du contrôleur de la Ville, bien que je leur aie fourni toutes les pièces justificatives en ma possession, cela ne les a pas convaincus. Pourtant, depuis sa création, l’OCPM est une entité distincte de la Ville. Ses employés ne sont pas des employés de la Ville. Ses politiques de dépenses ne sont pas régies par les mêmes règles que celles de la Ville. Les journalistes n’ont pas voulu le comprendre. C’est leur prérogative. Mais là où j’attendais mieux de ma société qui, elle, est censée en être une de droit, c’était qu’avant de s’emballer et de poser un verdict, elle vérifie les informations et les sources.

Depuis deux semaines, je suis en proie à la colère de citoyens indignés. Certains vont même jusqu’à affirmer que l’UPAC devrait venir me chercher chez moi afin que je passe le reste de mes jours en prison. Que la liste de mes manquements à l’éthique est si longue que ça ne vaut pas la peine d’en commencer la nomenclature. On me reproche de ne pas m’être excusée.

Pourtant, je n’ai contrevenu à aucune règle, je n’ai rien volé, je n’ai pas détourné de fonds, je n’ai pas fait de cadeaux à des amis. Je n’ai pris aucune initiative de voyages sans un mandat qui ait été validé par l’administration de la Ville.

« Mais que diable est-elle allée faire au Mozambique ? » Recevoir au nom du maire de l’époque, Denis Coderre, la présidence d’une association internationale qu’il convoitait et qu’il avait demandée par écrit !

Je me suis présentée vendredi volontairement devant la Commission des finances de la Ville et j’y ai déposé toutes les pièces justificatives : lettres de mandat, protocoles d’entente, textes de loi et directives qui corroborent ma version des faits. J’y ai déposé des lettres de partenaires internationaux expliquant l’impact de nos échanges collectifs et déplorant la campagne de salissage dont l’institution est victime. J’ai expliqué que c’est moi qui ai demandé à l’OCPM, le 8 novembre dernier, de chercher le rapport de la vérificatrice générale de 2017 et nos réponses, documents qui m’ont été envoyés le 9 novembre.

Contrairement à ce qu’en disent mes détracteurs, je ne suis pas allée 77 fois en un an Chez Alexandre, je n’ai pas acheté des écouteurs à 900 $, je n’ai pas offert de billets de hockey ou d’opéra en les facturant aux contribuables. Devant la crédibilité du dossier déposé, des journalistes m’ont demandé si j’avais été traitée injustement. Il ne m’appartient pas de répondre à cette question.

Mais un autre lapin est sorti du chapeau… La présidente actuelle, Isabelle Beaulieu, en plus de me blâmer pour ses choix pour le moins discutables, a déclaré qu’elle avait hérité d’une organisation mal gérée où les employés volaient du temps.

Nouvelle accusation péremptoire sans aucune preuve à l’appui. Juste une déclaration à l’emporte-pièce devant un auditoire avide de sensationalisme. Et je vois de nouveau s’emballer le tribunal de l’opinion publique, sans qu’encore une fois je ne puisse présenter ma version des faits.

On accepte la parole de celle qui estimait justifié d’aller 77 fois en un an Chez Alexandre, de celle qui a remplacé tous les meubles du bureau et acheté des télévisions de 85 pouces qui sont restées dans des boîtes pendant des mois alors que l’OCPM n’a pas assez d’argent pour boucler son année financière. Rappelons que sous ma présidence, l’OCPM a par trois fois renvoyé des excédents de budget à la Ville. Pourquoi la parole d’une telle personne est-elle plus crédible que la mienne ?

Avec ces nouvelles accusations, certains réclament ma démission comme conseillère municipale. Que me demandera-t-on la prochaine fois ? De cesser d’exister ?

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