Pas moins de 23 ministères et agences gouvernementales interviennent dans le combat contre la pauvreté. Comment s’assurer d’une collaboration transversale efficace et dans l’action ? Notre collaborateur propose une piste de solution.

À Québec, en cette période de l’année, il n’y a pas qu’au Carnaval qu’on assiste à un défilé. Sur la colline Parlementaire, les acteurs de la société civile défilent quant à eux devant le ministre des Finances, mémoires et recommandations sous le bras, dans le cadre des consultations prébudgétaires.

Cette année, tout particulièrement, je ne voudrais pas être dans la peau du ministre Eric Girard. À quel exercice d’équilibriste doit-il se prêter ! En plus de devoir atteindre l’équilibre budgétaire, le ministre des Finances fait face à des problèmes complexes auxquels il faut trouver des solutions efficaces et bénéfiques pour le plus grand nombre et chiffrer tout cela, bien sûr.

Eh bien, M. Girard, ne vous inquiétez pas, je n’ajouterai rien à votre fardeau dans cette chronique et je ne vous proposerai pas un nouveau modèle d’intervention économique coûteux. Je suis ailleurs.

Québec s’apprête à publier la nouvelle mouture de son plan d’action gouvernemental en matière de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale. La dernière mise à jour date d’il y a six ans. Le portrait de la pauvreté et de l’exclusion a certainement évolué, au cours de cette période. À titre d’exemple, en 2017, Centraide du Grand Montréal venait en aide – grâce aux organismes communautaires qu’il soutient – à environ 15 % des résidants de son territoire. À peine sept ans plus tard, cette proportion est maintenant de 20 %, soit une personne sur cinq.

Un plan d’action gouvernemental doit comporter plus que des mesures palliatives. Pour provoquer des changements durables, il doit être porteur d’une vision détaillée, mais surtout intégrée. Nous devons également arrêter de traiter les symptômes, et plutôt nous attaquer aux causes de la pauvreté et de l’exclusion sociale.

Dépenser pour économiser

Depuis mon arrivée à Centraide, nous poursuivons la mise en place d’une stratégie de données qui nous permettra, entre autres, de suivre de façon encore plus précise les mouvements sociaux dans le Grand Montréal.

L’ampleur de nos accomplissements ne peut être pleinement représentée dans un tableau Excel ou un rapport annuel. Elle réside plutôt dans la force de nos liens, l’impact réel que nous générons, la façon dont nous touchons et transformons des existences au quotidien grâce au travail de notre réseau communautaire. Ce sont ces moments qui insufflent de l’émotion à nos actions et qui transforment chaque chiffre en une réussite humaine. C’est ce qui donne un sens profond à notre mission.

Les chiffres nous permettent de mesurer nos avancées et l’impact de nos contributions et de nos actions. Les rencontres et les collaborations, elles, confirment que nous progressons ensemble vers une société où toutes et tous peuvent déployer leur plein potentiel.

Il est crucial que tous les ministères soient réunis sous le même objectif, avec les mêmes données à suivre et à analyser afin de prioriser la lutte contre la pauvreté et l’exclusion. Cette coordination permettra d’optimiser les ressources, ce qui devient encore plus important dans un contexte budgétaire difficile.

Je pourrais vous donner des dizaines d’exemples qui démontrent la nécessité de mieux travailler ensemble. Prenons l’actuelle situation des demandeurs d’asile. Plusieurs ministères sont interpellés : Immigration, Services sociaux, Solidarité sociale et Action communautaire, Habitation, Éducation… Cette liste n’est pas exhaustive, elle ne comprend pas les organismes communautaires qui fournissent une partie des services et du soutien essentiel sur le terrain.

J’ai déjà écrit sur le nombre de ministères ou agences gouvernementales qui interviennent dans le combat contre la pauvreté : il y en a 23 ! Autant d’entités qui ont toutes des « mesures » se rapportant à la lutte contre la pauvreté et des objectifs qui leur sont propres. Pourtant, nous avons actuellement une ministre de la Solidarité sociale et de l’Action communautaire, qui, on peut l’imaginer, doit négocier avec ses collègues lorsque vient le temps de s’attaquer à la pauvreté.

Il faut donner les coudées franches à l’actuelle ministre de la Solidarité sociale et de l’Action communautaire. Elle doit, à l’instar du superministre de l’Économie, chapeauter toutes les initiatives gouvernementales en matière de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale.

En véritable superministre de la Dignité, elle développerait et surveillerait les indicateurs, et pourrait ajuster les interventions du gouvernement en prenant compte des préoccupations du terrain, en amont.

Et surtout, on enverrait un message fort aux personnes en situation de vulnérabilité, trop souvent laissées pour compte.

Cette collaboration, qui doit être radicale, impose d’aller au-delà des dollars. Elle doit favoriser une meilleure compréhension des enjeux et surtout une meilleure réponse, une meilleure planification et une meilleure prise en compte du travail des organismes communautaires.

L’investissement dans la lutte contre la pauvreté, c’est démontré, rapporte plus que ce qu’elle coûte. Dépenser judicieusement aujourd’hui, c’est prévenir d’importants coûts sociaux et économiques dans l’avenir.

Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue