Les projets de logement social et abordable du nouveau programme de la CAQ tardent à être construits, malgré ce qu’elle promettait en 2022. On en a discuté avec la ministre responsable de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, qui reste optimiste pour l’avenir.

En pleine crise du logement, le gouvernement Legault a lancé un nouveau programme de logements sociaux et abordables subventionnés, en remplacement d’AccèsLogis.

Avec son nouveau Programme d’habitation abordable du Québec (PHAQ), le gouvernement promettait que les projets approuvés commenceraient à être construits dans un délai de 12 mois. Il a annoncé 39 projets de logement abordable en juin 2022.

Nous sommes 22 mois plus tard.

Sur les 39 premiers projets du PHAQ, seulement 9 sont en construction. C’est 341 logements abordables sur 1607, soit 21 % des unités.

Trente projets (1266 unités) sont encore en phase de planification (« en développement »), c’est-à-dire que la première pelletée de terre n’a pas encore eu lieu.

Aucun des 39 projets n’a encore été livré. Il faut au moins un an pour la construction.

Les chiffres ne mentent pas, et j’en conclus que la première cuvée du PHAQ est malheureusement un constat d’échec.

J’en ai discuté avec la ministre responsable de l’Habitation du Québec, qui tempère mon verdict. Elle explique que les projets seront tout de même prêts à recevoir des locataires dans un délai de trois ans (d’ici juin 2025). Et elle promet surtout que ça ira plus vite à partir de maintenant. Au cours des derniers mois, Québec a annoncé deux nouvelles cuvées du PHAQ, pour un total de 3500 unités.

« Comme les projets [de la cuvée de juin 2022] n’étaient pas déjà à un degré de maturité optimale, ça a pris plus de temps, explique la ministre Duranceau. Quand je suis arrivée, j’ai dit : “les projets qui passent le test, c’est parce qu’ils sortent de terre rapidement”. Ça se reflète plus dans [les nouvelles cuvées du] PHAQ. »

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

France-Élaine Duranceau, ministre responsable de l’Habitation du Québec

Je m’attends à ce qu’il y ait beaucoup plus de projets en chantier à l’intérieur de 12 mois [à partir de maintenant].

France-Élaine Duranceau, ministre responsable de l’Habitation du Québec

Durant les années 2000, le Québec avait un programme de logement social et abordable assez efficace. On construisait environ 1900 unités de logement abordable par an, avec un délai de seulement 10 mois pour la planification avant la construction⁠1.

Pour la première cuvée du PHAQ en 2022, ce délai de planification est rendu à 19 mois⁠2. Vrai, la pénurie de main-d’œuvre complique les choses. Mais il faut se rendre à l’évidence : le PHAQ n’est pas plus rapide qu’AccèsLogis à ses belles années.

En 2009, le gouvernement Charest a torpillé AccèsLogis en arrêtant d’ajuster les subventions à l’inflation. Le gouvernement Couillard a poursuivi cette décision néfaste. Résultat : les montages financiers ne reflétaient plus les coûts réels de construction, et les projets sous-financés n’étaient pas construits en pratique. En 2018, il y avait ainsi 15 000 unités « bloquées » dans le système. De 2018 à 2022, le gouvernement Legault a utilisé ses fonds en logement social pour « débloquer » une partie de ces 15 000 unités.

Puis, en 2022, la CAQ a remplacé AccèsLogis par le PHAQ pour les nouveaux projets. Elle a promis que la planification prendrait moins de 12 mois. Puis, cette promesse est passée à 18 mois. Or, après ce délai, 30 des 39 projets sont toujours en planification.

La ministre Duranceau reste néanmoins optimiste pour la suite des choses. Au cours des derniers mois, Québec a corrigé certaines failles du PHAQ pour le rendre « plus souple » et « plus fluide », selon elle. On a entre autres ajouté des frais de démarrage dès le début du projet.

Québec a annoncé deux autres vagues de projets de logement abordable : 999 unités en décembre, puis 2574 unités en février. On accélère clairement la cadence. La ministre Duranceau a bon espoir que ces 3500 unités se rendent à la première pelletée de terre avant 18 mois, et même avant 12 mois pour beaucoup d’entre eux. « Le critère le plus important [pour choisir les nouveaux projets], c’est que la première pelletée de terre soit en 2024 », dit-elle.

Pour les 30 projets (1266 unités) de juin 2022 qui ne sont toujours pas en chantier, Québec donnera une extension de quelques mois au maximum de projets possible. Mais pour certains projets pas assez avancés, ce sera la fin. « On ne laisse plus vivoter des projets qui ne sont pas prêts à partir, dit la ministre Duranceau. On reprend l’argent et on le redistribue à des projets qui sont plus prêts. Ça, c’est une révolution. »

Avec la crise du logement qui s’aggrave, il faut espérer que le PHAQ prenne (enfin) son envol et qu’on réduise les délais de construction.

Heureusement, tout n’est pas noir dans le bilan du logement social et abordable au Québec. D’ici quelques jours, je vous parlerai d’une autre initiative de la CAQ dont les résultats sont prometteurs.

1. Délai moyen pour AccèsLogis entre 2005 et 2008.

2. Les projets ont été annoncés en juin 2022, mais il a fallu trois mois pour que les contrats soient finalisés. Donc pour le gouvernement, le chronomètre commençait véritablement en septembre 2022. Ça fait donc 19 mois au lieu de 22 mois.

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Qu’est-ce que le logement social et abordable ?

Le gouvernement finance la construction d’un certain nombre de logements abordables par année. De façon générale, la subvention de Québec couvre de 45 % à 50 % du coût de construction, l’hypothèque sur les loyers en couvre 30 %, et les villes et autres sources de revenus (ex. : fondations, gouvernement fédéral) en couvrent entre 20 % et 25 %.

Dans ces projets, 100 % des logements sont abordables. Les logements sont la propriété d’offices municipaux d’habitation, de coops d’habitation ou d’OSBL. Ces organismes doivent louer les logements à des Québécois qui ont un revenu annuel modeste (ex. : à Montréal, moins de 44 000 $ pour une personne et moins de 62 000 $ pour deux personnes). Le montant du loyer et le seuil maximal de revenu pour être locataire sont déterminés par le gouvernement du Québec et varient selon les régions.

Chaque projet de logement abordable réserve un certain nombre de logements pour du logement social, dont les loyers sont subventionnés en partie par Québec. Un logement social est réservé aux gens qui ont des revenus annuels très modestes (ex. : moins de 38 000 $ pour une personne ou un couple à Montréal ; moins de 25 000 $ à Saguenay). Un locataire avec un logement social ne consacre pas plus de 25 % de son revenu à payer son loyer.