(Ottawa) Le gouvernement fédéral et les provinces ne peuvent plus laisser les municipalités se débrouiller seules avec le problème de l’itinérance. La défenseure du logement réclame un plan d’intervention national d’ici la fin du mois d’août pour régler la situation des campements qui se sont multipliés partout au pays. Marie-Josée Houle en fait « une question de vie ou de mort » dans son dernier rapport obtenu par La Presse.

Ce qu’il faut savoir

Les campements de sans-abri se sont multipliés depuis la pandémie de COVID-19.

Le phénomène est dû à plusieurs causes, dont la crise du logement et le manque de ressources communautaires.

La défenseure fédérale du logement appelle Ottawa à élaborer un plan d’intervention d’ici le 31 août.

« Les gens sont en train de mourir, lance-t-elle en entrevue. C’est vraiment une crise et c’est urgent. »

Ils peuvent être emportés par le froid ou par une surdose de drogue ou être battus à mort. La défenseure fédérale du logement fait d’ailleurs le lien entre « la crise des campements » et « la crise nationale des opioïdes » dans son rapport qui doit être dévoilé ce mardi.

Elle propose six appels à l’action dont celui, pour le gouvernement fédéral, d’élaborer un plan d’intervention à l’échelle du pays d’ici le 31 août en collaboration avec les provinces, les territoires et les municipalités. Elle constate que les réponses « sont disparates partout au pays » et qu’il y a « un nombre croissant de recours devant les tribunaux ». Le plan du gouvernement devra être accompagné de ressources suffisantes pour sa mise en œuvre.

Il ne faut pas avoir un autre hiver avec des campements, mais il faut avoir de vraies alternatives. Et aussi il faut de nouvelles ressources.

Extrait du rapport de la défenseure fédérale du logement

De l’argent frais pour tenter de trouver des solutions à la crise qui répondraient réellement aux besoins de ces gens tout en respectant leurs droits. Il s’agit d’une recommandation qui pourrait être difficile à appliquer dans le contexte où le gouvernement tente de trouver des économies.

« [Mais] c’est quoi, le coût de ne rien faire ? demande Marie-Josée Houle. Quand les gens en situation d’itinérance se ramassent dans les salles d’urgence des hôpitaux et quand une ville comme Edmonton dépense quelques millions de dollars pour forcer des gens hors d’un campement… On parle de dépenser, mais de bien dépenser. »

Démanteler ? « Ça ne marche jamais »

Mme Houle demande également aux autorités de cesser « immédiatement » de démanteler les campements « parce que ça ne marche jamais » et que « ça aggrave la situation pour les personnes ».

La Presse avait révélé en décembre que Montréal avait démantelé au moins 460 campements de sans-abri depuis le début de l’année 2023, dont 420 dans l’arrondissement de Ville-Marie. Seulement pour cet arrondissement, c’est quatre fois plus qu’en 2021.

PHOTO BUD GAULTON, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Marie-Josée Houle, défenseure fédérale du logement

Gatineau a également délogé en décembre des sans-abri qui campaient le long de l’aréna Robert-Guertin. Quelques mois plus tôt, la mairesse France Bélisle avait interpellé directement le ministre responsable des Services sociaux, Lionel Carmant.

« Monsieur Carmant, j’ai 80 personnes dans un campement. Mon refuge pour sans-abri déborde », avait-elle dit lors du sommet sur la fiscalité de l’Union des municipalités du Québec.

Pas seulement en milieu urbain

Les campements se sont multipliés un peu partout au pays et autant dans les grandes villes que dans les petites municipalités et en milieu rural. Mme Houle reconnaît qu’il est difficile de recenser leur nombre « parce que ça change tout le temps », mais certaines municipalités ont tout de même commencé à le faire.

« La problématique s’accroît, ça, c’est sûr, souligne-t-elle. Il y en a partout, même à Pinehouse, dans le nord de la Saskatchewan, puis dans le Grand Nord aussi. Il y en a partout. Ce n’est pas juste une problématique urbaine. »

Elle fait le lien entre « l’augmentation du nombre et de la taille des campements » et « la diminution de la capacité des refuges » au début de la pandémie de COVID-19. Mais loin de se résorber, « les défis se sont [depuis] avérés plus persistants et systémiques. »

La crise du logement, l’inaccessibilité des refuges d’urgence, le sous-financement des organismes communautaires, le manque de ressources pour les personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale et de toxicomanie et le manque de coordination entre les ordres de gouvernement ont tous contribué à la crise.

La défenseure du logement souligne aussi le manque de ressources pour les peuples autochtones, qui sont surreprésentés parmi les personnes en situation d’itinérance.

Les refuges manquent parfois de lits ou ne répondent pas réellement aux besoins des gens qui vivent dans la rue. « Les refuges n’acceptent pas les couples, les animaux de compagnie, ils exigent parfois que les gens soient sobres, ils n’acceptent pas les biens des personnes, énumère-t-elle. Quand on est en situation d’itinérance, les objets qu’on traîne avec nous, ce sont tous des objets de survie. »

Pour produire son rapport, la défenseure du logement est allée à la rencontre de gens qui vivent dans des campements d’un bout à l’autre du pays. Elle a constaté à regret « l’absence d’une volonté politique, de ressources et de coordination ».

Avec Gabrielle Duchaine et Caroline Touzin, La Presse